Jour où la Terre s'arrêta, Le
Titre original: The Day the Earth Stood Still
Genre: Science fiction
Année: 1951
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Robert Wise
Casting:
Michael Rennie, Patricia Neal, Hugh Marlowe, Sam Jaffe, Billy Gray, Frances Bavier...
 

C'est juste au-dessus de Washington qu'une soucoupe volante est repérée. A son bord, Klaatu, un extra-terrestre, et Gort, un robot, atterrissent en plein centre de la ville. L'accueil est plus qu'hostile et dès l'engin à terre, Klaatu, blessé, est hospitalisé. Il parvient à échapper à la surveillance des autorités et se cache dès lors dans un hôtel, sous le nom d'emprunt de Carpenter. C'est ensuite qu'il se lie d'amitié avec un gosse, Bobby Benson, ainsi qu'avec la mère de ce dernier, Helen. Klaatu prend également contact avec un savant atomiste de renom, le professeur Barnhardt. Son objectif est d'avertir le savant que la Terre doit mettre fin à ses embardées agressives et vivre en paix, sinon quoi elle sera détruite. Une réunion des plus éminents savants et politiciens du monde entier est donc convoquée. Durant la conférence, Klaatu apporte la preuve manifeste de ses pouvoirs en faisant suspendre, durant une demi-heure, toute l'énergie électrique mondiale. Jaloux de la proximité de Klaatu avec Helen, son fiancé révèle sa fausse identité aux forces armées. C'est alors que Klaatu se fait tuer en se rendant chez le professeur Barnhardt. Gort le robot s'avère programmé pour détruire le monde si Klaatu venait à être tué. Seuls les mots "Klaatu, Barada, Nikto" ont le pouvoir de le stopper. Helen, à qui Klaatu a révélé la formule, la prononce pour neutraliser Gort qui la fait prisonnière avant de ramener à la vie Klaatu, puis de l'emmener à bord de la soucoupe volante...

 

 

Réalisé par Robert Wise, un cinéaste alors côté, Le jour où la Terre s'arrêta fut donc produit par la fameuse 20th Century-Fox, l'une des plus illustres et colossales maisons de production d'alors. A sa sortie, le film obtint à l'époque un grand succès d'un point de vue commercial, et représentait l'une des incursions les plus importantes des années 50 dans le domaine de la science-fiction. C'est également et surtout l'un des rares films de l'époque et du genre en question, fait avec un budget confortable, qui ait su éviter la médiocrité inhérente à un genre abusant alors de ressorts dramatiques reposant sur le seul postulat de la peur de l'étranger, à savoir les extra-terrestres et les soucoupes volantes. Le succès du film est sans doute à porter au crédit des techniciens en charge des effets spéciaux, lesquels surent conférer une sorte d'authenticité aux étrangers de l'espace représentés dans le film. D'une manière générale, les productions de séries B n'avaient pas l'opportunité de s'offrir ce luxe, et étaient le plus souvent exploitées dans des drive-in populaires, en même temps qu'elles étaient soit snobées, soit tournées en dérision par l'intelligentsia et la critique cinématographique. Si le succès fut en grande partie dû à un déploiement de moyens - très bien vendus au préalable, notamment dans la presse - l'intérêt de The Day the Earth Stood Still ne se limite toutefois pas à ses seuls moyens. Allant alors totalement à contre-courant, le film de Wise est singulièrement habité par une grande sagesse, laquelle s'inscrit néanmoins dans une certaine tradition chrétienne.
A cet égard, on peut même affirmer aujourd'hui, avec le recul, qu'au-delà du fait qu'il adresse un message à l'Amérique toute entière sur son propre malaise, l'histoire et la façon dont elle est menée est parcourue d'une sorte de souffle quasi-biblique.

 

 

L'une des grandes originalités de The Day the Earth Stood Still est de se placer du point de vue des visiteurs, ce qui constituait un risque énorme au niveau de l'identification entre le public et le projet fini. Dès son générique, nous sommes placés à l'intérieur de l'engin spatial qui voyage dans la Galaxie, et se dirige vers l'Amérique du Nord après être entré dans l'atmosphère terrestre. Du coup, Robert Wise convoque l'adhésion immédiate du spectateur envers nos visiteurs, avant d'enchaîner directement sur la séquence d'ouverture : l'effroi des humains face à l'atterrissage imminent de la soucoupe nous est montré grâce à un très habile montage d'informations transmises par différents moyens de communication (gros titres des unes la presse, informations radiophoniques, émissions de télévision) entrecoupées de gros plans sur des yeux scrutant le ciel avec angoisse.

Au niveau de la distillation de l'angoisse et son rendu à l'écran, Le jour où la Terre s'arrêta demeure un petit modèle, auquel vient s'ajouter une incroyable partition musicale de Bernard Herrmann accentuant, à l'aide d'instruments électroniques, de pianos, de puissantes percussions et de cuivres impétueux, cette atmosphère d'attente angoissante (le score du film préfigure d'ailleurs, par son style, celui que signera en 1958 le même Herrmann pour "Vertigo").

La peur autant que l'hostilité règnent et sont ici palpables avant même que Klaatu ne sorte de son vaisseau spatial. En un seul plan, Wise dit tout ce qui a été laissé de côté depuis tant d'années dans le genre : la peur de l'autre est synonyme d'ignorance, à l'instar du comité d'accueil constitué de soldats armés jusqu'aux dents, tandis que Klaatu s'approche paisiblement avec d'évidentes intentions pacifistes. Il se heurtera finalement à l'inévitable : l'agressivité de l'être humain, elle-même résultant de sa vanité à vouloir tout connaître, sans quoi la méfiance est de rigueur.

 

 

Quant à la dimension religieuse implicite du scénario d'Edmund North, elle passe donc par l'excellence du jeu des acteurs, qui parviennent à la transmettre par leur simple expressivité. Un tour de force. Les interprètes se montrent donc particulièrement brillants, que ce soit Patricia Neal dans le rôle de la mère qui prend conscience du sens de la mission des extra-terrestres, ou Billy Gray dans le rôle du jeune garçon. Quant à Michael Rennie, celui-ci compose avec force, intelligence et conviction une sorte de messie de l'espace, un prophète ayant la capacité de résoudre des problèmes mécaniques paraissant difficiles à l'humain, non d'ailleurs sans une certaine autorité ironique, un peu à la manière d'un patriarche montrant comment faire à des enfants malhabiles. Pourtant, il provoquera vite la stupeur en déclarant que toutes les recherches spatiales se doivent d'être suspendues, sous peine de destruction de la Terre.

En arguant que les Terriens constituent une menace pour l'univers tout entier, il fait ressortir l'orgueil propre à l'être humain qui reste obstinément incrédule. Robert Wise distille avec une belle précision, et un timing hors pair, nombre de séquences mémorables : ainsi il parvient à créer de forts moments de tension dramatique, notamment lorsque Helen et Klaatu se retrouvent bloqués dans un ascenseur à cause d'une panne de courant. Par un savant jeu de lumières, alors que nos deux personnages se tiennent face à face, leurs visages ne sont éclairés que par la lumière du soleil qui passe à travers une grille ; c'est alors que le scepticisme d'Helen disparaît peu à peu pour laisser place à une compréhension profonde de la mission de Klaatu. Dès que l'ascenseur se remet en marche, Helen est alors entièrement convertie, au point même qu'on lui confie le secret assurant la survie de sa propre planète (les mots "Klaatu, Barada, Nikto"). Une formule qui fait du reste office de leitmotiv et qui sans nul doute contribua également au succès du film. Celle-ci servira donc finalement à faire échouer le terrifiant projet de Gort, le robot-policier de l'univers, programmé pour détruire la Terre.

 

 

A l'époque, les enfants se sont précipités dans les salles voir le fantastique Gort, avec sa cuirasse gris argent (assez proche de celle d'Iron Man, créée par Stan Lee en 1963, qui s'inspirât dans doute de Gort).
Finalement, la descendance de Gort a longtemps peuplé les productions hollywoodiennes d'envergure ; on la retrouve par exemple dans des classiques tels que Star Wars (1977), "Rencontres du troisième type" (1977) ou "Le trou noir" (1979). Ces films sont redevables, à un degré plus ou moins évident, au charisme qu'exerça notre robot des années 50.

C'est aux moments les plus intenses que l'aspect "film noir" de The Day the Earth Stood Still laisse place aux décors et aux effets spéciaux. A cet égard, l'intérieur de la soucoupe volante, d'où sort Klaatu pour s'adresser à la foule, est aujourd'hui encore relativement stupéfiant.
Le film constitua (et c'était une véritable gageure pour un film de science-fiction) une étape importante dans la carrière des deux acteurs principaux. Mais la réussite du Jour où la Terre s'arrêta est celle de toute une équipe, une osmose assez remarquable entre tous les secteurs de la production : scénario, composition des acteurs, décors, musique, costumes, effets spéciaux... tous sont remarquablement employés par le réalisateur. Robert Wise, après avoir signé quelques films de grande qualité dans les genres science-fiction ou horreur ("La maison du diable", Le mystère Andromède, Audrey Rose), signera une autre épopée intergalactique en 1979, "Star-Trek", cette fois-ci avec moins de bonheur...

A noter que le film aura son insipide remake à la sauce Hollywood chewing-gum fraîcheur de vivre, en 2008. Un remake qui réussissait l'exploit de ne rien dire sur quoi que ce soit, ce cinquante ans après son modèle, tout en étant (qui plus est) moins efficace d'un point de vue de pure mise en scène.

 

 

Mallox

 

En rapport avec le film :

 

# Dossier La SF dans les années 50

 

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