Impasse aux Violences, L'
Titre original: The Flesh and the Fiends
Genre: Horreur
Année: 1959
Pays d'origine: Angleterre
Réalisateur: John Gilling
Casting:
Peter Cushing, Donald Pleasance, George Rose, June Laverick...
 

Au XIXème siècle, à Edimbourg, le docteur Knox est un médecin matérialiste extrémiste, qui pour poursuivre ses expérimentations a un besoin urgent de cadavres frais. Choses que lui procurent Hare et Burke, deux truands des quartiers mal famés, qui trouvent ainsi un moyen de se faire de l'argent facilement, en assassinant des marginaux et en revendant leurs corps au docteur, peu regardant sur les origines de ces cadavres, n'accordant guère d'attention aux reproches de ses collègues et dont les assistants n'osent remettre en cause l'autorité. Mais l'un des meurtres remettra tout en question...

 


Bien que réalisé par John Gilling et interprété par Peter Cushing, "L'Impasse aux Violences" n'est pas une production Hammer. N'empêche que ce film parvient aisément à égaler voire à dépasser les plus fameux films de la plus célèbre société de production britannique de l'époque. Non pas que son sujet soit des plus originaux, tout droit inspiré qu'il est d'une histoire vraie mais surtout de films comme "Le récupérateur de cadavres" de Robert Wise, lui-même adapté d'une oeuvre de l'écrivain Robert Louis Stevenson, mais bien par son traitement détonnant dans le paysage cinématographique des années 50, non seulement britannique, mais aussi mondial.
Le parti-pris de John Gilling est de montrer la ville d'Edimbourg sous ses aspects les plus sombres, les plus malsains, les plus violents, préfigurant ainsi de la plus magistrale manière les classiques du type Maniac qui verront le jour bien des années plus tard. Le milieu que nous montre Gilling s'écarte à la fois des cités banlieusardes que l'on pouvait souvent observer dans les productions américaines de cette fin d'années 50, mais aussi des contextes victoriens et gothiques qui firent la réputation de la Hammer. Ici, il n'y a pas de place pour le conformisme, et on se rapprochera davantage des visions de Fritz Lang que d'autre chose.
Sous des éclairages étalant démesurément les ombres à tel point que l'on songera parfois à de l'expressionnisme, les femmes sont des putains lascives et alcooliques, et les hommes sont des ouvriers ivrognes, violents et obsédés... Et encore, tout ceci constitue le dessus du panier. Car il se trouve également des gens comme Burke et Hare, deux autres ivrognes, mais qui pour survivre n'hésitent pas à abattre froidement les plus démunis dans des scènes de crime franchement très violentes pour l'époque, et qui encore aujourd'hui restent assez abjectes par la froideur et le cynisme avec lesquelles les bourreaux exécutent leurs victimes. On signalera dans le rôle de Hare un Donald Pleasance encore jeune, et dont le caractère froid et sans scrupule de son personnage fait froid dans le dos.

 


D'autant plus que dans un souci de réalisme, John Gilling a jugé bon de donner à tous les personnages de ce milieu de débauche un accent écossais fort prononcé, qui rattache directement le film à une certaine réalité sociale, celle de ce XIXème siècle, de la misère qui avec l'industrialisation a commencé à ronger les villes britanniques, et qui au final aura définitivement plongé toute une frange de la société dans la luxure (le film se révèle également assez érotique - et encore, j'ai vu la version tronquée -). A ce titre, les méfaits de Burke et de Hare pourront se justifier, les deux assassins ne trouvant une solution à leur abandon social que dans le meurtre, pour le compte d'un docteur Knox interprété par un Peter Cushing qui à n'en pas douter livre ici l'une de ses plus grandes prestations.
Un peu comparable à celui de Donald Pleasance, son personnage est encore plus effrayant dans la mesure où le docteur n'a cette fois pas d'excuse à son comportement. C'est un docteur bourgeois, respecté de ses collègues mais ne leur retournant absolument pas leur respect. Un docteur froid, pour qui la science compte avant toute chose, et pour lequel la mort a plus à enseigner que la vie. Froid et même glacial, d'un humour méchant très grinçant, Knox est intransigeant et peste contre toutes les sortes d'émotions, qui pour lui ne sont que des freins dans son ascension de la connaissance. Méprisant, dédaigneux, il est sans pitié, et son physique sec, guindé, avec un oeil à moitié fermé, en fait l'un des "méchants" les plus impressionnants du cinéma d'horreur. A vrai dire, si l'on prend en compte la personnalité de Knox et qu'on lui ajoute les meurtres commis sur des alcooliques, des putains ou des vieillards, on pourra voir dans le film une parabole sur les atrocités nazies commises pendant la guerre, Burke et Hare apparaissant comme des anges de la mort (dans le film, le terme de "résurrectionnalistes" est employé) et le personnage de Cushing n'étant rien d'autre qu'une sorte de Mengele, reclus dans son hôpital, jamais en contact avec un monde extérieur aux abois. Un comportement destructeur non seulement pour les victimes qu'il se fait apporter, mais aussi pour son entourage, qui ne sera pas non plus épargné par un John Gilling n'hésitant pas à faire mourir certains des personnages principaux.

 


Ce qui amènera ainsi une dernière partie de film où les méfaits de Knox se retourneront contre lui-même, une jeune femme ayant été témoin de l'un des meurtres, et pouvant rendre enfin publique ce que beaucoup savaient déjà sans oser en parler : l'hécatombe pratiquée pour fournir le scientifique en "sujets" d'expériences (il refuse que l'on parle de corps). Mais malgré cette pression, Knox ne vacillera pas et continuera à croire en ses méthodes et à dédaigner toutes les accusations. L'une des scènes les plus mémorables le présentera imperturbable face à un amphithéâtre pratiquement vide, alors qu'au pied de l'université où il enseigne, la foule réclame sa peau. On songe alors un peu plus aux classiques de l'horreur façon Universal, surtout que le film présente aussi son lot de discours sur le défi d'un homme souhaitant supplanter Dieu, via la question de l'âme...
Tout se terminera dans la violence, défonçant au passage quelques hypocrisies généralisées (celle du milieu médical, celle de la foule), et malgré un ultime rebondissement assez décevant, "L'impasse aux Violences" apparaîtra bel et bien comme un chef d'oeuvre de noirceur, de richesse thématique et picturale et annoncera les monuments de violence malsaine qui suivront plus de dix ans plus tard. Un grand film, assurément, qui avec quelques collègues hammeriens peut logiquement faire penser qu'en cette fin des années 50 et début des années 60, le Royaume-Uni dominait le genre horrifique dans le cinéma mondial.

 

 

Walter Paisley
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