Echec au Gang
Titre original: La Banda del Gobbo
Genre: Poliziesco
Année: 1978
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Umberto Lenzi
Casting:
Tomas Milian, Pino Colizzi, Isa Danieli, Sal Borgese...
 

Fraîchement revenu à Rome après un exil en Corse, le bossu Marazzi décide d'organiser un nouveau casse, le hold-up d'un fourgon de la banque de Rome. Mais ses alliés vont lui jouer un sale tour : pour se partager une plus grosse part du magot et pour éviter d'être repérés et ralentis par le Bossu, il décident de l'abattre pendant le casse, dans la confusion générale. Mais Vincenzo survit et parvient à échapper également aux troupes du Commissaire Sarti. Avec l'aide son frère Monnezza et d'une prostituée devenue sa petite amie, il décide de se venger de ses anciens complices, tout en échappant aux forces de police...

 

 

Bien qu'il ne s'agisse pas d'une suite ouverte à quelque film que ce soit, "Echec au Gang" reprend deux personnages interprétés par Tomas Milian dans d'autres polars italiens : Vincenzo Marazzi dit le "Bossu de Rome", apparu dans le Lenzien "Brigade Spéciale" de 1976 (même si dans celui-ci il prenait le nom de Vincenzo Moretti), ainsi que Francesco Marazzi, dit Monnezza, le bandit facétieux du "Truand sort de sa planque" (1977, Lenzi) et de "L'Exécuteur vous salue bien" (1977, Stelvio Massi), qu'on peut d'ailleurs retrouver sous une forme détournée dans d'autres polars de l'époque (avec le personnage de Nico Giraldi).
Tout deux sont encore ici interprétés par le même Tomas Milian, ce qui explique que les deux personnages n'apparaissent jamais ensemble et de face dans un même plan. Ce sont deux frères jumeaux au tempérament dissemblable : le Bossu est entreprenant et très strict, tandis que Monnezza est plutôt sage et se fait passer pour un attardé profond. Ils ne traînent à vrai dire pas souvent ensemble, et même si Monnezza idolâtre son frère, l'inverse ne semble pas être de mise... Leur relation tout au long du film sera donc assez ambiguë, du moins jusqu'à ce que Lenzi ne se décide à révéler tous les enjeux de son scénario.
Car "Echec au Gang" est plutôt différent des autres polars signés Lenzi, qui avaient pour principal objectif d'être complètement libérés de toute contrainte morale pour mieux verser dans une violence généralisée et très souvent jubilatoire. Ici, il n'y a pas de ça. La police et le Commissaire Sarti jouent d'ailleurs un rôle assez mineur. Du reste, Sarti n'est pas interprété par un monument d'intransigeance latine tel que Maurizio Merli, mais par le très discret Pino Colizzi, qui non content de respecter scrupuleusement l'éthique des forces de l'ordre, s'attarde même à faire de la causette avec ses collègues...

 

 

Tout le début du film est assez incroyable : pas beaucoup de violence, ni de la part de la police, ni même de celle des truands : le Bossu insiste pour que le casse se déroule avec du gaz somnifère plutôt qu'avec des flingues, et sa revanche, quoiqu'impitoyable, est tout sauf graphique : un homme congelé dans une chambre froide, d'autre abattus froidement en hors champs, et voilà... Ne restent que quelques séquences plutôt croustillantes, comme lorsqu'après la trahison de ses complices Monnezza s'échappe en rampant dans le déluge de merde situé dans les égout, ou comme lorsque Monnezza est présent à l'écran avec sa barbe épaisse et sa coupe afro, et qu'il passe son temps à aligner des répliques sarcastico-anarachistes. On se demande tout de même à ce moment là ce que cherche à faire Lenzi, lui qui n'est traditionnellement pas du genre à faire dans la dentelle.
La réponse viendra petit à petit au fur et à mesure de l'évolution du film, et nous rappellera que Milian, qui ne s'est jamais caché de ses sentiments gauchistes, participa à l'écriture du scénario et plus particulièrement aux dialogues. Car petit à petit, le Bossu aussi bien que Monnezza vont tout deux se montrer sous un angle de bandits romantiques, poussés au crime par une société dans laquelle ils se sont tout deux retrouvés désavantagés dès leur naissance, l'un via sa difformité physique, l'autre via son apparente déficience mentale. En prenant une prostituée pour petite amie, en lui restant fidèle et en cherchant à lui faire vivre une vie aussi respectable que faire se peut (et le crime est la seule solution), le Bossu fait preuve d'une droiture que seul son frère Monnezza avait pu percevoir, répondant systématiquement à quiconque se moquant de son jumeau que Vincenzo est plus droit que n'importe qui, et en premier lieu que la police, violente et méprisante. C'est ainsi que Monnezza refuse de se faire appeler ainsi par Sarti, et qu'il refuse que son frère soit appelé également "le Bossu". Question de respect individuel.

 

 

Mais la police, qui finira d'ailleurs humiliée, n'est pas la seule en cause : les autres bandits, ceux qui se livrent au crime pour le simple appât du gain, sont également des éléments de cette société décadente, comme le prouve leur trahison au milieu du hold-up, que le Bossu s'efforcera de punir, démontrant une nouvelle fois son haut sens de la morale. Dernière cible privilégiée : les bourgeois. Dans une scène à la fois très comique et très significative du gauchisme de Milian, le Bossu, comme promis à sa copine, ira manger dans un night-club de luxe, squatté par la haute-bourgeoisie romaine. Après avoir bataillé pour obtenir une table pourtant réservée à un avocat important, il s'en ira danser au milieu des riches. Ils se moqueront de lui et le laisseront seul à se ridiculiser sur la piste, jusqu'à ce qu'il décide de prendre les choses en main. Il sortira quelques blagues sur lui-même, des blagues qui, ironiquement, visent aussi à attaquer les principes moraux de cette bourgeoisie. Mais celle-ci ne comprendra rien. Donc il finira après une habile transition à tenir un agressif discours politique aux consonances anarcho-communistes, avant enfin de se venger plus activement.
Une scène mémorable, l'une des meilleures du film, qui marie à la fois le côté comique et le côté politique, avec un arrière-plan d'amertume et de désespoir certain. C'est cela le vrai objectif du film, et c'est en cela qu'on peut penser qu'il s'agit d'un film davantage "Milianien" que "Lenzien". Un film qui repose sur son acteur principal, qui incarne donc deux rôles, celui du Bossu étant davantage ciblé sur la politique et sur l'action, tandis que Monnezza est davantage sentimental et, surtout, comique. Si il en fait parfois trop, ses répliques font bien souvent mouche, et son passage dans un hôpital psychiatrique vaudra bien les meilleurs passages de l'excellent "Truand sort de sa planque". Jouant constamment avec sa stupidité supposée et avec les autres aliénés, Monnezza jouera au fou en manipulant tout son monde de façon extrêmement bien pensée, symbolisant bien la revanche sociale dans laquelle se sont lancés les frangins Marazzi...

 

 

Il ne faut pas se laisser décourager par son entame plutôt longuette ni par sa différence avec les autres polars de Lenzi : "Echec au gang" est un excellent film, dans lequel Milian laisse parler à la fois son idéalisme gauchiste (la fin est aussi un joli petit moment de romantisme combatif) et ses talents d'acteurs qui rendent le film au moins aussi ludique que les autres productions italiennes de l'époque. Le tout en plus soutenu par la mise en scène agressive de Lenzi (principalement dans les courses-poursuites motorisées et dans les quelques fusillades que compte tout de même le film) et par la musique du spécialiste Franco Micalizzi.


Note : 8/10

 

Walter Paisley
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