L'histoire suit les aventures de nos amis Don Quichotte et Sancho Panza. Le premier, sous couvert de velléités chevaleresques, se prend pour un justicier, un vigilante de la pensée. Pour défendre des opprimés qui n'ont rien demandé, surtout pas un sauveur, l'ingénieux Hidalgo fantasme et réinterprète à sa guise tout ce qu'il voit : une prostituée devient sous ses prunelles, une princesse, un aubergiste, un roi ; limite s'il ne prend pas Panza pour l'âne Rucio.
Don Quichotte est également un être courtois. Où qu'il débarque, il prend soin de s'annoncer et présente même son cheval. Gavé d'idées nobles, il s'offense même à la pensée du profit. Ceci dit, il s'offusque plus encore à la vision d'argent caché dans du caca de biquet.
Sancho Panza, son célèbre écuyer, lui, s'en branle un peu. Aguerri, désabusé, l'homme sait saisir les occasions de désaper toute créature un tant soit peu gironde croisant sa biroute. Il n'y a bien que la perche tendue par Quichotte qu'il ne saisit pas. Bref, dans le film de Raphael Nussbaum comme dans le roman, les deux font la paire.
Contrairement au célèbre meunier qui, lui, a tendance à dormir, Don Quichotte, tel une aile de moulin à vent, est un personnage qui a beaucoup tourné. Faut dire que l’œuvre du dramaturge Miguel de Cervantes, précurseur du roman dit moderne, est particulièrement porteuse. Du coup, dès le tout début du 20ème siècle, notre généreux et idéaliste redresseur de torts est utilisé à l'écran. On dit que ce personnage ne porte pas chance (soit, Orson Welles s'y est cassé les dents et Jesús Franco en a fait un montage tardif et controversé). On évoque même une malédiction pour le projet de Terry Gilliam, "L'Homme qui tua Don Quichotte", destiné à l'origine aux acteurs Jean Rochefort et Johnny Depp. On dit encore le roman inadaptable. C'est oublier des versions : Don Quijote de la Mancha (1947) du Portugais Rafael Gil, une adaptation soviétique réputée comme étant réussie, "Don Kikhot" (Grigori Kozintsev, 1957) ou encore "Man of La Mancha" (Arthur Hiller, 1973) avec Peter O'Toole dans le double-rôle du héros pathétique et de l'écrivain...
Comme tout héros de légende, Don Quichotte a également eu droit à des parodies : "Don Chisciotte e Sancio Panza" réalisé par Giovanni Grimaldi, mettant en scène Franco et Ciccio, restant le titre le plus évocateur. Logique avec ces provocations accumulées que le sieur Quichotte ait dressé le dard pour s'en aller guerroyer afin de défendre la liberté sexuelle. La sienne surtout. Du reste, The Erotic Adventures of Don Quixote n'a rien de réellement novateur puisqu'il reprend le parti-pris parodique du film avec Franco et Ciccio et intègre la comédie musicale, déjà présente dans la version concoctée par Arthur Hiller, trois années avant celle-ci.
Quant au titre du film, Les aventures érotiques de Don Quichotte et Sancho Panza, mêlant nos deux comparses, il peut s'avérer trompeur. Non, ce n'est pas un film de jeunes pédés idéalistes qui s'enculent dans des meules, au rythme des moules, hein ! Et je dis ça sans homophobie aucune puisque Don Quichotte y encule bien les mouches. Il s'agit d'une bobine à la senteur fraîcheur chorizo, une succession de scénettes illustrant de gros taureaux fonçant dans des vulves rouge pivoine en criant "Olé !" tandis que de jeunes Castillanes se font défoncer l'arène et en redemandent. Don Quichiottes ne s'y bat du reste pas uniquement contre des tourniquettes à vent, il y tire aussi la chatte après avoir bien visé le trou !
On croise dans The Erotic Adventures of Don Quixote quelques figures et noms plus ou moins connus des bitards (mais pas queue) : En premier lieu, affublé en toute logique d'une moustache (mais sans paire de couilles en guise d'oreilles), Corey Fisher, dont c'est le seul et unique rôle pour le cinéma. Son comparse au sang chaud est interprété par Hy Pyke. Acteur loin d'être cantonné au genre salace et, outre qu'on ait pu l'apercevoir dans "Blade Runner", celui-ci a commencé sa carrière avec Lemora comme assistant maquilleur et acteur, avant de "sauter" de genre en genre ; on peut citer à son palmarès Dolemite, "Nightmare in Blood" de John Stanley, "Slithis" de Stephen Traxler ou bien encore "La nuit d'Halloween" de Jag Mundhra.
Haji ("Plus vite mon minou, tue des hommes, tue des hommes !") est aussi de la partie, tout comme Patrice Rohmer de "Revenge of the Cheerleaders" ("La revanche des filles qui te font pom-pom !").
Que cela soit gravé ici comme ailleurs, pour le spectacle, on repassera !
Don Quichotte et Sancho Panza, comme perdus dans "Peau de zob" de Jacques Demy, font pâle figure, tandis que le rythme est aussi nonchalant qu'une annonce SNCF en temps de grève et que la bobine ne cesse de se figer dans des séquences de chansons à la teneur hippie et à l'oraison paillarde, mais peu gaillardes. Du coup, au gré des pérégrinations de nos personnages hauts en couleur, le sentiment qui prédomine est de se prendre des coups de boutoir par un réalisateur somnolent, se réveillant de temps à autre afin de se finir à nos dépends. Faut dire aussi que les situations vaudevillesques ne relèvent pas le niveau, elles s'élèvent au niveau d'une médiocre sexy comédie italienne. À l'exception notable d'une scène se situant vers la fin du film, sorte de clip avant l'heure où Sancho Panza s'en donne à cœur joie, brassant du mamelon montgolfière à tour de bras, le tout sur une chanson bien emballante pour le coup. De quoi regretter que le reste ne soit pas du même acabit.e.
En tout cas, cette gentille grivoiserie eut les honneurs de sortir en France, dans l'ch'Nord uniquement. Les mauvaises langues disent que c'est parce que les gens y sont plus moches, moins intelligents et qu'il font trop d'enfants. Nos rednecks à nous en quelque sorte.
Citons enfin pour l'anecdote, que dans The Erotic Adventures of Don Quixote, les femmes se plaignent régulièrement d'un manque de violence de la part de leur(s) partenaire(s*), jugés trop doux, pas assez endurant(s) et trop souvent éjaculateur(s) précoce(s). "Encore, encore !", "Fais moi mal, Johnny, Johnny, Johnny !". Le film a l'avantage de posséder une durée conséquente, soit 106 minutes où l'insatiable voyeur qui sommeille en nous aura le temps de bien se dégorger le poireau devant ces esclaves, soumises comme il se doit. De bien braves femelles en vérité.
Certes, nos amies vicelardes, ces insatiables cochonnes courant après le supplice du pal, autant que les prédatrices culturelles finissant par s'incruster dans des rétrospectives cinésyphilitiques, auront droit de faire la fine bouche. Au final, on leur présente deux prises mâles vigoureuses et complémentaires (limite si les mecs ne te font pas le devant et le derrière), tout ça pour n'en faire qu'un softcore d'opérette. Et puis au niveau timbre de voix, Hy Pyke en Panza, croyez-moi, c'est pas gorge profonde !
Bref, La vie érotique de Don Quichotte s'inscrit dans la fournée des parodies très moyennes, sinon médiocres, allant de La Vie sexuelle de Roméo et Juliette, des Aventures amoureuses de Robin des Bois, en passant par Les Aventures érotiques de Pinocchio ou Les Chevauchées amoureuses de Zorro (dans lequel il baptisait les zézettes à la pointe de son zizi).
Mallox
P.S. : À noter que l'âne de ce petit softcore pas très inspiré est mieux monté que le film lui-même.
(s*) : il s'agit d'un S inclusif dû aux nouvelles règles grammaticales (les femmes ont, après tant d'années de lutte acharnée, enfin obtenu le droit de se faire défoncer par plusieurs hommes à la fois et par plusieurs trous. Grâces soient rendues à Dieu.e !)