Shooting, The
Genre: Western , Drame
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Monte Hellman
Casting:
Warren Oates, Millie Perkins, Will Hutchins, Jack Nicholson...
 

Consommateurs, consommatrices en quête de rationnel, passez votre chemin ! Loin de moi l'idée de vous exclure, mais ce film schizophrène pourra paraître extrêmement rédhibitoire tant il exclut d'entrée et sans jamais démentir ensuite tout les codes inhérents au western, pour nous offrir un trip existentiel que l'on peut inclure dans une démarche proche de la "beat Generation". Même pas un Western, même pas un road movie initiatique, il est peu dire que "The Shooting" peut rebuter, au regard de son côté "Anti" narratif qui pourtant demeure au final, l'une de ses énormes qualités, l'amenant alors à la lisère de l'expérimental et surtout, dans sa façon de ne pas filmer ce que le film s'est pourtant donner à montrer initialement, contribue à faite de cette oeuvre, un film d'une grande modernité à ce jour.

 

 

Même si vous vous ennuyez à un film de Monte Hellman, il restera toujours dans votre esprit davantage de traces que le pur produit de distraction lambda, même bien fait.
Difficile de Pitcher cette oeuvre, tant Monte Hellman refuse de donner les motivations de ses personnages ; on ne sait quasiment rien de ce qui les meut, et ceux-ci semblent suivre un destin qui les dépasse dans une quête de sens qu'ils ne trouveront même pas.
Grosso modo, nous avons deux personnages, Willett Gashade (Warren Oates) et son associé Coley (Will Hutchins), qui acceptent d'escorter une jeune femme (Millie Perkins) jusqu’à la ville de Kingsley, ce dans une lente traversée du désert ; au fur et à mesure de leur avancée dans un décor de plus en plus dénudé, à l'instar de sa mise scène épurée à l'extrême où tout n'est que phrases courtes, regards et gestes, les deux hommes comprennent petit à petit que la jeune femme poursuit quelqu'un...
C'est alors qu'ils se font rejoindre et harceler par un certain Billy Spear (Jack Nicholson), tueur à gage minéral et inquiétant dont le but reste lui aussi obscur, voir carrément opaque, abstrait.
Je n'irai pas plus loin dans le résumé, puisque tout me semble dit à ce niveau hormis une chose, sans le dévoiler, le final laisse penser que le poursuivant peut s'avérer être le poursuivi et vice-versa, d'où la dimension schizophrénique du film évoquée au début...

 

 

Alors bon, que reste t-il alors ? Je répondrai "Tout et rien" tant l'épure est poussée dans ses retranchements.
"The Shooting" est un film à la fois fascinant, hypnotique, remarquablement mis en scène, mais tellement difficile à cerner aussi, et encore plus à retranscrire, que les sens que l'on peut lui prêter sont peut-être à chercher ailleurs que dans le film même.
Hellman a toujours affirmé qu'il essayait de conjuguer le "théâtre d'art et d'essai" et le classicisme d'un Howard Hawks, et sachant ceci, je dirai que c'est bien de cela qu'il s'agit ; nous sommes amenés dans le cadre d'un Western à priori classique pour partir dans une randonnée naturaliste, avant de pénétrer enfin, dans une sorte de Thriller psychanalytique où le cadre désertique sert de Huis-Clos. On a souvent taxé ce film de "premier Western Bressonien", mais il y a trop longtemps que je n'ai pas vu un film de Bresson pour rentrer en profondeur dans la comparaison, mais je dirai de mémoire, qu'il y a de ça, et même plus.
Quoiqu'il en soit, le talent de photographe de Hellman éclate dans de sublimes cadrages, transformant son décor en un ailleurs hors temps, réduisant ses personnages à des "figures", puis des "silhouettes", et enfin, des "ossatures", tant ils sont en osmose avec des paysages de plus en plus minéraux, âpres, dénudés de végétation, de vie ; qui est qui ? qui veut quoi ? Hellman ne le dira jamais...
Il ne le dira jamais tout simplement je pense, parce que Hellman ne le sait pas non plus, et ce à quoi il nous invite, c'est de venir s'interroger avec lui sur ces gens qu'il ne parvient pas lui-même à décrypter ; normal puisque les protagonistes du film semblent chercher également, ce pourquoi ils sont là et pas ailleurs, où tout cela les amène, préférant par pudeur, et un peu comme dans la vie de chaque jour, rester dans leurs doutes plutôt qu'oser demander.

 

 

Du coup chacun restera à distance de l'autre ; en retrait de l'action tout comme le spectateur, variant son point de vue de par de simples détails infimes ; gestes, regards, expressions, pauses resteront la seule chance de se raccrocher aux motivations que chacun prêtera à l'autre ; nous aussi, Hellman aussi.
La première partie du film, dans sa volonté d'aborder le genre avec un naturalisme absolu, est un remarquable documentaire sur l'Ouest, loin de tout ce qu'on pu voir jusque là. Tout ceci semble très documenté, rien n'est et ne sera gratuit ; même si sa démarche "Anti standard" poussée à l'extrême fait qu'on se dise à l'issue de la vision du film, que cela aurait pu tout autant se passer dans une rue, dans un bureau, sur Mars, ou même dans un salon pour en revenir au côté Huis-Clos du film ; c'est là tout son paradoxe, car en cherchant, Monte Hellman se trompe, doute, reviens en arrière, bifurque sans cesse dans une valse-hésitation bêtement humaine, pour tourner en rond.
Le personnage joué par jack Nicholson fera toute la seconde partie du film ; personnage le plus typé, mais le plus monolithique aussi ; il semble intouchable à l'origine, comme une icône du mal, et néanmoins lui aussi deviendra victime par la suite ; sa seule présence à l'écran devient alors qu'amplification des sentiments et autres doutes internes d'êtres humains présentés nus.
Autre idée magnifique, "les Chevaux"... ceux-ci sont les seuls moteurs à l'action de cette oeuvre ardue, comme ils sont les seuls moteurs à la mutation des personnages autant physiquement que psychiquement ; les chevaux les aident à se mouvoir, et c'est par eux qu'ils sont esquissés ; abattre ou non un cheval blessé, renseignera davantage sur la personne qu'une discussion.

 

 

Au final, on aura exploré notre propre psyché, et après s'être frotté au vide, on repartira avec nos doutes initiaux, ayant tourné en rond, mais en s'enrichissant l'âme en passant; le chasseur sera chassé puis à nouveau chasseur, le bourreau sera victime pour redevenir bourreau, et le spectateur sera un temps acteur pour revenir... Témoin !

 

Note : 8/10

 

Mallox
 
A propos du film :
 
# Petit coup de gueule en passant ; ayant vu "Gerry" de Gus Van Sant il y a un an de ça, j'invite chacun à comparer les deux films et venir me dire ce qu'il pense du "pompage" absolu (ou hommage lourdingue), du "post arrière-gardiste" Gus Van Sant par rapport à ce Monte Hellman, qui reprend tout de ce film, 30 ans après, mais avec prétention qui plus est. Alors qu'il s'agit là d'un travail de recherche généreux et sincère sur la forme et le fond, d'un être semble t-il incapable de tenir un postulat de base et que l'on rangera dans les vrais "Mavericks" autistes, tant ça semble plus fort que lui de ne pas bifurquer toujours ailleurs, je dirai même plus, pour Monte Hellman c'est une nécessité tandis que pour le Gus c'est de la "branlette" froidement intellectuelle, voir même intellectualisée ; je suis sans doute un peu dur, mais bon.

# Petit récapitulatif sur Monte Hellman surtout connu pour "Macadam à deux voies", autre oeuvre insolite du bonhomme qui serai presque le versant course de voitures de ce film ci... Monte Hellman, enterré de son vivant et condamné aux rétrospectives, n'avait plus tourné depuis 1989 (Silent Night, Deadly Night 3: Better Watch Out !, petit film d'horreur fauché destiné à l'exploitation vidéo), avant de pondre à nouveau trois films en 2006 ("Desperadoes","Stanley's girlfriend" et "Trapped Ashes"), ce après un parcours complètement chaotique aussi bien au sein des studios que dans une plus large indépendance.
A la base, Hellman est un passionné de photographie qui à la fin des années 50 s'est tourné vers le théâtre, propriétaire alors d'un théâtre à Los Angeles pour y monter et montrer ses pièces sous influence "Actor's Studio", y produisant alors principalement, du Tchekhov, Anouilh, Beckett, bref, pas du vaudeville ; ensuite c'est Roger Corman qui l'embauche et Hellman fera ses premiers pas dans le cinéma en tournant alors "Beast from Haunted Cave" en 1959, petit film d'horreur parodique.
Après une pourtant longue collaboration avec Corman, les deux homme se fâchent alors ; Corman, selon Monte hellman, aurait trafiqué, remonté et trahi son film "Cockfighter" ; la scission est faite alors, mais en passant Hellman se sera lié d'amitié avec Nicholson, lequel s'investira alors assez souvent avec son ami et ils tourneront ensemble "Flight to Fury" d'abord (un film d'aventures se déroulant en extrême orient), puis deux "Westerns" gigognes, dont celui qui nous intéresse ici, "The shooting" donc, puis "L'ouragan de la vengeance".
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