Massacre au camp d'été
Titre original: Sleepaway Camp
Genre: Slasher
Année: 1983
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Robert Hiltzik
Casting:
Felissa Rose, Jonathan Tiersten, Karen Fields, Christopher Collet, Mike Kellin...
 

C'est sans trop de conviction que je m'étais installé devant ce Sleepaway Camp et surtout histoire de rattraper mon retard vis-à-vis d'un film doté d'une certaine renommée. Datant de 1983, et emplis de préjugés sur un film classé "ersatz" de Vendredi 13 par moi-même avant de le visionner, force est de constater que dès les premières minutes, celui-ci surprend, puis s'avère bien meilleur que le modèle susnommé. Ça débute par un panoramique des plus classiques sur une baie, la musique se fait alors entendre, elle est intrigante à souhait, et l'on se dit que c'est toujours ça de pris. Les travellings se font lents, maîtrisés et les contrastes nocturnes inquiètent. On pense à La Baie sanglante, soit, mais pas plus, car d'entrée j'ai personnellement capté une intelligence maligne derrière la caméra me faisant d'avantage penser à du Bob Clark, tiens donc !
Ça commence ainsi avec un père et ses deux enfants Peter et Angela, faisant tranquillement du bateau avant que celui-ci ne se renverse. Deux jeunes adolescents à bord d'un hors-bord, s'amusent à faire peur à une troisième adolescente faisant du ski nautique. L'inattention et l'imprudence des deux jeunes font qu'ils se ratent et viennent percuter de plein fouet la petite famille à l'eau, tuant sur le coup le père et l'un des deux enfants, Peter. Huit ans passent...

 

 

On retrouve Angela accompagnée par une tante excentrique dans un camp de vacances. L'adaptation de la jeune femme se fait rapidement douloureuse. Repliée sur elle-même et se marginalisant en ne participant à aucune activité, puis bénéficiant de quelques traitements médicaux de faveur, comme celui de prendre sa douche seule, elle devient vite jalousée par les autres adolescents au point d'être évincée puis devenir la tête de turc de la colo. Ça n'empêche pas Paul, l'un d'eux, d'être malgré tout séduit par celle-ci. Petit problème, même les adultes l'embêtent, notamment le cuistot qui tente un rapprochement un peu trop serré. Celui-ci peu après se fait brûler vif, dans un meurtre très énigmatique, mais ce ne sera que le premier d'une série à venir, série qui culminera dans un final absolument stupéfiant...

Stupéfiant car dès la fin, l'une des premières tentations qui se présente est de remettre le film au début afin de vérifier ce à quoi l'on vient d'assister. Peu d'œuvres peuvent se targuer de posséder un twist final d'une telle fulgurance qui en viendrait presque à faire douter. Et quel plaisir également de se faire prendre à revers, ce n'est pas si courant au sein d'un genre qui le plus souvent déroule jusqu'à son dénouement prévisible, l'originalité recherchée étant dans la manière d'éliminer, de trucider ses protagonistes. Mais passons, il ne faudrait pas, à trop en dire, gâcher le plaisir du lecteur passant par là et qui ne l'aurait pas encore vu.

 

 

Et puis, ça ne s'arrête pas là. Le film possède bien d'autres qualités et le réduire à une scène ne serait pas lui rendre hommage. D'abord ce metteur en scène Robert Hiltzik, alors tout jeune, qui au sortir de ses études et à pas de frais, s'attelle à ce film, avec au sein du casting quelques potes à lui. Il reprendra ensuite la recette de son premier film pour malheureusement ne plus faire que la décliner. Je ne sais ce que valent les suites, mais je ne miserai pas dessus. Coup d'éclat néanmoins avec ce premier film malin comme pas un qui sait prendre son temps lorsqu'il faut, installer un climax, le dévier ensuite vers le slasher version "les zozos", voire "Porky's" (encore Bob Clark), mais avec sa petite étude sur le mal-être de l'adolescence ainsi qu'une peinture de groupe face à ces troubles. Angela est mal(e) dans sa peau et finalement chacun tentera soit d'en tirer parti, soit de l'enfoncer, au lieu de l'aider. La vision est assez pessimiste et l'on sent un certain vécu sur l'ingratitude de cette période. On ressent un certain trouble devant cette description mi-potache mi-dramatique, d'une période de doutes où l'on trouvera force et personnalité à détruire quelqu'un, et c'est peut-être finalement à ce prix que l'adolescent se forgera pour devenir adulte. Pire même, l'âge est difficile, s'identifier et s'affirmer sexuellement se fera souvent sur le dos de l'autre (bonjour l'image) et s'accompagnera même parfois d'une certaine ambivalence. Les filles se surchargent en maquillage, les garçons bombent le torse, Angela doute et restera entre deux mondes.
Cet équilibre, même si Massacre au camp d'été n'est pas exempt de quelques faiblesses et chutes de rythme, est bien conservé tout le long. Si certains trouveront tout cela banal et sans intérêt, c'est surtout à cause de la vision d'autres films qui bavassent dans le vide, enchaînant meurtres sur meurtres, le tout interrompu par des dialogues ineptes. Ici, à bien y regarder et à bien écouter, ils ont leur sens, et surtout une raison d'être, et finalement, il faudra savoir faire la démarche de raccorder le tout à la fin pour bien savourer la chose, tout comme il faudra bien faire attention à la scène d'ouverture. Une façon de convoquer la réflexion tout en donnant l'air de rien, du sens...

 

 

Quand les jeunes comédiens y sont en plus étonnamment crédibles, que dire si ce n'est ça renforce l'épaisseur en même temps que lester définitivement le film. Dans la catégorie "doyens", on a aussi plaisir en passant à y retrouver Mike Kellin (Meurtres sous contrôle) dans son dernier rôle, puisque celui-ci décédera avant la sortie du film. Et puis l'on trouvera ici tout le charme d'une époque où la moustache, le short et tee-shirt (trop) moulant, le brushing de rigueur, offrent un décorum aux allures kitch mais crédible, et finissent par ravir ou émouvoir comme une vieille photo de nous même 20 ans avant.
Bref, Sleepaway camp ne me semble pas facile à chroniquer car il convient plus que jamais de ne trop en dire. Sans me perdre en dithyrambes, j'inviterai simplement chacun à aller y faire un tour, il s'agit pour ma part de l'un des meilleurs films du genre. Un beau tour de force en tout cas que de réussir avec un budget aussi minime, un film bien plus subtil qu'il n'y paraît, en même temps qu'un spectacle efficace, plongeant le spectateur dans un entre-deux, puis l'amenant lentement et sournoisement dans de beaux abîmes déviants qui culmineront subitement pour bousculer le subconscient et traumatiser l'inconscient. Coup de maître ? Chance ou pas chance ? On va dire pas chance, et surtout certainement pas mal de réflexion dans le projet avant tournage pour accoucher du monstre androgène hautement recommandable ici présent...

 

 

Mallox
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