Piranhas
Titre original: Piranha
Genre: Horreur , Agressions animales
Année: 1978
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Joe Dante
Casting:
Bradford Dillman, Heather Menzies, Kevin McCarthy, Keenan Wynn...
 

Deux jeunes campeurs disparaissent mystérieusement dans une région forestière... Une enquêteuse est envoyée sur place pour les retrouver. Avec l'aide d'un homme du coin, elle établira que les deux jeunes ont été dévorés par des piranhas mutants. Problème : pour découvrir ceci, il a fallu vider le bassin des piranhas, expédiant ces derniers dans le fleuve, direction la mer, via un centre de loisirs peuplé de marmaille nageuse...

 

 

Sorti trois ans après Les Dents de la Mer, Piranhas (qui prend un "s" en VF et n'en prend pas en VO) est bien un rejeton de la New World Pictures de Roger Corman. Déjà, l'homme à qui le film est attribué, Joe Dante, est un jeune réalisateur, ancien responsable des bandes-annonces de la firme. C'est son premier long métrage en solo, après les expériences un peu particulières de "The Movie Orgie" en 1968 (des plans de films différents, montés bout à bout, tout en étant interchangeables... ça durait sept heures) et "Hollywood Boulevard", co-réalisé en 1976 avec Allan Arkush.
Et le scénario est une repompe grossière des Dents de la Mer. Mais la première version du scénario était à la base tellement mauvaise que Dante confessa plus tard lui-même qu'il venait d'hériter d'un cadeau empoisonné. Personne ne voulait se charger de ce script puant. Pourtant, Dante, pas démonté, s'adjoindra les services de John Sayles, qui aura pour tâche d'améliorer l'immondice... Ce sera au final son premier scénario. Une parfaite équipe de débutants, donc.

 

 

On pouvait craindre le pire. Et pourtant, on a tout simplement là le meilleur plagiat des Dents de la Mer. Spielberg d'ailleurs ne s'y est pas trompé, poussant ses avocats à laisser tomber le procès en justice pour plagiat, et prenant au passage en note le nom de Dante, dont il deviendra l'ami et à qui il confiera, six ans plus tard, la réalisation de Gremlins.
Piranhas utilise tout d'abord les recettes classiques des productions Corman : un soupçon d'érotisme avec des bikinis très serrés, allié à de la violence (mais pas trop non plus) avec les attaques des piranhas, qui laissent une bonne place à des plaies bien senties (au passage, notons le début de la collaboration de Dante avec le maquilleur Rob Bottin, collaboration qui culminera deux ans plus tard avec les loups-garous de "Hurlements").
De plus, les attaques des piranhas, sensiblement réalisées de la même façon que celles du requin du film de Spielberg, à l'aide d'une caméra subjective dans l'eau censée reproduire la vision de la poiscaille carnivore, se révèlent particulièrement efficaces. En effet, une telle réalisation implique que le spectateur est conscient de l'imminence de l'attaque, tandis que le baigneur, lui, ne partage pas cette connaissance. Les attaques sont donc inéluctables, et le suspense est pleinement exploité...

 

 

Le scénario, quant à lui, avouons-le, demeure bien classique, malgré ses corrections. Cela dit, le fait que les piranhas soient des piranhas mutants découlant d'expériences effectuées par l'armée contribue à rattacher le film à une tradition de films de monstres des 50's... Ainsi, Dante commence lentement mais sûrement à mettre en place une des thématiques centrales de sa carrière.
Du reste, on repère déjà des clins d'oeil directs à d'autres oeuvres : Les Dents de la mer bien entendu, présent sous la forme d'un jeu vidéo auquel joue l'héroïne au début du film, et, moins évident, "l'Invasion of the Body Snatchers", de Don Siegel. Cela à travers le personnage du Dr. Robert Hoak, incarné par le grand Kevin McCarthy, gardien de la base militaire désaffectée où étaient gardés les piranhas (en compagnie de quelques autres spécimens mutants, dont on ne nous dit rien, mais qui donnent à l'endroit une touche très "Zone 52"... ceux qui ont vu "Looney Tunes Back in Action" comprendront).


Pendant une bonne partie du film, il tentera de convaincre le couple de héros du danger qu'ils ont provoqué. Comme il tentait dans Body Snatchers de convaincre ses contemporains que les extraterrestres étaient sur Terre... Même regard halluciné, même comportement paniqué. Bref, c'est encore le Dr. Miles Bennell (son nom dans le film de Siegel) que McCarthy incarne. Et il n'est pas le seul grand nom du fantastique à apparaître dans le film. Barbara Steele, l'égérie du cinéma gothique des 60's (Bava et Corman l'ont employée), vient également interpréter un personnage ambigu, aussi ambigu que dans les films qui l'ont rendu célèbre.

 

 

Dick Miller est également de la partie, dans le rôle du gérant de la base de loisirs. Sa prestation, pourtant réduite, est ici une de ses meilleures, une de ses plus comiques, via son caractère de bon vivant je m'en foutiste et hypocrite. Car la comédie joue un grand rôle dans le film. Une comédie noire, n'hésitant pas à ironiser sur les morts. L'héroïne du film, une gaffeuse, est ainsi un des premiers éléments de rire.
De même que l'armée, et la façon dont elle nous est présentée : ridicule et faux-cul. Car chez Corman, on est de gauche, et on ne manque jamais une occasion de taper sur les autorités. De plus, on se permet d'aller au-delà de ce que Spielberg avait fait, notamment au niveau de la cruauté. Ici, un gamin voit son père se faire bouffer sous ses yeux. Mieux, les gamins se font eux-même bouffer vers la fin, sans qu'une mère éplorée ne vienne foutre une baffe aux responsables...

Certes, la tension finale du film de Spielberg n'est pas présente (encore que...), mais on a en revanche droit à des attaques plus crues, et à un côté plus mordant, plus agressif. Le tout en sentant déjà émerger les thématiques de Dante. Bref, Piranhas est un grand succès... Partant d'un script inepte, Dante et Sayles ont effectivement réussi à livrer un film très proche des Dents de la mer, voire, soyons fous, son équivalent. Les deux mêmes referont le coup en 1980, en livrant un "Hurlements" qui se place parmi les meilleurs films de loups-garous jamais réalisés (le meilleur, même, diront certains).

Note : 7/10

 

Walter Paisley

 

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