À la limite du cauchemar
Titre original: Night Warning
Genre: Horreur , Thriller , Psycho-Killer
Année: 1982
Pays d'origine: États-Unis
Réalisateur: William Asher
Casting:
Jimmy McNichol, Susan Tyrrell, Bo Svenson, Marcia Lewis, Julia Duffy, Bill Paxton, Britt Leach, Caskey Swaim...
Aka: Butcher, Baker, Nightmare Maker / Nightmare Maker
 

Depuis la mort de ses parents lors d'un accident de voiture, quatorze ans auparavant, Billy Lynch (Jimmy McNichol) est élevé par sa tante Cheryl (Susan Tyrrell). Un jour qu'il rentre du collège, il la surprend en train de poignarder un homme venu réparer la télévision et qui, selon elle, s'apprêtait à la violer. Un cas de légitime défense dont Billy se porte garant, appuyant même les faits de par son témoignage concordant tout en tenant tête au shérif Joe Carlson (Bo Svenson), plutôt sceptique sur cette versions des faits et pour cause, c'est Billy qui a été retrouvé le couteau à la main...

 

 

Originellement titré Butcher, Baker, Nightmare Maker, Night Warning, sorti en France en vidéo sous le titre À la limite du Cauchemar, est un film horrifique ayant acquis une bonne réputation le temps passant mais qui reste néanmoins méconnu, discret, encore à ce jour. Un fait que l'on peut imputer, en tout cas en partie, à un scénario moins balisé qu'à l'usuel dans un genre horrifique au sein duquel il s'inscrit pourtant sans discussion. On est loin ici du slasher lambda. L'horreur surgit de l'intérieur tandis que les psychés et les thématiques en font un objet borderline. Sa distribution en mode Home-cinéma ne l'a guère mis en avant également et ce n'est qu'en 2014 que l'éditeur Code Red a eu la bonne idée de l'éditer en dvd, ce avant un blu-ray en 2017, dans une copie restaurée en 2K à partir du négatif et agrémentée de bonus intéressants comme les interviews du producteur-scénariste Stephen Breimer, du maquilleur Alan Apone et des acteurs Susan Tyrrell, Jimmy McNichol et Steve Eastin.

À la mise en scène on retrouve William Asher, réalisateur de quelques Beach Party ("Bikini Beach", "Beach Blanket Bingo", "How to Stuff a Wild Bikini"...), de "La revanche du Sicilien" (Johnny Cool), et vieux briscard de la télévision, dont l'un des faits d'armes les plus connus est d'avoir produit "Ma sorcière bien aimée", dont il a réalisé lui-même 131 épisodes sur les 147 que comptait la série, mettant en avant son épouse d'alors, Elizabeth Montgomery, avec laquelle il fut marié dix ans et eut trois enfants.

 

 

Night Warning fait partie de ces oeuvres à la fois vénéneuses et minées de l'intérieur. Il commence de façon sournoise, comme un fait divers purement dramatique mais dénué de sordide. Des parents partent en vacances, laissent en garde leur enfant en bas âge à sa tante, puis sont victimes d'un accident mortel de la route. Quatorze années ont passé, tout indique que le jeune Billy, vivant chez sa tante Cheryl qui semble l'avoir élevé avec une bienveillance toute maternelle, s'est plutôt bien remis de ce drame. L'adolescent, âgé alors de 17 ans, joue au basket dans le club du Collège, ne se laisse pas intimider par les provocations d'élèves plus belliqueux (Bill Paxton, déjà très à l'aise), semble respectueux et très reconnaissant envers sa tante et se montre à la fois équilibré et mâture. C'est donc sournoisement que Night Warning débute, avec tous les signes d'une éducation saine. Jusqu'au jour où Cheryl poignarde le réparateur de télé, prétextant la légitime défense face à un viol. Une scène qui d'ailleurs surgit de manière inattendue, sans que l'on en capte de suite forcément la cause et les enjeux. Dès lors, malgré ce que prétend le titre français et sans qu'on le soupçonne forcément, la limite du cauchemar vient d'être franchie et la scène en question sert d'avertissement nocturne (le Night Warning du titre original).

 

 

Tout être susceptible de contrarier la possessivité de tante Cheryl, qui peu à peu va se révéler carrément psychotique, risque sa vie. Du reste, lorsqu'il s'apprête à fêter ses 18 ans, Billy projette de partir pour l'université et commence à fréquenter une fille du coin, Julie (Julia Duffy). Cheryl se montre de plus en plus protectrice, au point de devenir carrément menaçante. Les apparences du début de bobine étaient trompeuses et celles-ci sont finalement mises à jour de manière involontaire et balourdes par un shérif particulièrement beauf, buté, rempli de préjugés et, cerise sur le gâteau, parfaitement homophobe. Sa fixette sur la culpabilité de Billy l'oriente vers un crime passionnel et l'homosexualité de la victime poignardée étant connue par certains d'habitants, elle le conforte vers le drame de la jalousie entre "tantouzes" plutôt que sur une supposée tentative de viol sur la vieille tante. Pas faute que son adjoint, faisant preuve de bien plus de recul dans ses investigations, ne lui mette la puce à l'oreille à plusieurs reprises en lui révélant plusieurs indices dont un, crucial, du passé.
Mais le départ prévu de Billy pour l'Université, sa fréquentation amoureuse qui l'éloigne d'elle et les soupçons sur son neveu chéri qu'elle a élevé comme son propre fils, avec amour (...), sont des éléments qui vont contribuer à accélérer la folie meurtrière de Cheryl. De celles fouies jusqu'à présent dans les tréfonds d'une enfance purement maternée mais qui n'attendaient que l'adolescence pour se révéler...

 

 

Rares sont les films qui parviennent à plonger le spectateur dans une telle spirale de folie et de dégénérescence tout en abordant de manière assez explicite des thèmes qui peuvent paraître dérangeants. Le couple monstrueux que forment Cheryl et Billy évolue sous le joug de l'inceste féminin, voire même de la pédophilie féminine dans la mesure où l'enfant a été récupéré bébé avant d'être éduqué de façon vampirique. Le trouble de Billy, devenu adolescent et à demi-témoin d'un meurtre, tend vers le trouble en premier lieu puis vers la prise de conscience. Son émancipation fait donc exploser le vernis des apparences et contraint sa tante à tuer pour le garder près d'elle. Logique alors que la plongée dans l'horreur se fasse par paliers pour finir dans une succession de scènes hystériques et de bains de sang.

Susan Tyrrell ("Forbidden Zone", La chair et le sang, les deux premiers Angel, "Cry-Baby"...) fait dans Night Warning une composition absolument saisissante. Elle passe du registre de la douceur et de la normalité au statut de névrosée puis, enfin, à celui de folle meurtrière avec une rage et une puissance rarement vues au cinéma. On pourrait presque affirmer qu'elle porte le film sur ses épaules si la réplique, plus sobre, donnée par le jeune Jimmy McNichol (principalement acteur pour la télévision) ne complétait pas à merveille ce tableau malsain.

L'illustration à l'écran tend par moments vers le ton décalé (le repas avec les voisins, juste après le premier meurtre, a quelque chose d'horriblement drolatique) mais est par ailleurs délestée de toute fioriture, tout en laissant le malaise s'installer petit à petit. Le montage heurté de Ted Nicolaou et la partition schizo de Bruce Langhorne (souvent au générique des films de ou avec Peter Fonda, L'homme sans frontière étant sa première composition pour le cinéma) y participent aussi. Même une scène où le jeune homme, loin des arrières-pensées de sa tante, sort de la douche sans gêne particulière quant à sa nudité, distille un sentiment diffus mais obstinément malsain.

 

 

L'un des principaux et seuls reproches qu'on puisse faire à Night Warning, encore qu'il contribue à plonger le spectateur dans un cauchemar plus grand encore, celui d'une petite ville dégénérée, est de trop charger le personnage du flic campé par Bo Svenson, au point de le rendre grotesque (et, à sa manière, pas loin d'être aussi taré que tante Cheryl). En dépit de cela, À la limite du cauchemar qui, en 1982, a récolté de façon amplement méritée le Saturn Award du meilleur film à petit budget, est une sorte de grand petit film malade qui mériterait une reconnaissance bien plus grande à ce jour, notamment par les amateurs de thrillers horrifiques.

Et si le Psycho Killer le plus effrayant des eighties était une femme ?


Mallox

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