Ombre d'un tueur, L'
Titre original: Con La Rabbia Agli Occhi
Genre: Poliziesco
Année: 1977
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Antonio Margheriti
Casting:
Yul Brynner, Martin Balsam, Massimo Ranieri, Barbara Bouchet, Giancarlo Sbragia, Salvatore Borgese...
 

Un hippodrome italien est le théâtre d'un sanglant règlement de comptes au cours duquel un émissaire du nom de Lombardi est exécuté par les hommes de Gennaro Gallo, gangster jadis expulsé des U.S.A. Aussi, Vito Sonnino, chef de la "famille" se décide-t-il à utiliser les services du plus grand exécuteur encore en vie : Peter Marciani. Traumatisé par le meurtre de son jeune frère, ce dernier ressent d'inexplicables troubles oculaires. Marciani consent à sortir de sa retraite lorsque Sonnino lui révèle que Gallo est le responsable de l'assassinat de son frère. Sur le chemin de sa vengeance, il s'amourache d'une strip-teaseuse avant d'initier au métier un jeune qu'il prend sous sa coupe...

 

 

On connaît surtout Antonio Margheriti pour avoir contribué à la notoriété d'un genre puisant chez les britanniques, de petits horrifiques gothiques ayant acquis petit à petit le statut de culte : c'est le cas de Danse macabre, "La vierge de Nuremberg" ou de "La Sorcière sanglante", des explorations plutôt réussies, remplies de toiles d'araignées, et dont la présence de Barbara Steele, figure devenue emblématique du genre, a fortement contribué à leurs belles réputations. C'est pourtant vers ses bobines de science-fiction tournées aux débuts des années 60 qu'il vaudrait mieux se tourner ("Assignment Outer Space (1960), "Battle of the Worlds" (1961), "The Golden Arrow" (1962) et Wild Wild Planet (1965)) pour trouver son meilleur travail. Comme nombre de ses confrères, l'homme a touché un peu à tous les genres. Le péplum ne lui a pas trop réussi et ses tentatives (La Terreur des Kirghiz, "Les Géants de Rome") se sont avérées très moyennes ; ses incursions dans le giallo, furent un coup pas mal (Nude... si muore), un coup à côté de la plaque (Les Diablesses). Quant à ses westerns ("Avec Django, la mort est là", Et le vent apporta la violence, La Brute, le colt et le karaté, La Chevauchée terrible), ils restent d'aimables réussites. Laissons de côté le virage amorcé à l'aube des années 80, chacun sait que les réalisateurs, de par les nouvelles donnes de production, n'ont pas réalisé alors leur meilleur travail, loin s'en faut. Si la carrière de Margheriti était en voie plutôt déclinante d'un point de vue qualitatif lorsqu'il tourne Con La Rabbia Agli Occhi, le spectateur était alors encore en droit de s'attendre à des livraisons correctes. Bien entendu, l'incursion du cinéaste au sein d'un genre alors très en vogue depuis le début des années 70 avait, qui plus est, de quoi susciter l'intérêt et la curiosité. Il faut ajouter à cela la présence du très charismatique Yul Brynner, au sortir de Mondwest et sa suite Les Rescapés du futur ou encore de New York ne répond plus...
En voiture Simone, nous voici donc embarqués dans un vigilante échevelé et brutal comme on les aime. Sauf que...

 

 

Sauf qu'on a tôt fait de déchanter. Au lieu de tomber sur un récit rythmé et violent, nous voilà, passé un début très prometteur au sein d'un champ de courses et de réseaux mafieux faits de paris clandestins, transportés en terrain d'une part tant fréquenté depuis des années qu'aucune surprise ne sera au rendez-vous, mais en plus, la mise en scène de Antonio Margheriti se fait le plus souvent mollassonne. Le réalisateur a beau avoir déclaré ceci : "Quand j’ai tourné ce film en Turquie, toutes les voitures avaient disparu au troisième jour du tournage, il a donc fallu les remplacer par des maquettes !", cela ne l'excuse en rien. Lors des rares courses poursuites qui émaillent ce polar à la sauce vengeance, ce ne sont pas des voitures en carton qui roulent, mais de vrais véhicules. Ca n'empêche pourtant pas le film d'être atone à ce niveau. Un comble pourrait-on dire pour un polar urbain. Mais ce n'est pas tout...

Difficile de décrypter qui est Guy Castaldo, crédité comme scénariste d'un seul film, celui-ci, mais à la moitié de bobine, on ne sait trop pourquoi, L'Ombre d'un tueur bifurque dans un récit initiatique calqué sur "Le Flingueur" de Michael Winner en lui faisant prendre un très long détour non seulement inintéressant mais complètement inutile. On se contrefiche complètement des rapports entre ce tueur patenté et son apprenti autant que des motivations de l'un par rapport à l'autre. S'ensuit donc une histoire qui restera parallèle, détournant les vrais enjeux, tout cela masquant un évident manque d'imagination et annonçant maladroitement une fin téléphonée. Difficile d'évoquer également un transfert, celui d'un jeune frère perdu vers un assassin en herbe : à ce sujet les portraits tiennent de l'esquisse et les motivations restent dans le domaine du flou. Bref, ça fait remplissage. Il en va de même hélas pour la présence de Barbara Bouchet, dans un rôle très original de strip-teaseuse, surgissant comme un cheveu sur le crâne de Yul Brynner pour une amourette de seconde zone, contribuant elle aussi à ralentir un spectacle qui aurait logiquement dû aller droit au but. C'est simple, le Poliziesco est un genre qui se doit d'aller droit au but et qui se passe de fioritures. Autrement, à force de manger à tous les râteliers, on contentera un peu tout le monde (c'est ce que tente de faire ici de manière putassière Antonio Margheriti) mais personne dans l'ensemble ne sortira satisfait d'une histoire prenant tellement de longs chemins de traverses, dispensables et souvent hors-sujet.

 

 

Pour parfaire le tout, outre le fait que Barbara Bouchet y soit extrêmement mal utilisée, pour ne pas dire sacrifiée façon bouche-trou, Yul Brynner s'y montre si spectral qu'on ne sait plus si cela est voulu ou bien s'il est venu s'acquitter d'un rôle de la même manière expéditive qu'il est venu venger son jeune frère. On a beau le vêtir tout de noir pour lui conférer une aura ou une personnalité fantomatique annonçant la mort, il est trop humain par ailleurs pour que cela fonctionne. A ce propos, ses visions de son frère, entachées de rouge, sont elles aussi assez gratuites et vaines même si elles demeurent assez flatteuses pour l'oeil. Quant à Martin Balsam en flic qui patauge dans son enquête et dans une semoule d'emprunts, permettant ainsi à Antonio Margheriti de dérouler ses petites intrigues annexes, autant dire que nous sommes loin, très loin même au sein de sa filmographie transalpine, de sa très bonne prestation dans Confession d'un commissaire de police au procureur de la république. Il endosse ici un rôle assez fadasse qu'il campe de manière assez fadasse, avec, comme souvent, de nombreuses discussions téléphoniques.

Reste paradoxalement que L'Ombre d'un tueur se laisse voir. Le problème subsistant tient de l'ordre de la nécessité d'une telle pellicule et de la portée que celle-ci peut bien avoir sur un public aguerri, lequel aura le droit d'être las de se faire resservir une histoire le prenant pour un faisan. Même dans ses éclairs de violence, alors que les gunfights sur le port évoquent ceux de La Guerre des gangs de Fulci, Con La Rabbia Agli Occhi manque d'impact. Ce n'est hélas pas la partition signée Guido et Maurizio De Angelis qui le relève à ce niveau, bien au contraire.

 

 

Bref, aucune cartouche neuve à mettre dans le barillet, à la place de quoi on nous offre une petite balade et un léger moment de détente dans un endroit qu'on a déjà fréquenté trop de fois pour se montrer clément. Et puis la clémence est une qualité qui sied de toute manière mal aux genres Vengeance et Poliziesco pour un film qui ressemble à une balle à blanc perdue.

Mallox

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