Paranoïaque !
Titre original: Paranoiac
Genre: Thriller
Année: 1963
Pays d'origine: Angleterre
Réalisateur: Freddie Francis
Casting:
Janette Scott, Oliver Reed, Sheila Burrell, Maurice Denham, Alexander Davion, Liliane Brousse, Harold Lang, Arnold Diamond, John Bonney...
 

La famille Ashby est affectée par deux drames : la mort du père et de la mère, il y a onze ans, dans un accident d'avion, et celle de leur fils, il y a huit ans, suicidé à cause d'un mal de vivre qu'il trainait depuis leur disparition. Les autres enfants, Simon et Eleanore, furent placés sous la coupe de leur tante et, tous les ans, en commémoration de ce tragique événement, a lieu une messe. C'est au cours de celle-ci qu'Eleanore aperçoit un homme ressemblant à son frère décédé, Anthony. Taxée de folle, et Simon (alcoolique notoire) ne lui accordant aucune attention, négociant déjà l'héritage qu'il touchera dans trois semaines, la progéniture Ashby va mal. Plus tard, dans la journée, Eleanore ré-apercevra Anthony. Comble de tout, c'est lui.



Freddie Francis, qui avait reçu l'oscar de la photographie pour "Amants et Fils" de Jack Cardiff en 1961, est venu à la réalisation avec le film de genre. "Paranoïaque" compte parmi ses premières oeuvres, et c'est en 1975, après avoir réalisé des films tel que "L'empreinte de Frankenstein" (1964) ou "Dracula et les femmes" (1968), qu'il délaisse la caméra pour la photographie. Notamment afin de travailler sur "Elephant Man" et "Dune" de David Lynch. Au cours de sa carrière, Freddie Francis aura dirigé les plus grands : de Christopher Lee à Peter Cushing, et même Jack Palance. Ce fut un bel artisan de la Hammer et de l’Amicus, et il laissa son empreinte, en 1996, dans la série des "Contes de la Crypte", en réalisant le deuxième épisode de la saison 7.
Ce "Paranoïaque" est un thriller horrifique plutôt captivant, dans lequel la mise en scène se révèle limpide et sans accrocs. Le noir et blanc net et affirmé de la photographie participe à la création d'une atmosphère gothique tendue et psychotique. L'efficacité, la rigueur et le style quasi perfectionniste de l'ensemble semblent donc être le reflet psychologique du personnage campé par Oliver Reed : Simon Ashby. Pas impressionniste, cette petite production de la firme britannique Hammer remplit, quoiqu'il en soit, son contrat. Toutefois, le principal reproche revient à son scénario : subtil et concis dans la première demi-heure, celui-ci s'emmêle les pinceaux sur la fin du métrage avec une surcharge scénaristique pas inintéressante, mais "de trop".

 

En effet, à l'opposé d'une oeuvre à dominante psycho-freudienne, "Paranoïaque" évoque le thème de la "folie meurtrière", en sacrifiant une symbolique sous-jacente au profit d'un film sec et direct. Pourtant, tout s'annonçait efficace et dense. On pense à la présentation des protagonistes : par le biais d'un long travelling, la caméra scrute l'église et fait entrer dans le cadre le visage des personnages dont le curé cite le nom au fur et à mesure de son discours. Oliver Reed, face à un orgue, expire la fumée de son clop' sur la partition qu'il s'apprête à jouer. Tout est bon à prendre et rien ne passe à la trappe. Cette adroite narration filmique, à la fin de l'heure et quart, pâtira alors de l'absence de profondeur dramatique, ou du "survol" d'idées qui sonnent comme "rajoutées". On pense ici au personnage de la tante, enrôlée dans la machination de Simon Ashby, et sur lequel on passe trop vite.
Néanmoins, "Paranoïaque" ne perd pas de son efficacité première. Plusieurs séquences issues de la folie d'Oliver Reed illustrent au mieux ce côté "sec" : hors de lui, Simon Ashby ouvre la porte de sa chambre puis s'en va, laissant sa tante face au fait : l'infirmière n'est pas là pour rien. Dans le même élan sadique, il y a cette scène où une voiture, avec Eleanore Asbhy à son bord, menace de tomber d'une falaise, et le passage avec l'apparition d'un personnage masqué muni d'un crochet de pirate en guise d'arme. Ainsi, là où Freddie Francis aurait pu éclaircir et forcer une symbolique avenante (sans pour autant alourdir le film), il a opté pour un côté plus "tape à l'oeil".
En dépit de cela, le jeu des acteurs demeure excellent. Oliver Reed ("La nuit du loup-garou" -1961 - de Terence Fisher, "Le fascinant capitaine Clegg" -1962 - de Peter Graham Scott ou encore "Les diables" -1970 - de Ken Russell), exquis dans ce qui s'impose comme l'un de ses premiers rôles majeurs, semble en un seul geste pouvoir détruire les faibles liens familiaux subsistants, ou en faire éclater toute l'hypocrisie. Il sera à l'origine des scènes les plus horrifiques, toutes très réussies, en particulier celle où il joue de l'orgue, accompagné au chant par un personnage vêtu d'une robe d'enfant de choeur et masqué. Là, Eleanore et le faux Anthony Ashby l'espionnent, par une fenêtre poussiéreuse. Angoissante à souhait, cette séquence distille un climat oppressant, voyeuriste et réellement paranoïaque, dont le spectateur se souviendra longtemps.

 

On notera aussi une excellente idée scénaristique (à sa source, Jimmy Sangster, scénariste aussi sur le chef d'oeuvre "Le cauchemar de Dracula"), tel que ce rapport incestueux naissant entre Eleanor Ashby et celui qu'elle croit être son frère. En 1963, le baiser dans son "cadre" était vraiment osé. Il n'en donne pas moins lieu à une surprenante scène de colère où Janette Scott montre l'étendue de son talent, hurlant qu'elle est folle, et enclenchant la rupture du jeu de l'imposteur avec celui pour lequel il se fait passer.
"Paranoïaque" est un sacré bon morceau de cinéma, de ceux que l'on a tendance à éclipser à côté des films plus populaires de la Hammer. Portée par Oliver Reed, c'est une pellicule qui annonce "Nightmare", l'une des futures pièces maîtresses de la filmographie de Freddie Francis, qui reprendra alors le thème du microcosme familial pour cause d'un trauma, ainsi que ceux de la paranoïa et du cauchemar. On notera aussi l'ambition avouée de Freddie Francis de concurrencer le récent "Psychose" d'Alfred Hitchcock, convoitise intéressante mais dont il s'est éloigné, comme dit plus haut, en compliquant les lignes scénaristiques inutilement. À voir quoiqu'il en soit !

 

The Hard

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