Au coeur de la nuit
Titre original: Dead of Night
Genre: Horreur , Thriller , Fantastique , Sketchs
Année: 1945
Pays d'origine: Grande-Bretagne
Réalisateur: Alberto Cavalcanti, Charles Chrichton, Basil Dearden, Robert Hamer
Casting:
Mervyn Johns, Roland Culver, Googie Withers, Frederick Valk, Anthony Baird, Sally Ann Howes, Miles Malleson, Ralph Michael, Basil Radford, Naunton Wayne, Peggy Bryan, Michael Redgrave, Hartley Power...
 

Amené par un ami, Walter Craig arrive dans une propriété où se trouve réuni un petit groupe de personnes. Il croît reconnaître ses compagnons qu'il n'a pourtant jamais vus. Poussé par un des invités, un psychiatre, chacun raconte alors une histoire tournant autour d'un phénomène étrange.

 

 

Voici les cinq histoires qui nous sont contées, en plus du sketch de liaison qui en est une à part entière :
- Le Corbillard : Alors qu'il vient tout juste de réchapper d'un accident, et qu'il a vu en rêve un corbillard, un coureur automobile refuse de monter dans un autobus car il croit reconnaître en la personne du receveur le cocher du corbillard. Peu après, l'autobus manque un parapet pour s'écraser dans un fossé.
- Fête de Noël : Au cours d'une soirée de Noël, une adolescente, seule dans une chambre de la propriété où elle se trouve, voit surgir devant elle le fantôme d'un petit garçon assassiné par sa propre sœur.
- Le miroir hanté : Un jeune homme subit l'emprise d'un miroir qui lui a été offert par sa fiancée ; un assassin s'est suicidé devant le miroir. Alors que le jeune homme, au comble de la dépression, tente de tuer sa jeune femme, celle-ci parvient à briser le charme maléfique en cassant la glace.
- En jouant au golf : Un passionné de golf, jaloux des succès de son partenaire et ami, le pousse au suicide. Mais le fantôme de ce dernier vient le hanter au cours de sa nuit de noces.
- Le Ventriloque : Maxwell Frere, le ventriloque, donne une représentation dans un night-club avec sa marionnette. Peu à peu, la poupée réussit à rendre fou son partenaire humain. Le ventriloque "tue" alors la marionnette mais il s'aperçoit bientôt qu'il est incapable désormais de faire quoi que ce soit sans elle.

Craig se souvient alors qu'il a déjà vu en rêve tout ce que les invités viennent de raconter mais que ce rêve s'interrompait au moment même où il allait lui-même assassiner un des invités. La sonnerie stridente d'un téléphone le réveille : ce n'était qu'un cauchemar. Craig gagne alors en auto une propriété qu'un ami lui a demandé de modifier. Il entre dans un salon où se trouve réuni un petit groupe de personnes...

 

 

Dead of Night est l'un des rares films fantastiques qui aient eu l'honneur de figurer dans les histoires du cinéma avant la réhabilitation du genre effectuée à la fin des années 60. Cette faveur s'explique par la date de réalisation, 1945, par les circonstances qui l'entourent (renaissance du cinéma en Grande-Bretagne, libéralisation de la censure envers les films fantastiques, débuts des studios Ealing, débuts de réalisateurs appelés à faire des carrières importantes : Robert Hamer ("Noblesse oblige"), Charles Crichton ("Rapt", "Un poisson nommé Wanda"...), Basil Dearden ("Man in the Moon", "Scotland Yard contre X"... en fait, Dearden avait déjà signé quelques films sous la supervision d'Alberto Cavalcanti).
Oeuvre importante d'un point de vue historique, Au coeur de la nuit, sous le regard neuf qui se pose aujourd'hui sur le cinéma fantastique, garde toutes ses qualités.
Il s'agit d'un film à sketches exemplaire. Il a tous les avantages de cette forme de construction, condensation dramatique, variété, rapidité, et il n'en possède, ce qui est extrêmement rare, aucun des inconvénients. L'unité reste rigoureuse et la cohérence interne demeure intacte.

 

 

L'encadrement des cinq sketches, empruntés à la nouvelle d'E.F. Benson ("The Room in the Tower"), et qui a fait en grande partie la célébrité du film, est un premier agent essentiel de cette cohérence et de cette unité. Dead of Night renvoie indéfiniment à lui-même. La répétition amorcée par la dernière séquence empêche de séparer le rêve que le spectateur vient de vivre avec Craig de la réalité qui le reprend point par point. A cause des faux souvenirs de ce dernier, les intervalles qui séparent les sketches suscitent à leur tour le malaise.
Chaque segment reste un deuxième agent de l'unité, tout en racontant des histoires différentes (trois histoires de fantôme, une histoire de double, une histoire de prémonition) et en présentant une expérience identique du surnaturel. Tandis que les différences d'âge, d'origine et d'activité entre les héros donnent à cette expérience un caractère universel, décors et mise en scène la placent sans hésitation possible dans le monde contemporain.

 

 

"Le miroir hanté" et "Le ventriloque", les deux épisodes les plus fameux, déplacent l'incertitude de l'extérieur à l'intérieur de l'individu, et annoncent directement le fantastique moderne. Ils se font d'ailleurs écho... Dans chacun, on trouve un personnage victime d'une créature maléfique, la possibilité d'une interprétation psychanalytique du drame par la violence, une résolution de ce drame par la violence et, enfin, le constat par un témoin du caractère surnaturel de l'histoire. Et si leurs styles diffèrent, les metteurs en scène jouent tous deux sur les rapports existant entre l'histoire filmée et la nature du cinéma : Robert Hamer, avec des mouvements souples, crée deux espaces, devant le miroir et de l'autre côté du miroir, que l'on peut assimiler à l'écran. Par des éclairages contrastés, Alberto Cavalcanti rend la marionnette plus vivante que le ventriloque et suggère une confusion entre l'acteur et le rôle ; il y est aidé par l'excellent jeu de Michael Redgrave. Annonçant "Psychose" d'Alfred Hitchcock ou "Images" de Robert Altman (1972), tout comme "Magic" (1978) de Richard Attenborough qui développe le même sujet, "Le ventriloque" formule la question latente dans la plupart des films fantastiques des années 40, et même dans la plupart des films fantastiques modernes : "Quel démon se cache en nous ?".
En même temps, le sketch et le film entier nous rappellent que le cinéma est la réalité de l'illusion.

 

 

Mallox

 

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