Theatre of Death
Titre original: Theater of Death
Genre: Horreur , Vampirisme , Thriller
Année: 1967
Pays d'origine: Royaume-Uni
Réalisateur: Samuel Gallu
Casting:
Christopher Lee, Julian Glover, Lelia Goldoni, Jenny Till, Evelyn Laye, Ivor Dean...
Aka: Blood Fiend (USA) / The Female Fiend / Le théâtre de la mort (trad littérale)
 

"Oyez oyez ! : Regardez ce bâtiment, situé dans une ruelle, loin des palaces habituellement fréquentés par les touristes, il abrita jadis une église. Depuis soixante ans, une compagnie théâtrale d'un genre unique s'y est installée. Son fonds de commerce, c'est l'horreur. Aussi bien que la cupidité, le meurtre et les mutilations. Tels sont les ingrédients principaux du "Théâtre de la Mort" !"

 

 

Le Théâtre de la Mort est donc un petit théâtre parisien dédié à des spectacles de magie et d'hypnotisme à tendance macabre et Grand-Guignol. A la disparition, jamais élucidée, de son propriétaire, le vieux Darvas, l'enceinte ferma quelques années. Mais voici que son fils Philippe (Christopher Lee) annonce sa reprise des lieux par ses bons soins, dans la noble intention de perpétuer l'art initié par son père. L'homme est peu affable, plutôt cabotin et fait vite preuve d'une exigence hors-norme envers ses jeunes interprètes, aussi bien avec Dani Gireaux (Lelia Goldoni) que Nicole Chapelle (Jenny Till), qu'il met toutes deux en scène dans des reconstitutions de mises à mort issues de la pièce de théâtre "Les sorcières de Salem".
De son côté, Charles Marquis (Julian Glover), médecin-légiste pour la police, se déplace un soir à l'une des représentations de Darvas fils. Très vite fasciné par le spectacle, il l'est non moins par l'une de ses jeunes interprètes ; si bien que très vite, il noue des relations avec son tenancier.
Cependant, une série de meurtres semble avoir cours en plein coeur de la capitale durant ce même temps, ce, avec le même modus operandi : un instrument tranchant la carotide de ses victimes quand la veine jugulaire n'est pas purement transpercée. A partir de quelques détails et poussé par l'inspecteur Micheaud, son supérieur (Ivor Dean), Marquis se rend compte qu'il pourrait bien y avoir un rapport entre ces assassinats et ledit Théâtre de la mort...

 

 

S'assimilant de prime abord à une production Hammer, Theatre of Death fut un projet de la Pennea Productions, laquelle ne fit pas long feu et ne dura que le temps d'un seul et unique film. Celui-ci fut tourné, tout comme "The Nanny", et après de nombreux épisodes du "Saint" ou de "Chapeau et bottes de cuir", dans les studios Elstree, par le méconnu Samuel Gallu qui débuta comme producteur de séries à tendance monomaniaques, puisque chacune d'elles mettaient en scène des marines embarqués dans des aventures guerrières ("Navy Log", "Border Patrol", "The Blue Angels").
Après avoir disparu du circuit cinématographique plus d'une poignée d'années, la firme le rappela pour illustrer un scénario basé sur un théâtre horrifique et un serial killer sévissant en plein coeur de Paris. Samuel Gallu se fera donc metteur en scène le temps de quatre films entre 1967 et 1969 avant de disparaître à nouveau : suivront "The Man Outside", un drame avec Van Heflin, "The Limbo Line", un autre récit criminel, puis "Arthur! Arthur!", une comédie sur fond de double identité et réunissant Donald Pleasence et Shelley Winters.
Theatre of Death est le premier de la série et celui-ci évolue sur les bases d'un scénario coécrit par Ellis Kadison, plutôt spécialisé dans les comédies familiales, et Roger Marshall, déjà plus en adéquation puisqu'on lui devra, outre ses contributions à la série "The Avengers", les scripts du très bon "Twisted Nerve" de Roy Boulting l'année suivante ou "And Now the Screaming Starts!" en 1973 pour la Amicus.

 

 

Plus habile qu'elle n'y paraît, l'histoire évolue sur plusieurs axes : celui fantastique, se rapprochant à la fois de "Dorian Gray" (un tableau omniprésent, un homme qui peut-être, ne vieillit pas), du Barbe bleue d'Ulmer, tout en touchant au mythe du vampire, avec des cadavres vidés de leur sang par un être hématophage, ou bien encore à la de la métempsycose ; un autre enfin, plus classique, basé sur la recherche de notre serial killer par un chirurgien légiste handicapé suite à un accident à la main, légèrement porté sur l'alcool et qui, en plus de la fascination qu'il éprouve pour une actrice, finit par profiter de son temps libre pour enquêter à ses propres fins. Le chemin vers l'assassin semble tout tracé, et l'astuce consiste ici à nous égarer dans des pistes tant invraisemblables, défiant la logique et le pragmatisme, qu'elles finissent par paraître envisageables : il s'agit bien évidemment là d'un héritage Hammerien qu'on recycle de façon maligne pour enfin prendre des ramifications légèrement plus classiques, encore que les révélations finales, bien que légèrement plus terre-à-terre, surprendront malgré tout. Outre que le film a la particularité de se dérouler dans un Paris de carton-pâte (l'appartement des deux actrices donne bien entendu Sur le Sacré-Coeur en vis-à-vis), un autre détail qui, l'air de rien, joue en faveur de ce Théâtre de la mort est de nous embarquer dans un récit pour, à mi-chemin, faire disparaître un élément qui semblait indissociable de la bobine, et pour amorcer brusquement un virage en épingle à cheveu inattendu.

 

 

Soyons honnêtes, il y a par instants des passages plus faibles dans Theater of Death : après une excellente mise en bouche (en gros, une représentation spectaculaire, additionnée aux personnages présentés avec, en toile de fond, ces crimes en série avec veine jugulaire percée), le récit se fige et se fait un peu trop bavard. Christopher Lee a beau être impérial de bout en bout, on a un tout petit peu de mal à croire à sa passion mi-illuminée, mi-artistique, pour perpétuer des spectacles initiés par son père mystérieusement volatilisé des années auparavant. C'est du reste la partie la plus faible ; celle durant laquelle la tension se relâche ainsi que l'intérêt du spectateur. Pourtant, après avoir bifurqué à mi-chemin, Le théâtre de la mort se reprend largement, même s'il donne parfois dans la surenchère baroque. A ce titre, il convient de saluer la mise en scène très sûre d'elle de Samuel Gallu, alternant zooms savants, travellings d'une belle précision et des cadres très élaborés, le tout accouchant d'un spectacle semblant toujours en mouvement, évitant le trop théâtral dans lequel, à l'instar de son titre, il n'est pas loin de tomber parfois. Je n'irais pas jusqu'à affirmer que le savoir-faire du réalisateur est ici complètement dépendant du travail de son directeur de la photographie mais il est clair que le boulot fourni par Gilbert Taylor (on lui doit Docteur Folamour, et celui-ci tournera par la suite et au même poste : Répulsion, "Cul de sac", La malédiction, "La guerre des étoiles", le "Dracula" de John Badham, "Flash Gordon", Venin, Rock Aliens) fait beaucoup pour la réussite globale de l'entreprise. Il est à noter qui plus est que la photographie est souvent plus proche du baroquisme d'un Mario Bava que des productions de la Hammer et ce n'est probablement pas un hasard si Christopher Lee y arbore un physique assez semblable.

 

 

Produit bâtard aux influences habilement phagocytées puis recrachées, Theater of Death jouit, outre d'une très belle direction artistique et de l'imposante présence de Christopher Lee, d'une excellente interprétation globale : Julian Glover, qu'on reverra la même année dans le "Quatermass and the Pit" (Les monstres de l'espace) de Val Guest, parvient à distiller ses doutes et pensées de manière subtile. Lelia Goldoni, déjà aperçue dans le "Hysteria" de Freddie Francis, fait forte impression tandis que Jenny Till s'y montre quasiment dans un état second, hypnotique et parfois même fascinante...

Ajoutons à cela une chouette musique signée Elisabeth Lutyens (dirigée par l'incontournable Philip Martell), l'une de ses toutes dernières compositions pour le cinéma avant la retraite, ce après avoir travaillé sur des films tels que The Earth Dies Screaming, "Le crâne maléfique", "Le train des épouvantes", Paranoiac, ... et terminons en affirmant haut et fort que ce Theatre of Death est une belle réussite oubliée ; soit, imparfaite, mais qui méritait bien mieux en terme de reconnaissance.


Mallox

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