Baie sanglante, La
Titre original: Reazione a catena
Genre: Giallo
Année: 1971
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Mario Bava
Casting:
Claudine Auger, Luigi Pistilli, Chris Avram, Claudio Camaso, Laura Betti, Leopoldo Trieste, Isa Miranda, Brigitte Skay...
Aka: Ecologia del delitto / A Bay of Blood / Bloodbath/ Carnage/ Twitch of the Death Nerve
 

La Baie est un fort joli coin de nature où il ferait bon vivre si certains esprits malveillants ne souhaitaient pas en tirer parti. Dans ce cadre idyllique vit notamment la propriétaire de tout le domaine (le lac et ses alentours) : la Comtesse Federica Donati (Isa Miranda). C'est une vieille femme seule, aigrie, et séparée de son mari le Comte Filippo. Elle s'oppose farouchement à la vente de ses biens, où même à son exploitation à des fins commerciales. Une position qui embarrasse fortement l'architecte Frank Ventura (Chris Avram), résolu à transformer le lieu en complexe immobilier et touristique. Ventura, qui possède d'ailleurs une maison dans la Baie, doit aussi composer avec l'hostilité que lui portent ses voisins : les Fossati, couple excentrique dont le mari, Paolo (Leopoldo Trieste), est un entomologiste au comportement bizarre ; et la femme, Anna (Laura Betti), une voyante passablement allumée.
Afin de décrocher le contrat qui le rendrait très riche, Ventura, avec l'aide de sa secrétaire et maîtresse, Laura, tente de convaincre Filippo Donati d'éliminer son ex-femme, en faisant passer la mort de la Comtesse pour un suicide. De même, il passe un accord écrit avec Simon, un pêcheur vivant au bord du lac, et qui se trouve être le fils illégitime de Federica.
Malheureusement pour lui, l'architecte n'avait pas prévu que la fille que Filippo avait eu d'un autre mariage, Renata (Claudine Auger), viendrait se mettre en travers de son chemin. Décidée elle aussi à récupérer l'héritage, elle se rend sur place avec son mari, Albert (Luigi Pistilli). La convoitise de chacun pour la Baie va provoquer un véritable carnage.



Mario Bava est âgé de cinquante sept ans lorsqu'il met en scène "La Baie sanglante". Il a réalisé ses oeuvres les plus marquantes lors de la précédente décennie, parmi lesquelles "La fille qui en savait trop" et "Six femmes pour l'assassin". Tout juste avant cette "Baie sanglante", le cinéaste vient de tourner coup sur coup deux autres gialli de moins bonne facture : "L'île de l'épouvante" et "Une hache pour la lune de miel". Si l'on a souvent comparé le premier nommé avec "La Baie sanglante", et dit parfois que Mario Bava, déçu de cette "Ile de l'épouvante", avait voulu exploiter à nouveau l'idée centrale du film, mais de bien meilleure façon ; il apparaît néanmoins que "La Baie sanglante" ne présente guère de ressemblances avec son prédécesseur. De plus, si l'on peut qualifier cette oeuvre d'ancêtre du slasher, celle-ci s'en démarque toutefois. En effet, la définition du slasher est la suivante : un film (d'horreur) mettant en scène les meurtres d'un tueur psychopathe éliminant un par un les protagonistes de l'histoire.
Or qu'avons-nous dans "La Baie sanglante" ? Treize meurtres, certes, mais perpétrés par six assassins différents, sans tenir compte des complicités pour une bonne partie de ces crimes. Oui, Mario Bava se démarque d'un genre à venir et qui connaîtra son heure de gloire avec "Halloween" et "Vendredi 13". Mais finalement, ces deux films qui allaient entraîner bon nombre de suites (et de copies) présentent plus de similitudes avec un "Torso" ou un "Black Christmas" qu'avec le giallo de Bava. Car "La Baie sanglante" reste avant tout un thriller (comme "Torso", cela dit), dans lequel le metteur en scène se livre avec un profond cynisme et une bonne part d'ironie (concrétisée notamment par la partition musicale de Stelvio Cipriani) à un véritable jeu de massacres, dans lequel il n'épargnera aucun de ses personnages, ou presque (treize morts pour quinze protagonistes). D'une certaine manière, Mario Bava revisite le thème de l'arroseur arrosé, et la morale de l'histoire pourrait se résumer à ceci : "Tuera bien qui tuera le dernier."



L'ironie est donc présente à travers l'excellente B.O. de Cipriani, contrastant par sa gaieté ou parfois sa tranquillité avec la laideur et la brutalité des meurtres. Présente aussi par la beauté du cadre, s'opposant à la bassesse des individus s'intégrant dans ce décor de rêve. Enfin, l'ironie de Bava se traduit aussi par sa façon de filmer les meurtres, passant d'un plan large à un gros plan devenant flou lorsque la mort frappe, et cette méthode peu orthodoxe consistant à ne pas magnifier le crime (au contraire de bien d'autres réalisateurs) est une manière de signifier au spectateur que non seulement il ne cautionne pas les actes de ses personnages, mais aussi qu'il les méprise.
Cela n'empêche pas les meurtres en question d'être pour la plupart spectaculaires, et à ce propos le travail de Carlo Rambaldi explique l'efficacité des mises à mort. Qu'il s'agisse d'une machette à lame recourbée, d'une lance ou d'une simple paire de ciseaux, ce peintre et sculpteur italien qui se spécialisa dans la confection d'effets spéciaux pour le cinéma ("Le venin de la peur", "Les frissons de l'angoisse") n'a pas son pareil pour faire gicler le sang, mutiler ou démembrer les différents personnages.



En fait, la véritable vedette du film est la Baie elle-même, étendue sauvage, resplendissante lorsqu'elle est déserte, inquiétante lorsqu'elle est menacée par l'homme. Des être humains qui, paradoxalement, apparaissent presque déshumanisés, réduits à l'état de victimes potentielles (témoins gênants, obstacles à l'implantation du complexe ou à l'héritage…), voire à des animaux (parallèle entre le couple transpercé par une lance en plein coït, et qui continue de bouger, tout comme l'insecte épinglé vivant par l'entomologiste), ou même à des objets (la décapitation de Laura Betti s'enchaînant avec le visage brisé d'une poupée). Quand ils ne s'entretuent pas, les protagonistes de l'histoire passent des alliances, se trahissent et manipulent leurs conjoints. Si le couple formé par les Fossati ne fait que se détester courtoisement, il en va différemment pour les deux autres couples. Frank Ventura se sert de sa secrétaire pour parvenir à ses fins, tout comme Renata manipule Albert qu'elle pousse au meurtre afin de toucher l'héritage. Pour ce charmant tableau de famille, Mario Bava a réuni beaucoup de noms prestigieux, parmi lesquels Claudine Auger ("La tarentule au ventre noir"), Luigi Pistilli ("Your Vice is a Closed Room and Only I Have the Key"), Chris Avram ("La peur au ventre"), Brigitte Skay ("Isabelle duchesse du diable"), Laura Betti ("Une hache pour la lune de miel"), ainsi que Claudio Camaso ("Contronatura"), qui s'appelait en réalité Volonte, et était le frère de Gian Maria. Claudio eut un triste destin puisqu'il se suicida en 1977 en prison, après avoir été condamné pour le meurtre d'un homme.



A noter également la présence de deux grands noms du cinéma italien : Leopoldo Trieste, et Isa Miranda qui participa d'ailleurs à l'écriture des dialogues. Quant aux bisseux, ils reconnaîtront peut-être Paola Montenero, qui joua dans les deux nunsploitations de Bruno Mattei ("L'autre enfer" et "Les novices libertines"), ainsi que la petite Nicoletta Elmi, kidnappée et tuée dans "Who Saw Her Die ?", et possédée dans "Emilie, l'enfant des ténèbres". Bref que du beau monde, tour à tour instigateur et victime de meurtres à la chaîne quatre vingt minutes durant. A l'époque de sa sortie en France, en 1973, le très estimable Jacques Zimmer avait déploré dans "La Saison Cinéma" un manque d'humour de la part de Mario Bava. Bien au contraire, on peut dire que le réalisateur s'est rarement montré aussi cynique et ironique dans "La Baie sanglante", où l'humour noir "transpire" en permanence du début à la fin. Oui, aujourd'hui encore, la Baie doit encore bien rire du tour qu'elle a joué aux hommes.



Note : 8/10

Flint

 

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