Drôle de film que celui-ci, avec du bon et du moins bon, et il m'est difficile d'avoir un jugement arrêté au moment où j'écris ces lignes. Toujours est-il que pour l'histoire, on peut la résumer ainsi : Une étudiante est assassinée dans un parc, un homme est rapidement suspecté puis jugé. Il s'agit d'un notable qui du reste ne nie pas vraiment. Cependant, après des investigations scientifiques plus poussées et surtout un second meurtre, le voici disculpé puis libéré. C'est là que le film commence si je puis dire, puisque l'ami de la victime qui aura du reste apporté son témoignage se fera alors plus présent...
À charge : un intérêt très inégal, en dents de scie, si bien qu'à l'heure de film l'on peut commencer à trouver le temps sérieusement long. Secundo, et là cela dépend sans doute de ce que l'on peut attendre d'un giallo, mais l'amateur de classicisme en sera pour ses frais, puisque Duccio Tessari refuse ici ouvertement de remplir le cahier des charges propre au genre : les meurtres y sont à la fois rares et représentés de manière elliptique, ce que vous admettrez j'en suis presque certain, n'est pas pour attirer l'amateur là où les mises à mort se doivent d'être en temps normal des morceaux de bravoure, cela reste presque écrit dans les codes d'un genre qui en a vu passer du plus ou moins tranchant. Du coup Una Farfalla con le ali insanguinate pourra sembler à la fois peu généreux, terne.
Dans les deux principaux meurtres illustrés à l'écran, l'on verra pour le premier un couteau (!) et une dame débouler un bout de forêt en pente, puis un second couteau qui s'apprête à, mais hop, scène suivante...
Du coup, forcément, au niveau violence graphique, chacun en sera pour ses frais et il sera même quelque peu légitime de bouder la chose selon ce qu'on est venu chercher. Un peu dommage serais-je tenté de dire, car les qualités sont ailleurs. L'une des grandes qualités de ce giallo hors du commun (même si en ne le rangeant pas dans le genre, le film demeure bien plus classique), c'est d'avoir du recul sur le matériau utilisé, et de tenter de l'amener vers autre chose, ce qui n'est pas si fréquent au sein d'un genre aux accents souvent trop classiques, trop proches d'un cahier des charges à respecter. Après une mise en bouche alléchante aidée par une excellente partition de Gianni Ferrio qui aidera également pas mal ensuite, le film se fige d'abord dans une scène de crime étonnamment filmée, car quasi-documentaire et donc d'autant plus intrigante selon moi et même parfois troublante puis passionnante. Dans le même style, le film se poursuit donc et l'on assiste au procès du notable (Giancarlo Sbragia, étonnant de sobriété), disséqué comme pas un avec une précision encore toute documentaire, puis en contrepartie des recherches scientifiques précises et documentées du meilleur aloi qui feraient presque penser à CSI avec 30 ans d'avance.
Tessari filme tout ceci de manière maîtrisée, et c'est dans ce choix là qu'il réussit la meilleure partie de son film, démontant un à un les mécanismes d'une enquête tout en distillant par petites touches les motivations de ses personnages et notamment celles du petit ami de la victime (Helmut Berger) qu'il réussit à laisser dans un flou très ambigu tout du long.
Les champs / contre-champs, les cadrages au travers les barreaux du tribunal, puis les regards infimes mais riches en mystères, avec de discrètes mais savantes exploitations de la profondeur de la salle d'assise font de cette partie du film une belle réussite.
Malheureusement il en fait en même temps sa limite et même si ce choix, à n'en pas douter, est volontaire, il s'avère aussi qu'en asseyant son film trop longtemps, Tessari le rend dans un même temps un peu sec, et bien trop long puisque ce n'est à l'heure du métrage que le film prendra une autre direction, plus physique avec un second meurtre. Ouf, car si l'on commençait à s'impatienter depuis quelques bonnes minutes déjà, l'on commençait aussi à s'ennuyer pas mal, la lisière entre la minutie documentariste et le téléfilm platement filmé se faisant de plus en plus mince...
Alors survient ce meurtre, à nouveau dans un parc, sans doute du même tueur (?), dont on ne nous montrera que les prémices avant de finalement le contourner. En somme, on ne le verra pas vraiment. On est alors déçu puisque ça semblait repartir, puis contenté à nouveau en même temps que pris à revers puisque le film prend alors une direction à nouveau inattendue, avec à nouveau un choix étonnant, celui de rentrer dans la psyché du personnage principal, campé fébrilement par Helmut berger - et avec pas mal de tics un brin gênants - offrant alors une étude de caractère intéressante et presque prenante. Je dis presque car ça ne convainc pas tout à fait. Si l'on est amusé par le tour de passe-passe de l'histoire, malheureusement ledit Helmut semble un peu trop pâlot pour supporter le poids de son personnage habité. Sa composition névrotique semble parfois malhabile et surjouée, tout comme ces flashs à tout va dans le temps imposés par le réalisateur se font pénibles. C'est bon maintenant, on a compris, inutile de venir rajouter des éléments qui, en plus d'être des pièces fadasses et cucul la praline du puzzle giallesque ici mis en scène, viennent accentuer lourdement la névrose récente du personnage coincé dans un labyrinthe mental dont je ne dévoilerai pas l'issue sinon que le final est un moment dérisoire, pathétique et, en cela, assez étonnant.
L'ensemble laisse entre deux avec un sentiment de déséquilibre structurel. Peut-être encore que les femmes y jouent mieux que les hommes. Si Helmut Berger surjoue, on regrette la disparition trop brutale de la charmante Carole André, et l'on apprécie l'agréable présence d'Evelyn Stewart alors, qu'a contrario de l'aspect " fouille archéologique" de la bobine, son rôle semble ingrat et trop souvent délaissé.
Dommage, de toute évidence ce Papillon aux ailes ensanglantées est un giallo très intéressant, recelant des qualités, avec une volonté de s'approcher du document d'investigation, mais dont trop souvent l'intérêt retombe. Le spectateur navigue au final sans cesse entre le prenant et l'ennui. On n'en tiendra pas pour autant rigueur pas à Duccio Tessari que l'on sait talentueux (Les Titans, L'homme sans mémoire) car la bobine mérite sa chance, ne serait-ce de par l'originalité de son traitement.
Mallox