On a demandé la main de ma soeur
Titre original: La Pretora
Genre: Sexy Comedie
Année: 1976
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Lucio Fulci
Casting:
Edwige Fenech, Raf Luca, Giancarlo Dettori, Mario Maranzana, Oreste Lionello...
Aka: Madame la Présidente est peu farouche (Belgique) / Juge ou putain (en vidéo)
 

A Bellignano, une ville imaginaire de Vénétie, Viola Orlando (Edwige Fenech) est juge. Cette magistrate incorruptible, du genre pas commode, n'attend plus que le divorce de son respectable amant, Renato (Giancarlo Dettori), pour connaître le bonheur conjugal. Cependant, du fait de son extraordinaire beauté, Viola se trouve en butte à la concupiscence de ses confrères, tandis que son intransigeance la rend peu sympathique aux yeux des entrepreneurs locaux, plutôt portés sur les combines. Bref, une femme qui dérange. Mais ce n'est pas tout : le spectateur va rapidement découvrir que Viola est affligée d'une soeur jumelle, Rosa, dont la ressemblance troublante se limite purement à l'aspect physique. Car c'est une toute autre philosophie de vie qui anime cette dernière : hédoniste à la vie sexuelle débridée, dénuée de tout sens moral, elle aime l'argent, la vie facile. Voilà qui va donner des idées machiavéliques à un margoulin (Raf Luca), empêtré dans les rets de la Juge pour une affaire de canigou avarié...

 

 

Tourné par Lucio Fulci, entre un western (Les quatre de l'Apocalypse) et un giallo (L'emmurée vivante), On a demandé la main de ma soeur (qui s'intitule plus sobrement dans sa version originale, La Pretora –"la Juge"), appartient au genre pléthorique de la sexy comédie italienne. Mais annonçons-le d'emblée, ici on tape plutôt dans le dessus du panier. Son auteur signe-là son ultime comédie, avant de se tourner définitivement vers des thèmes toujours plus sombres. Dans la carrière d'Edwige Fenech, ce film traduit une plus grande exigence dans le choix de ses réalisateurs (les habituels Tarantini et autres Cicero), et elle tournera désormais avec Steno, Festa Campanile ou même Dino Risi. De même, il témoigne d'un plus grand investissement personnel de sa part. On y reviendra.

Moins fulgurant dans sa dénonciation que Obsédé malgré lui du même Fulci, le film (écrit par le couple Laura Toscano/Franco Marotta), sans jamais tomber dans l'explicite, n'en comporte pas moins des scènes très osées pour l'époque (on est en 1976), et il eut maille à partir avec la censure. On lit ici les paradoxes d'une société italienne tout à la fois obsédée par le sexe et prisonnière de sa pudibonderie, grevée par les magouilles endémiques mais rêvant à l'improbable triomphe d'une justice irréprochable ("la loi est la même pour tous", affiche-t-on dans le tribunal).

 

 

Ne tournons pas autour du pot : on pourrait d'abord louer le sens de la mise en scène, la drôlerie des dialogues, l'incarnation de comédiens compétents, les audaces du scénario... Quoique tout cela soit vrai, ce ne serait pas honnête. Il s'agit en définitive d'un film au comique dénué de finesse, dans la plus pure tradition de la sexy comédie italienne, farci de gags hénaurmes : un homme qui tombe à la renverse après avoir mangé de la viande avariée, des regards libidineux qui déshabillent littéralement une femme des yeux, un type en proie à une érection phénoménale qui renverse un bureau. C'est du lourd.

Certes, cela est réalisé avec soin, le rythme est soutenu, mais sans réel génie. Non, l'intérêt de On a demandé la main de ma soeur réside avant tout dans son actrice principale, j'ai nommé Edwige Fenech, la star incontestée du genre. A l'heure des canons standardisés et aseptisés de l'érotisme en boîte, il faut savoir goûter à sa juste valeur ce que le cinéma des années soixante-dix nous a légué de mieux : le charme authentique d'Edwige Fenech. Un livre entier ne suffirait pas à épuiser l'exaltation du corps sublime de cette déesse. Résumons : une grâce de madone, une abondante chevelure brune, des yeux de biche, un nez mutin, une carnation fraîche et délicate, des courbes raphaélesques. Ah ! les deux fossettes divines qui ornent sa chute de rein rebondie... Cependant, sa beauté à couper le souffle ne fait pas tout. Et un examen objectif de sa filmographie tendrait à montrer que la Fenech n'est en définitive que la matérialisation d'un pur fantasme de branlotin, dont les dispositions pour l'interprétation sont plutôt limitées. Si ce reproche n'est pas tout à fait infondé, nous porterons ici à son crédit l'incontestable travail de composition de ses personnages, tant et si bien que l'on croit réellement à ces deux soeurs que tout oppose. Pensez : déjà deux Edwige pour le prix d'une. Que demande le peuple ? Mais encore faut-il voir quelles Edwige aussi ! C'est qu'on lui découvre une "vis comica" jusqu'ici insoupçonnée, nous prouvant qu'elle n'est pas qu'un corps, mais une actrice aussi. Viola, la juge, montre la Fenech dans un rôle conventionnel qu'elle avait déjà abondamment illustré : celui de la beauté inaccessible, bêcheuse, un peu glacée. Voir à cet égard son impassibilité admirable durant la projection (à des fins purement professionnelles) de Gorge profonde.

 

 

Parfait contrepoint à ce personnage, Rosa, écervelée impudique, affectée d'un rire idiot (mais si gentil), compose les mines les plus gracieuses. Sa sensuelle exubérance, sa démarche maniérée, sa féminité exagérée, sont un régal. Il faut la voir se délecter à l'écoute de la cinquième de Beethoven, juste après avoir éreinté son étalon du moment par un coït de trop.

C'est LE grand rôle d'Edwige Fenech, qui apparaît là pour la première fois à l'écran - cela mérite d'être souligné - minou à l'air (satisfaisant ainsi la curiosité de ceux qui auraient pu douter jusque-là qu'elle fût une vraie brune). Le film tout entier est illuminé de ses généreuses apparitions, toutes aussi mémorables les unes que les autres. Et il est manifeste que le réalisateur a eu un béguin pour son interprète qu'il filme amoureusement. Ainsi apparaît-elle en monokini, rôtissant au soleil au bord d'une piscine, des marguerites factices collées au bout des seins ; et quand elle se lève pour répondre au téléphone sous les braillements de son radio cassette portatif, on voit ses doudounes frétiller dans un ballottement irrésistible. Plus tard, elle est une Blanche-neige de roman-photo porno en slip rouge avec écrit dessus : "kiss me", et d'où les poils de la toison affleurent ostensiblement. Elle atterrit bientôt sur un lit pour y recevoir les caresses de la Reine (Marina Hedman !) auxquelles succèdent les assauts de sept nains priapiques (seulement quatre, en fait). Favoloso !

 

 

Dans la scène de baise finale où Viola se fait passer pour Rosa, on la voit (penchée sur son amant) laisser traîner sensuellement sa poitrine extraordinairement souple sur le torse de son partenaire, qu'elle frotte d'avant en arrière... Meraviglioso ! Mais le clou du film, c'est Rosa déguisée en Viola (vous suivez ?) ouvrant sa robe de magistrate, bavette blanche autour du cou, qui découvre son poitrail puis fait reposer délicatement ses seins en poires sur le rebord de son bureau. Comble du mauvais goût latin ou bien érotisme absolu ? On est là, je crois, au-delà de tout jugement critique...

Décernons au passage une mention spéciale à celle qui prête ici sa voix à la Fenech, Noemi Gifuni (qui doubla également des vedettes internationales aussi variées qu'Ingrid Thulin, Romy Schneider ou Elizabeth Taylor), et qui participe à la caractérisation des jumelles Viola et Rosa, alternant la grave dignité et les petits rires stupides avec un égal bonheur. Les seconds rôles sont tous excellents, aussi bien Oreste Lionello qui hérite pourtant d'un personnage ingrat de magistrat libidineux que Mario Maranzana truculent en avocat marron rondouillard (arborant sans honte sur son costume les reliefs de son déjeuner), ou encore Raf Luca en aigrefin au bagou impressionnant, jamais en reste d'un superlatif grotesque.

 

 

Curiosité : on notera que le dialogue du film (dont les extérieurs ont été tournés à Castelfranco Veneto) est émaillé de dialecte local, lui conférant une saveur particulière, provoquant de ces quiproquos langagiers courants dans la comédie italienne. La musique un brin démodée de Nico Fidenco (qui signa la BO des Emanuelle Nera), faussement crétine et primesautière, souligne ironiquement les tribulations érotico-comiques de nos personnages. On a demandé la main de ma soeur (qui semble n'être sorti en France qu'en 1979) un film indispensable ? Je vous laisse seuls juges !

 

Note : 8/10

Pierre

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