Ivan Vassilievitch change de profession
Titre original: Иван Васильевич меняет профессию / Ivan Vasilevich menyaet professiyu
Genre: Science fiction , Comédie , Historique
Année: 1972
Pays d'origine: Union Soviétique
Réalisateur: Leonid Gaïdaï
Casting:
Yuri Yakovlev, Leonid Kuravlev, Aleksandr Demyanenko, Natalia Selezneva, Natalya Krachkovskaya, Vladimir Etush, Sergey Filippov...
Aka: Ivan Vasilievich : Back to the Future
 

Dans un appartement moscovite, au début des années 70, l'ingénieur Timofeev profite de ses congés et de l'absence de sa femme, actrice, pour mettre au point une machine à voyager dans le temps, tout en passant l'aspirateur et en regardant une représentation de Boris Godounov à la télévision. Jusqu'à présent, les seuls résultats obtenus sont les récriminations du syndic de l'immeuble, Ivan Vasilievich Bunsha, et de son horrible épouse, très mécontents des nombreuses coupures d'électricité que les expériences de Timofeev entraînent.
Ce dernier finit par provoquer un court-circuit géant et une mini explosion qui l'assomme. A son réveil, il découvre son épouse qui lui annonce qu'elle le quitte pour son metteur en scène. Pendant ce temps, dans une cabine publique située juste en bas de l'immeuble, Gueorgui Miloslavsky, petit escroc et cambrioleur patenté, téléphone au cabinet du dentiste Anton Semenovich Shpak (voisin de palier de Timofeev) pour s'assurer qu'il sera absent de son appartement juste avant d'y aller faire un tour...

 

 

Leonid Gaïdaï est considéré, à juste titre, comme le pape de la comédie soviétique, et comme le roi du box-office dans les années 60 et les débuts des années 70, avant de perdre par la suite les recettes qui faisaient son succès. D'un strict point de vue comptable et chronologique, on pourrait dire de lui qu'il était une sorte de Gérard Oury russe, mais ce serait faire injure à son talent et à son humour qui, pour rester dans la comparaison franchouillarde, le situe quelque part à mi-chemin entre le Tati des années 60 et le tandem Audiard/Lautner de la grande époque.
Ivan Vassilievitch change de profession constitue son ultime succès à la fois critique et public ainsi que sa première incursion dans le domaine de la science-fiction. Aussi étrange que cela puisse paraître à la vision du film (gorgé de gags visuels et d'un burlesque très cinématographique), Ivan Vassilievitch change de profession est une adaptation théâtrale, celle d'une pièce de Mikhaïl Boulgakov (l'auteur du "Maître et Marguerite") écrite en 1934 mais qui ne fut jamais montée du vivant de son auteur. Une adaptation que l'on supposera très libre mais, paraît-il, très fidèle dans l'esprit.

 

 

De fait, l'aspect "SF" de voyage dans le temps n'est ici que prétexte à situations comiques. L'argument principal du film étant la substitution de deux quasi-sosies : un modeste et pusillanime fonctionnaire soviétique se retrouve dans la Russie du 16e siècle où (grâce à l'aide d'un petit escroc envoyé tout comme lui dans le passé) il est pris pour le tsar Ivan le terrible, tandis que dans le même temps le colérique souverain se retrouve dans le présent (l'URSS des années 70 en l'occurrence) où il découvre avec stupeur les inventions du 20e siècle ainsi qu'une virago qui se prétend sa femme. Naturellement, tout ça ne se passera pas sans heurts, même si tout (naturellement aussi) finira par revenir à la normale ; et malgré un retournement final assez prévisible, on aura entre-temps assisté à une succession de scènes souvent hilarantes, s'enchaînant dans un rythme assez étourdissant, parfois même trop rapide. Si l'on doit comparer (et compte tenu du sujet, la comparaison vient forcément à l'esprit) avec les comédies fantastiques tchèques contemporaines de Lipsky et Vorlicek, on dira que le film de Leonid Gaïdaï n'a peut-être pas la même inventivité scénaristique, le même grain de folie, mais qu'il compense très largement par une science (et un sens) du gag supérieur.

 

 

Bon, pour être tout à fait honnête, tout n'est pas parfait dans ce métrage ; Gaïdaï abuse parfois de l'accéléré, certains effets spéciaux sont un peu cheap et kitsch et on se passerait sans doute des deux numéros musicaux, un peu kitsch eux aussi. Mais dans l'ensemble c'est une formidable réussite, même si on est en droit de préférer les films précédents de Leonid Gaïdaï, plus homogènes, en particulier "La prisonnière du Caucase". Les décors et les costumes sont, eux, superbes. On notera que les scènes extérieures du palais-forteresse d'Ivan le Terrible ont été tournées non pas dans le Kremlin de Moscou, pour des raisons évidentes, mais dans celui de Rostov (la petite ville de l'anneau d'or, pas celle sur le Don).
Mais une bonne comédie, c'est aussi des acteurs possédant ce qui s'appelle la "vis comica", et ici on est particulièrement gâté. En premier lieu, saluons l'admirable prestation de Yuri Yakovlev dans le double rôle titre, qui ici excelle à la fois en duo avec Leonid Kuravlev quand il campe l'usurpateur malgré lui, et en solitaire en tant que vrai Ivan IV. Yuri Yakovlev, qui nous a quittés en 2013, était un monument et du théâtre et du cinéma soviétique, et les amateurs de SF ne sauraient oublier sa prestation dans Kin-dza-dza !. À ses côtés (et presque aussi bon acteur), on trouve Leonid Kuravlev dont la palette de jeu est presque aussi étendue (c'est lui qui joua le jeune séminariste cosaque fort en gueule dans Vij ce grand classique du cinéma fantastique), qui pour le rôle de Gueorgui Miloslavsky fut préféré à Andrei Mironov, le tsar de la comédie romantique.

 

 

Pour en venir aux seconds rôles, on notera que le film est rattaché "par la bande" à la célèbre série cinématographique des "Shurik", que tourna dans les années 60 Leonid Gaïdaï, de par la présence d'Aleksandr Demyanenko dans le rôle d'un inventeur prénommé Aleksandr (dont Shurik est le diminutif russe) et par la reconstitution du couple qu'il formait avec Natalia Selezneva dans le segment central d' "Opération Y", sauf qu'ici c'est elle qui a les cheveux teints en blond et que ce Shurik ci n'a qu'un rapport lointain avec l'étudiant naïf et boy-scout de "La prisonnière du Caucase". Mais le clin d'oeil est bien volontaire, car dans la pièce d'origine l'ingénieur Timofeev se prénomme Nikolai ("Koka").
Je ne saurais terminer cette modeste critique sans évoquer la fabuleuse prestation de Sergey Filippov en ambassadeur suédois qui, dans une scène digne des plus grands moments du burlesque muet (il n'a que des dialogues inintelligibles en Allemand de cuisine), est littéralement à se pisser dessus de rire.

 

Sigtuna

 

En rapport avec le film :

# Certains gags demandent un minimum de connaissances historiques sur Ivan le terrible pour être appréciés. Ainsi, à un moment donné, le vrai Ivan IV transplanté au 20e siècle regarde avec une moue dubitative une reproduction d'un tableau du 19e qui n'est pas sans rappeler une Pietà. Il s'agit en fait d'Ivan le terrible tuant son fils" par Ilya Repin, dépeignant un événement qui, pour l'Ivan du film, n'aura lieu que dans une dizaine d'années (dans une de ses nombreuses et proverbiales crises de rage, Ivan IV voulut frapper de son sceptre sa bru enceinte ; son fils aîné, voulant s'interposer pour protéger son épouse, reçut accidentellement le coup sur le crâne).
L'épouse d'Ivan dans le film, Marfa, est historiquement sa troisième femme. Elle eut une brève existence puisqu'elle tomba malade juste après son mariage avant de trépasser quelques mois plus tard, une maladie cachant probablement un empoisonnement lent, que l'on attribua au frère de la précédente épouse du tsar, une princesse musulmane du Caucase. Ivan, respectant ainsi les coutumes des peuplades turcophones auxquelles l'empoisonneur putatif appartenait, lui réserva le supplice du pal.

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