En Afrique du Nord, Sœur Maria est préoccupée par le salut d'un certain nombre de "pécheresses", des prisonnières assez dures et coriaces régulièrement harcelées, battues, humiliées et abusées sexuellement par leurs gardiens. Le directeur de la prison fait en sorte que sept de ces femmes soient autorisées à travailler dans le couvent voisin pendant la journée sous la surveillance de gardiens. Mais les prisonnières se débarrassent des gardiens et, avec l'aide de Sœur Maria, s'évadent habillées en nonnes. Elles trouvent refuge chez deux amis, Bob et Jeff, mais Bob envisage de les vendre à un cheikh nommé El Kadir. Jeff libère les femmes et le petit groupe essaie de quitter le pays, mais El Kadir ne veut pas laisser ses jolies "marchandises" s'échapper...
Voilà un mélange tout à fait improbable entre la nunsploitation et le WIP (film de prison pour femmes), avec en prime un générique des plus étonnants. Produit et écrit par le réalisateur italien Sergio Garrone entre son dernier western "Sabata règle ses comptes" (1971) et deux films d'horreur avec Klaus Kinski ("Le amanti del mostro" et La mano che nutre la morte), La Nonne et les sept pécheresses est réalisé par un producteur autrichien et interprété par une actrice silésienne presque inconnue entourée d'un trio d'acteurs aguerris et d'une brochette d'actrices internationales peu connues et peu farouches.
Le producteur ici chargé de la réalisation est Ernst Ritter von Theumer, cameraman, producteur, réalisateur et scénariste né en Autriche en 1926, qui, à la fin des années cinquante, fonde sa première société de production et se lance dans des coproductions improbables avec la Turquie ou le Brésil, ce qui lui permet de produire des bandes d'action exotiques comme "Les Hyènes chassent la nuit", "Les Flingueurs de Rio", "001 Destination Jamaïque" ou "Jerry Land, chasseur d'espions". En 1966, il coproduit et réalise La isla de la muerte alias Le Baron vampire, magnifique film décomplexé et totalement bis coécrit avec Mel Welles (Lady Frankenstein). Il produira aussi plusieurs films avec Sybil Danning ("Chained Heat" alias "Les Anges du Mal", "Julie Darling" alias "Un amour assassin" et "Les Guerriers de la jungle") ainsi que des réalisations de sa muse Monica Teuber dont "Jamila" (1994), adaptation cinématographique du roman de Chingiz Aitmatov. Theumer utilisait rarement son propre nom lorsqu'il œuvrait comme réalisateur, optant pour un pseudonyme à consonance américaine : "Richard Jackson".
Ici responsable de la production et de l'écriture du script, Sergio Garrone est une référence du western spaghetti puisqu'il a réalisé "Tire si tu veux vivre" (1967), "Trois croix pour ne pas mourir" (1968), La Horde des salopards (1969), Une longue file de croix (1969), "Abattez Django le premier" (1971) et "Sabata règle ses comptes" (1971). La plupart de ces westerns bénéficient d'une bonne réputation auprès des aficionados du genre mais de cette liste émerge La Horde des salopards, western dont émanent quelques embruns fantasmagoriques qui en font une petite merveille. La suite de sa carrière sera malheureusement moins glorieuse : ses deux nazisploitations Le Camp des filles perdues alias Horreurs nazies (1976) et "Roses rouges pour le Führer" alias "SS Camp 5 : l'enfer des femmes" (1977) vont couler la carrière de réalisateur du pauvre Garrone qui ne signera plus que "L'Important c'est de tuer" et "L'ultimo harem" avec Corinne Cléry et George Lazenby.
L'actrice quasi inconnue susnommée est Monica Tauber ou "Monica Taylor", également productrice et réalisatrice, née en 1945. En 1966, Ernst Ritter von Theumer la remarque, lui donne un rôle dans "Ballade pour un pistolero" et c'est le début d'une fructueuse collaboration pour l'actrice qui apparaîtra dans divers films du producteur-réalisateur dont "Chaleur rouge" ("Red Heat"). C'est encore lui qui, on l'a vu, produira la plupart des films qu'elle réalisera, sans obtenir le moindre succès commercial ou même artistique. Parallèlement, l'actrice n'hésite pas à prendre contact avec des cinéastes ayant des ambitions plus larges, elle change alors une lettre de son prénom qui devient "Monika" et tourne Jonathan (1970) de Hans W. Geissendörfer et trois films de Rainer Werner Fassbinder : "Prenez garde à la sainte putain", "La Femme du chef de gare" et "Le Rôti de Satan". En association avec son pygmalion, Monica Tauber travaillera aussi sur la production des trois films avec Sybil Danning cités plus haut ("Les Anges du mal", "Julie Darling" et "Les Guerriers de la jungle").
Le fameux trio d'acteurs confirmés se compose de Tony Kendall alias Luciano Stella (1936-2009), un acteur italien qui deviendra une vedette de l'Eurospy avec le personnage de Joe Walker dans les sept films de la série "Commissaire X" : Le Commissaire X traque les chiens verts, Chasse à l'homme à Ceylan, Dans les griffes du dragon d'or, Halte au L.S.D., "Trois Panthères bleues", "Les trois serpents d'or", "Commissaire X contre Tiger-Gang". Il poursuivra une carrière versatile où l'incongru et l'inattendu semblent les maîtres mots : "Les Aventuriers de l'or noir" (1977), "Yéti, le géant d'un autre monde", "Le Retour des morts-vivants" d'Amando de Ossorio, "Les Vengeurs de l'Ave Maria", "Django défie Sartana" ainsi que "Le Guignolo" et "Flic ou voyou" de Georges Lautner avec Belmondo !
William Berger (1928-1993) est un acteur autrichien qui partit aux États Unis pour suivre les cours de l'Actors studio. De retour sur le vieux continent, on lui offre un petit rôle dans un film avec Frank Sinatra, "L'Express du Colonel von Ryan" dont le tournage se déroula en Italie, à Cinecitta. Immédiatement repéré à cause de chevelure blonde, il devient l'une des figures de proue du western spaghetti et paella avec Keoma, Le Dernier face à face, Une longue file de croix, "Sabata", etc. Lorsque le genre s'éteint, Berger continue une carrière singulière et riche, parcourant l'Europe et tourne aussi bien pour Bava ("L'Île de l'épouvante") et Jess Franco ("Los ojos siniestros del doctor Orloff ", "Lettres d'amour d'une nonne portugaise") que Claude Chabrol ("Dr M") ou Marcel Carné ("La Merveilleuse visite", avec sa fille Debra). On le retrouve au générique de productions aussi diverses que variées comme "Diamond Connection", Hercule de Luigi Cozzi, Ironmaster, la guerre du fer, Le Monstre de l'Océan Rouge" ou "Tex et le seigneur des abysses".
Vétéran de la Seconde Guerre mondiale et bodybuilder, l'Américain Gordon Mitchell (1926-2006) est quant à lui l'une des figures emblématiques du cinéma bis européen à la carrière impressionnante. Vedette d'innombrables péplums ("Maciste contre le cyclope", "Vulcan, fils de Jupiter", "La Bataille de Corinthe", "La Colère d'Achille", Jules César contre les pirates, "Brenno le tyran", "Le Géant de Metropolis"), il n'a pas trop problèmes de reconversion lorsque le genre commence à s'essouffler. Sa stature et son visage lui permettent de devenir une figure incontournable du cinéma bis, il va tourner tout et n'importe quoi pendant presque quarante ans et cent quarante films, avec une nette prédilection pour le bis un rien déviant (Le Château de l'horreur, "Les Tigres du désert" alias "Bourreaux SS n°2", "Frankenstein '80", Destination planète Hydra, "Rush" de Tonino Ricci, "Le Gladiateur du futur", She, "Evil Spawn", ...) et un attachement certain pour Jean-Marie Pallardy : "Une Femme spéciale", Vivre pour survivre alias White Fire, "Le Ricain" et "Overdose".
N'oublions pas de citer le chapelet d'actrices qui interprètent les fameuses "pécheresses", dont certaines auront des carrières assez conséquentes : Vonetta Mcgee (Shaft contre les trafiquants d'hommes, Le Grand silence, "La Sanction", "Blacula, Le vampire noir") ; Margaret Rose Keil ("Starcrash 2 II - les évadés de la galaxie III", "L'île aux filles perdues", La polizia brancola nel buio, "Ton diable dans mon enfer") ou, dans une moindre mesure, Ivana Novak ("La plus longue nuit du diable", Équipe spéciale, "La Peau qui brûle", S.O.S jaguar: Opération casseurs) ; d'autres qui tourneront dans une petite douzaine de films : Felicita Fanny ("Les Déportées de la section spéciale SS", Le Coriace, "La Louve se déchaîne ", Dossier rose de la prostitution, "Prison spéciale") et Nuccia Cardinali (La casa della paura, "Tarzan contre les hommes léopards", "Deux croix pour un implacable") ; Christiane Thorne, dont la carrière qui avait démarré avec quelques séries allemandes s'arrêta là, et enfin Linda Fox dont on ne retrouve la trace que 20 ans plus tard dans un film de Guillaume Nicloux (à supposer qu'il s'agisse bien de la même actrice...)
Ce genre de production bâtarde qui tente l'accouplement sauvage de deux genres ne donne pas toujours de résultat viable, mais, pour une fois, le produit fini, s'il n'est pas une référence, constitue un plaisir trivial totalement assumé. En fait, le film n'emprunte à la Nunsploitation et au Women in Prison que des éléments épars dont la plupart se situent au début du film. Par la suite, on aurait plutôt tendance à se diriger vers un film d'aventures un peu plus épicé que d'habitude... Tourné dans des décors naturels de toute beauté, le film de Jackson / Garrone se vautre avec satisfaction dans le vulgaire et l'opprobre, il ne rate aucun cliché et enchaîne les scènes graveleuses comme on enfile des perles. On peut donc assister à diverses espiègleries qui devraient satisfaire les plus excentriques des spectateurs... Pas de féminisme ou de politiquement correct, nous sommes bien dans du Bis qui ose tout, quitte à sentir légèrement la polémique grillée : la seule femme de couleur est fouettée à mort par un nain, la gentille nonne, d'abord lapidée par une horde de femmes portant le voile intégral, voit son calvaire se poursuivre lorsqu'elle tombe sur un fétichiste des religieuses (la sœur pas la pâtisserie) qui va la torturer. Avant cela, nos donzelles se croyant sauvées, auront été attaquées par une bande d'Arabes obsédés qui tenteront de les violer sans sommation. Pour le final, tout le casting se retrouve chez le fameux El Kadir pour une orgie qui va tourner au carnage façon "Horde sauvage" en plus confiné !
Et voilà comment on boucle plaisamment plus ou moins septante minutes de bonheur. Le montage original était plus long mais pour son exploitation aux États Unis, il passera entre les mains d'un certain Roger Corman et sa durée se retrouvera amputée de quelques dix minutes... Mais que cela ne rebute pas le connaisseur : à part quelques secondes dans une bagarre, toute la violence et la nudité se trouvent dans la version coupée. Voilà donc une œuvre à découvrir et à déguster sans modération ! Attention quand même car les plats épicés peuvent entraîner divers désagréments...
The Omega Man