Ikarie XB 1
Genre: Science fiction
Année: 1963
Pays d'origine: Tchécoslovaquie
Réalisateur: Jindřich Polák
Casting:
Zdeněk Štěpánek, Radovan Lukavský, František Smolík, Otto Lackovič, Marcela Martínková, Dana Medrická, Ruzena Urbanova, Jirí Vrstála...
Aka: Icarus XB 1, Voyage to the End of the Universe
 

 

Un homme, l'air hagard et fiévreux, court dans des couloirs et des salles futuristes en criant que la terre n'a jamais existé, alors qu'une voix off tente de le raisonner. Cette voix vient du poste de contrôle du vaisseau Ikarie XB 1 et nous somme au milieu du 22ème siècle. Retour en arrière : ce vaisseau spatial, dont l'équipage est constitué de 40 scientifiques des deux sexes, quitte l'orbite de la terre pour la première expédition hors du système solaire. Il va explorer le système d'Alpha Centauri dont au moins deux des planètes pourraient abriter la vie. Le voyage durera 15 ans pour les Terriens mais, du fait de la relativité de l'écoulement temporel, seulement 28 mois pour les cosmonautes, en comptant l'exploration des planètes. Mac Donald, le navigateur, a dû laisser son épouse enceinte sur Terre alors qu'elle devait l'accompagner, son état étant, selon elle, incompatible avec un voyage stellaire. L'équipage, dirigé par le Capitaine Vladimir Abajev, bénéficie de tout le confort du 22ème siècle et chacun de ses membres à pu emporter des objets personnels, même les plus encombrants, comme un piano ou, pour le mathématicien Hopkins, un vieux robot du 21ème siècle, sujet d'hilarité pour tous ses camarades...

 

 

Cas assez rare de film de science-fiction tchécoslovaque, pays plus connu pour ses productions fantastiques, Ikarie XB 1 fit sensation lors de sa sortie dans les festivals internationaux où on le présenta. Par la suite, il a longtemps fait figure de rareté invisible hors de son pays natal et, par là, entretenu de nombreux fantasmes de chef-d'oeuvre oublié, voire perdu. Une demi-douzaine d'année après sa sortie DVD, le film a perdu son aura de mystère, sauf pour les pays comme la France, où il n'existe aucun sous-titre dans la langue indigène.

Alors, me demandez vous fébrilement (ou pas), que vaut donc ce film ?

J'ai lu un jour une critique qualifiant l'oeuvre de Tarantino de "cinéma de la déception" : on croit que l'on va nous mener dans une direction mais en fait non, on ne va nulle part. Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas sûr que cette critique était sur Tarantino, ni même qu'elle ait jamais existé ailleurs que dans mon esprit embrumé, mais Monsieur "tu crois voir un hommage à un film de genre, tu te retrouves avec des guignols déblatérant sans fin dans un drugstore" me semble l'exemple parfait du cinéma "déceptif".

Là où je veux en venir, c'est que c'est ce mot, "déceptif", qui m'est venu à l'esprit à la vision de ce métrage car il le définit parfaitement. Entendons-nous bien, par "déceptif" je ne veux pas dire que le film est simplement décevant (bien qu'il le soit aussi) mais que toutes, absolument toutes mes attentes successives (qu'elles aient été générées par le scénario ou qu'elles soient dues à sa réputation) ont été déçues.

 

 

Bon, cela étant (rassurez vous), c'est le seul point commun que partage ce métrage avec l'oeuvre de Tarantino, Ikarie XB 1 étant plutôt une sorte de "chaînon manquant" entre "Planète interdite" et le "Solaris" de Tarkovski. Enfin, disons qu'il est à mi chemin entre ces 2 films de SF très éloignés sur un thème identique (l'exploration d'une planète inconnue). Evidement, si on pense à ces 2 films, c'est parce que Ikarie XB 1 est une adaptation officieuse d'un roman de Stanislas Lem (comme "Solaris") et contient une caricature (volontaire) de Robbie le robot, mais pas seulement. C'est aussi, et surtout, parce que ce film se situe à mi chemin entre la SF adulte "réflexive" et contemplative (et un peu chiante) de Solaris et la SF adolescente et "aventureuse" (et franchement naïve) de Planète interdite ; mais ceux qui s'attendent à du métaphysique ou à du spectaculaire seront, fatalement, déçus.

Bref, pour ceux qui voient les verres à moitié pleins, on dira que le film n'est ni trop enfantin ni un pensum ; et, pour ceux qui voient les verres à moitié vides, qu'il ne faut pas y chercher autre chose qu'un film de divertissement, pas très passionnant de surcroît.

 

 

Pourtant, le film commence fort bien avec un homme seul, l'air halluciné, déambulant dans un décor futuriste très réussi en criant un intrigant "la Terre n'est plus, elle n'a jamais existé" (on aura l'explication de cette séquence et de cette phrase 1h10 plus tard, une explication hélas banale et fortement décevante mais, à ce moment là, on y sera habitué). Le récit du début de l'expédition semble, lui aussi, fournir de très nombreuse pistes : l'écoulement du temps à des rythmes différents entre la terre et le vaisseau spatial, laissant croire que l'on aura des paradoxes temporels ; les frustrations de ceux ayant dû laisser leurs conjoints ; cet enfant à naître dans l'espace dans un but expérimental ; la promiscuité au sein d'un équipage mixte ; les tics des uns tapant sur les nerfs des autres. Bref, la tension monte et puis… plus rien. Heureusement, à ce moment là, enfin, des événements extérieurs apporteront un peu d'animation, avec d'abord une étrange épave venue du passé puis... mais je n'en dirai pas d'avantage, pour ne pas vous gâcher plus que je ne l'ai déjà fait la vision de ce film.

Il faut reconnaître que la scène de l'exploration de l'épave du 20ème siècle est très réussie, c'est la meilleure du film (et elle nous apprendra qu'Oradour-sur-Glane est, ou était, connu des Tchèques, ce qui est assez étrange dans la mesure où, en Europe centrale et orientale, il y a eu des centaines d'Oradour totalement inconnus ici), mais elle ne sera qu'une péripétie transitoire. Les événements qui suivront vont s'avérer à nouveau très "déceptifs", jusqu'à une fin ouverte, certes, mais là encore décevante. C'est à ce moment là que je me suis dis qu'enfin le film allait démarrer, alors qu'en fait il venait de finir.

 

 

Bon, pour autant, malgré ses défauts, Ikarie XB 1 n'est pas un mauvais film car il est "visuellement" très réussi, les décors du vaisseau spatial surtout. Et si ce métrage a été lui-même influencé plastiquement par des films de SF soviétiques et américains (dont, clairement cité, "Planète interdite"), il ne fait aucun doute qu'il influencera (ou en tous cas constituera une référence plastique majeure pour) de nombreuses oeuvres de SF, surtout hollywoodiennes, des années 60 et 70, voire 80, de la série TV fauchée (à la "Star Trek" ou "Raumpatrouille") aux films à gros budget aussi divers que 2001 ou Alien, une influence peut être pas directe mais en tout cas jamais reconnue.

A ceux qui trouveront étrange que ce film jamais sorti en salles en Europe occidentale ait pu avoir une si grande influence aux USA, je répondrai que, si le film original y est longtemps resté inédit, une version remontée par les studios AIP (de Corman) et retitrée Voyage to the End of the Universe sortit aux Etats Unis en 1964. Bien évidemment, toute référence à son origine tchèque fut gommée dans cette version et une dizaine de minutes coupée dans un film pourtant déjà très court. Néanmoins, le traitement fut moins drastique que celui qu'avaient subi de nombreuses productions SF ou Fantasy issues du grand frère soviétique et le résultat fut moins désastreux. Il faut dire aussi que ce film étant ce qu'il est, on peut sans problème éliminer toutes les intrigues secondaires sans gêner le déroulement de l'histoire. Le principal changement dans la version US étant un twist final préfigurant celui de La planète des singes (première version) mais qui est ici assez artificiel, les studios Corman s'étant dit qu'un twist miteux était préférable à une fin ouverte et "déceptive" dans le ton du film original.

 

 

On notera que, comme souvent quand un film d'exploration spatiale n'est ni américain ni soviétique, l'équipage est cosmopolite, ce qui est assez normal pour un film dépeignant un futur où les nations semblent avoir disparu, mais pas multiethnique, contrairement à l'est-allemand Der Schweigende Stern, sans doute du fait de son casting totalement tchécoslovaque. Le réalisateur Jindřich Polák est surtout connu pour ses films et séries pour enfants, en particulier la série des"Clown Ferdinand", déclinée à la fois au cinéma et sur le petit écran avec pour vedette Jirí Vrstála (qui joue Erik dans Ikarie XB 1). Polák a néanmoins oeuvré une seconde fois dans la science fiction avec Zítra vstanu a opařím se čajem ("Tomorrow I'll Wake Up and Scald Myself with Tea"), une comédie sur fond de voyage dans le temps et de seconde guerre mondiale. Concernant les acteurs, ce sont pour la plupart des inconnus (pour le non spécialiste du cinéma tchèque des années 60 que je suis), malgré une filmographie fournie dans leur pays d'origine, certains ayant même travaillé pour la DEFA. On retiendra quand même que Dana Medrická, qui joue ici le rôle de la sociologue et DRH de l'expédition, sera le premier rôle féminin parlant ("Jessie" s'exprimant, elle, par bulles) de Qui veut tuer Jessie ?.

Ikarie XB 1 est par ailleurs l'adaptation d'un roman de 1955 ("Obłok Magellana") du célèbre auteur polonais de SF Stanislas Lem, bien qu'il ne soit pas crédité au générique. Il faut dire que Lem avait publiquement renié son livre suite aux modifications qu'y avait apportées la censure. Dans le film, l'aspect très marqué guerre froide de l'oeuvre romanesque a été en partie gommé mais il en reste quelques traces qui participent à l'aspect bancal du scénario. Ainsi, le navire de "fuyards capitalistes" du 20ème siècle, exagérément surarmé, était dans l'oeuvre littéraire un satellite militaire de l'OTAN ayant dérivé pendant 2 siècles.

Quoi qu'il en soit, Ikarie XB 1 est une curiosité qui mérite d'être découverte, ne serait ce que pour la beauté de ses décors.

 

 

Sigtuna

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