Rio Hondo
Titre original: Comanche blanco
Genre: Euro-Western (hors spagh)
Année: 1968
Pays d'origine: Espagne
Réalisateur: José Briz Méndez (Sous le pseudo de Gilbert Lee Kay)
Casting:
William Shatner, Joseph Cotten, Rosanna Yanni, Perla Cristal, Mariano Vidal Molina, Luis Prendes, Barta Barri, Vincent Roca, Luis Rivera...
Aka: White Comanche / ...e venne l'ora della vendetta/Hour of Vengeance
 

Impossible pour Johnny Moon (William Shatner) de rester tranquille. Partout où il passe, on veut sa peau ! Le responsable de tout ceci : Notah, son frère jumeau, passé du côté sauvage de l'Ouest, à la tête d'une tribu de Comanches sanguinaires, lesquels attaquent les petites villes minières de la région, semant dans leur sillage la mort et la désolation. Les deux frères furent jadis élevés comme métis ; tandis que l'un a choisi la civilisation, l'autre, très jeune, s'est élevé contre l'homme blanc. Seulement, las de se retrouver la corde au cou, Johnny Moon décide de mettre fin aux agissements de son jumeau en le provoquant en duel.
Les choses vont se précipiter dès lors qu'une diligence se fait attaquer. A son bord, se trouve Kelly (Rosanna Yanni), danseuse de saloon, qui se fait violer par Notah tandis que les trois autres hommes sont tués. Un peu après, Johnny arrive en ville et n'est pas loin de se faire tuer à bout portant par Kelly, qui croit reconnaitre en lui son agresseur alors qu'il entre dans le saloon. D'autres veulent ensuite le pendre tandis que le shérif Logan (Joseph Cotten) prend sa défense, entendant faire régner l'ordre ainsi qu'une justice équitable...

 

 

Improbable de prime abord, Comanche blanco s'avère encore plus improbable à sa vision. Drôle de projet me direz-vous : partant d'un script signé Frank Gruber, célèbre alors comme scénariste à Hollywood, surtout pour ses westerns ("Les rôdeurs de l'aube", "Tension à Rock City", "Représailles en Arizona"), celui-ci, alors que Gruber est malade, se voit mal engagé et pas loin même de capoter. Sam White, producteur pour la télévision américaine ("Perry Mason", "Au-delà du réel") récupère alors le projet puis s'associe à Philip N. Krasne, spécialiste en productions à peu de frais ("House of the Living Dead"). Ceux-ci décident très vite, afin de limiter les coûts de production, de tourner le film, comme cela se fait couramment, en Europe, dans le fameux désert de Tabernas situé dans la province d'Almeria. L'acteur Joseph Cotten, moins sollicité dans son pays, entame alors une carrière européenne ; sur les bases des westerns qu'il a déjà tournés dont certains classiques ("Duel au soleil", "El Perdido"), et alors qu'il sort du tournage des "Cruels" de Sergio Corbucci, le nom de Joseph Cotten est avancé puis retenu.
De son côté, Sam White avance quant à lui le nom de William Shatner qu'il vient de croiser pour un épisode de "La quatrième dimension" ; un Shatner qui jouit alors également d'une belle notoriété, en grande partie grâce à son rôle de Captain Kirk dans la série "Star Trek". Là dessus, les deux hommes décident de s'associer à nouveau avec une petite maison de production espagnole qui ne fera pas long feu (Producciones Cinematográficas A.B.) puisqu'elle ne servira qu'à produire cette unique bobine, puis enfin, de confier la réalisation et tous les aspects techniques aux mains d'équipes locales, toujours pour amoindrir les coûts de production. C'est dans ce contexte que José Briz Méndez, alors co-réalisateur d'un seul et unique long-métrage ("Ragan", un film d'aventures avec Ty Hardin et Antonella Lualdi) se retrouve parachuté derrière la caméra puis à shooter un western avec le blondin Shatner en guerrier comanche, qui plus est dans un double-rôle...

 

 

Ayant la réputation d'être une sous-merde, avec l'inévitable tentation, au vu du générique, de le classer d'entrée de jeu dans la case dite "nanarde", tant surchargée à ce jour, Rio Hondo n'atteint en rien les cimes escomptées du ridicule. Soit, William Shatner n'est jamais crédible en guerrier comanche. Soit, il faut le voir pratiquer un accent américano-R2-D2-enchiladesque lorsqu'il endosse le rôle de Notah, se répondant par dessus le marché à lui-même. Soyons honnête également à cet égard, les confrontations de l'acteur contre lui-même font aimablement sourire par leur absurdité tant de fond que de forme ; d'autant qu'à la tête d'une tribu de plus en plus perplexe elle aussi, le spectateur aura plus souvent le sentiment de voir un coach de football américain balançant des codes secrets à ses hommes en plus de les motiver, plus qu'un indien en bonne et due forme (et avec ses papiers), métis ou non.
A cet égard, pour ceux qui considéreraient Rio Hondo comme l'un des plus mauvais westerns de tous les temps, on ne pourra, pour rester dans le domaine de l'euro-western et du sosie, citer en comparaison l'insurpassable "Dynamite Jack" de Jean Bastia, avec deux Fernandel pour le prix d'un, ne serait-ce que pour relativiser. Reste que dans le rôle de Johnny Moon (un nom con comme la lune il est vrai, certainement enfanté en vue de suites qu'on ne verra jamais, même si l'on se surprend à rêver 90 minutes durant à un "Johnny Moon va tout casser" ou autres "Johnny Moon, duel de bâtards au soleil"...), William Shatner n'est pas ridicule. Disons pour résumer qu'on tient là une énorme erreur de casting, laquelle n'est absolument pas garante d'un produit fini tendant vers le navet, mais achève au contraire de ranger ce scalpage filmique au rayon des plaisirs coupables. La raison en est simple, avec (et en raison de) ses nombreux défauts, Comanche blanco ne se montre jamais ennuyeux ; bien au contraire, il est assez souvent décalé et divertissant.

 

 

Aux côtés de la double-portion de Shatner, il convient aussi de citer la bonne performance de Joseph Cotten, à la fois sobre mais plus charismatique qu'à l'accoutumée, qui rééquilibre l'ensemble. Rayon acteurs, ce sont ailleurs les femmes qui remportent la partie et l'on n’oubliera pas de mentionner les fortes présences de deux égéries de Jesus Franco : Rosanna Yanni (Sadisterotica, "Kiss me Monster" mais aussi quelques bonnes apparitions dans des genres divers : Far West Story, Mais qu'est-ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ?, Le bossu de la morgue, Les Amazones, Un omicidio perfetto a termine di legge...) partagée ici entre sa haine pour Notah et son amour grandissant pour Johnny ; loin d'être aussi couillon et abracadabrant que cela puisse paraître, celle-ci parvient à insuffler pas mal d'ambiguïté à une femme dont on soupçonne d'être attirée inconsciemment par l'homme qui l'a prise de force. Dans le rôle de la femme de Notah, on remarque également Perla Cristal ("L'horrible docteur Orlof", "Les maîtresses du Docteur Jekyll", La corrupción de Chris Miller...), la seule du reste à véritablement tenir tête au Shatner comanche...

 

 

Comanche blanco pâtit certes d'autres défauts : les mauvais raccords y sont nombreux, et à ce titre le duel final entre Notah et Johnny Moon est un grand moment de "n'importe quoi pourvu qu'on ait l'ivresse"... D'un seul coup d'un seul, on se croit transporté dans une sorte d'"Ivanhoé" de l'Ouest, le duel consistant, à la façon Comanche médiéval, à galoper l'un vers l'autre le plus rapidement possible, pour se tirer dessus à bout portant au moment de se croiser. Pour la symbolique, Johnny Moon se mettra torse nu et arborera lui aussi son petit bandeau indien, le faisant alors ressembler tant à son jumeau qu'un temps on ne saura plus qui est qui.
Bien entendu, je ne vous ferai pas l'offense ici de dévoiler qui de William Shatner ou de William Shatner l'emporte ; ceci étant, à l'instar d'autres moments de Rio Hondo, tout ceci est assez succulent à force de fantaisies prises avec tout réalisme historique comme psychologique. S'il souffre également d'une intrigue secondaire consistant à reprendre le principe des deux clans de cow-boys qui se livrent une guerre sans merci dans la petite ville minière ("Yojimbo"/"Pour une poignée de dollars"), qui en ralentit le rythme en plus de détourner les enjeux les plus intéressants (la dualité de Johnny - les plans symboliques dans les miroirs sont ici légion - semble abandonnée en cours de route), Comanche blanco a au moins le mérite de rester fun tout du long.

 


Pour compléter ses aspects les plus absurdes, on ne peut que signaler l'invraisemblable partition musicale de Jean Ledrut ("Le Procès" de Welles, entre autres), sorte de bouillabaisse jazzy-lounge dépourvue du moindre rythme ou de partition pour contrebasse au caveau de la Huchette, qui achève de faire de Rio Hondo une curiosité plutôt jubilatoire. Bref, ce western hamburger-paëlla s'avère être tout compte fait une absurdité filmique plutôt distrayante.

 

Mallox

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