Renne blanc, Le
Titre original: Valkoinen peura
Genre: Lycanthropie , Vampirisme , Fantastique , Possession
Année: 1952
Pays d'origine: Finlande
Réalisateur: Erik Blomberg
Casting:
Mirjami Kuosmanen, Kalervo Nissilä, Åke Leonard Lindman, Arvo Lehesmaa, Jouni Tapiola, Inke Tarkas, Aarne Tarkas, Un renne albinos...
 

En Laponie finlandaise, à la fin du 19e siècle ou au début du 20e, Pirita naît d'une mère "sorcière" (comprendre maudite) qui meurt en couche. Une vingtaine d'années plus tard, lors d'une fête de village (ou une fête tribale puisque nous somme chez les lapons), Pirita rencontre Aslak, jeune éleveur de rennes dont elle tombe amoureuse. Cet amour est réciproque et, peu de temps plus tard, les parents d'Aslak viennent, comme le veut la tradition, acheter symboliquement Pirita à sa famille. Les jeunes mariés vivent heureux, mais rapidement Aslak doit quitter son épouse pour accompagner les troupeaux de rennes dans leurs transhumances. Il lui confie la garde d'un jeune renne blanc (particulièrement apprécié des lapons qui les considèrent comme précieux) pour lui tenir compagnie. Mais Pirita s'ennuie et se rend chez le Chaman du coin pour qu'il lui confectionne un filtre d'amour (à base de testicules de renne) pour s'assurer l'affection d'un mari trop absent, sans doute, mais aussi pour des motifs moins avouables. Le vieux sorcier, ivrogne inoffensif, se rend compte, effrayé, des pouvoirs et de la vraie nature de Pirita. Pour accomplir son destin, celle-ci doit sacrifier au dieu de pierre (en fait un monolithe sombre surmonté d'un massacre de renne) la première créature vivante qu'elle rencontrera...

 

 

Considéré comme l'un des premiers films fantastiques finlandais, Le renne blanc est un film poétique, contemplatif et envoûtant doté d'une photo et d'une musique magnifique. Le dépaysement proposé par cette oeuvre est total, pas tant par son histoire de malédiction vampirique tirée d'une vieille légende lapone, qui n'est pas sans rappeler La Féline de Tourneur (en moins bien il faut le reconnaître), que par son cadre "exotique" unique dans l'histoire du cinéma. Mais si on n'est pas sensible au magnifique paysage du grand nord finlandais, on peut passer à coté de ce film "d'atmosphère" parfois un peu lent et pourtant très (trop) court (1 heure 5 minutes seulement).
Ce Renne blanc est l'oeuvre d'un couple : Erik Blomberg et Mirjami Kuosmanen, mari et femme dans la vraie vie et dans le film, actrice principale et scénariste pour elle (Mirjami est un prénom féminin), réalisateur, directeur de la photo et coscénariste pour lui. Le succès critique de ce métrage leur apportera une grande notoriété, si ce n'est à l'international, du moins à l'échelle de la Scandinavie. Mais leurs carrières ne survécurent pas aux années 50. De santé fragile, Mirjami Kuosmanen se retira en 1956 avant de mourir à 48 ans en 1963. Erik Blomberg, après avoir tourné quelques films en Suède (il appartenait, comme son nom l'indique, à la minorité "suédophone" finlandaise) rejoindra son épouse dans sa retraite cinématographique (mais il lui survécut, dieu merci, une trentaine d'années). Pour rajouter au côté film de couple, précisons que les jeunes mariés, dont le fiancé sera l'ultime victime de Pirita, sont joués par le producteur du film et par celle qui était son épouse dans la vie réelle (Aarne et Inke Tarkas).

 

 

La photo du réalisateur est un des principaux atouts de ce film, qui ne souffre pas d'être en noir et blanc, la toundra finlandaise en hiver n'étant qu'alternance de neige immaculée et de sombres forêts, jusqu'aux rennes, dont les robes vont du blanc au noir en passant par diverses teintes de gris et de bruns, qui ne nous font pas regretter l'absence de couleur.
L'autre grand atout du Renne blanc est sa musique entêtante et envoûtante inspirée des chants traditionnels lapons. Elle est l'oeuvre d'Einar Englund, un autre suèdo-finlandais, célèbre compositeur qui fut l'élève du grand Sibelius.
Ce film revêt un grand intérêt ethnologique, en nous dépeignant une société lapone "d'avant" (la mécanisation et l'acculturation), mais déjà en pleine mutation, à la fois nomade et sédentaire, à la fois luthérienne et chamaniste. Les lapons, ce peuple du renne, sont eux-mêmes à la fois cow-boys et indiens, non seulement dans leur culture mais aussi dans leurs traits physiques. Leurs tenues (un véritable festival de couvre-chefs ridicules, il faut le reconnaître) leurs modes de transports (le ski primitif, les pulkas ressemblant à des canoës, etc...) leurs croyances, nous apparaissent étranges et dépaysantes.

 

 

L'aspect fantastique du film est lui par contre un peu faible. Si le parti pris de ne montrer ni sexe ni violence autrement que sous forme d'ellipse correspond à l'époque et à un certain manque de moyens financiers, il n'en est pas moins frustrant dans une histoire de séductrice vampirique. La scène à la fois la plus sanglante et la plus "hot" est celle où Pirita se lèche une légère estafilade sur son épaule.
Interprète principale, Mirjami Kuosmanen est très crédible en lapone, avec ses hautes pommettes et ses yeux clairs mais étrécis lui donnant un physique eurasiatique. Malgré ses talents de comédienne et un charme étrange amoureusement photographié par son mari, elle est par contre un peu âgée (37 ans lors du tournage) pour son rôle. Un reproche que l'on peut aussi faire à Kalervo Nissilä qui interprète son mari, ce grand homme de théâtre fut surnommé le Errol Flynn finlandais bien que, physiquement, il soit plus proche de Leonid Brejnev. A noter, dans le rôle du garde forestier "non lapon", Åke Leonard Lindman, qui deviendra dans les années 2000, à plus de 70 ans, un réalisateur de films à gros budget (à l'échelle finlandaise) sur les combats soviéto-finlandais de la seconde guerre mondiale (preuve que le cinéma finnois ne se limite pas aux frères Kaurismaki).
Le renne blanc sera récompensé au festival de Cannes en 1953 par le prix international du film légendaire, un prix créé pour l'occasion et qui ne concerna que cette édition. En effet, le jury présidé cette année là par Cocteau, après avoir attribué le grand prix du festival au "Salaire de la peur" de Clouzot (on en conclura que 1953 fut un très bon millésime pour Cannes) décida, plutôt que de donner une demi-douzaine de prix spéciaux comme il était de coutume à l'époque, de donner des noms fantaisistes aux lots de consolations. Il y eut ainsi un "prix international du film de la bonne humeur", un "prix international du film de divertissement" et même un "prix international du film le mieux raconté par l'image". Reconnaissons que pour Le renne blanc, au moins, le jury de Cannes ne s'est pas trompé.

 

 

Note : 8,5/10 pour ces faux lapons qui, quand ils veulent jouer aux chauds lapins, finissent refroidis.

Sigtuna

 

En rapport avec le film :

 

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