Enfer sur la plage, L'
Genre: Drame , Espionnage
Année: 1965
Pays d'origine: France
Réalisateur: José Benazeraf
Casting:
Jacques Planchon, Marina Nicolaïdes, Georges Claess, Monique Thiriet, Bob Lerique, Edmée Morand, José Benazeraf...
Aka: Hell on the beach
 

Alex est un aventurier notoire vivant sur son yacht ancré dans une crique, vers la côte antiboise. Il est accompagné d'Hélène, sa femme, et Jean, son second (et accessoirement l'amant de sa femme). En dehors du trio, un équipage constitué d'une demi-douzaine d'hommes vit également sur le bateau. Le passé d'Alex est particulièrement chargé. Ex-agent des services secrets britanniques, le MI5, sa dernière mission consistait à livrer des armes à un pays du Proche Orient. Une mission piège dans la mesure où les armes en question étaient inutilisables, ce que savait bien évidemment le MI5, mais qu'ignorait Alex. Depuis, l'espion est non seulement traqué par le pays arabe floué, mais aussi par ses anciens partenaires désireux de faire taire un témoin gênant. Dans ce but, le clan arabe a délégué Ortrud afin d'éliminer Alex. Quant au MI5, il a chargé Heidi de la même mission. Point commun des deux femmes : la blondeur de leurs cheveux et un physique de rêve. Mais si la première a décidé d'employer la force, la seconde a été entraînée en vue d'utiliser la manipulation par le biais de la séduction.

 

 

My name is J.B. James Bond ? Non, José Benazeraf. Après le polar tendance Nouvelle Vague, le réalisateur poursuit son exploration dans le cinéma populaire avec l'espionnage. Nous sommes en 1965, les films de James Bond connaissent un succès immense, si bien que des pays comme l'Italie n'hésitent pas à exploiter le filon, créant à leur tour une ribambelle de héros agents secrets. Mais Benazeraf n'étant décidément pas un personnage ordinaire, il s'obstine à démystifier un genre, à vouloir se moquer des succès à la mode en traitant le sujet à contre-courant. L'enfer sur la plage va au-delà du démarquage de film d'espionnage, et l'on ne peut pas non plus parler de parodie. En effet, si Benazeraf possède un sens aigu de la dérision, du cynisme et de la moquerie en général, l'humour ne fait pas cependant partie de son répertoire. L'enfer sur la plage n'est pas un film d'espionnage aux accents mélodramatiques, mais bel et bien un mélodrame sous fond d'espionnage. Une étude de moeurs baignant encore dans la tendance Nouvelle Vague "sauce Benazeraf", faite de dialogues grandiloquents entrecoupés de longues plages de silence. Afin de clarifier d'entrée le spectateur quant au sujet développé dans son œuvre, le réalisateur ouvre L'enfer sur la plage par un texte explicatif, sorte de topo sur l'existence des services secrets, leur finalité, leurs modes opératoires, l'utilisation d'individus au passé discutable. Le réalisateur démonte sans retenue les méthodes employées par ces services (à la solde d'un gouvernement, cible de prédilection du cinéaste), parlant d'actes que la morale réprouve mais que l'Etat justifie, et concluant sur la tendance à éliminer les agents devenus "embarrassants".

 

 

Le texte se poursuit avec un résumé du scénario, en quelque sorte, ce qui pourrait surprendre de prime abord, mais que l'on comprend lorsque l'on est plongé au coeur du film. Car, sans les explications préliminaires, on aurait de grandes chances d'être désorienté, voire complètement largué. En effet, le premier quart d'heure, plutôt réussi d'ailleurs, enchaîne toute une série d'événements de façon décousue mais relativement plaisante. Le teaser ouvre sur l'arrivée d'Heidi en caravelle, écoutant une chanson de Sylvie Vartan tout en dégustant une glace. Après être descendue, elle s'enfonce dans les bois. On embraye sur les bureaux du MI5, avec le boss (José Benazeraf en fauteuil roulant) donnant des consignes au milieu d'ordinateurs géants et d'une secrétaire qui se fait les ongles. Retour à Antibes, où des types observent à la jumelle un yacht ancré au large, avant de lui balancer des roquettes à coups de bazooka, alors que plus loin Heidi observe la scène. Après avoir raté leur cible, les hommes sont eux-mêmes victimes d'une explosion. Sur ce, on fait connaissance avec le triumvirat Alex/Hélène/Jean : le mari, la femme et l'amant, ce qui nous vaut quelques dialogues croustillants :
Alex (dînant aux chandelles avec sa femme) : "Je vais racheter un chien !"
Hélène : "Je pense que tu es merveilleux !"
Deux minutes plus tard, des hommes-grenouilles abordent le yacht. Il s'ensuit une lutte sans merci avec l'équipage qui prend finalement le dessus, tandis que le trio observe le combat, en retrait.
Le lendemain, Hélène va retrouver Jean dans une crique :
Elle : "Tu es jeune, tu es beau mon amour !"
Puis elle s'en va. Seul, Jean voit arriver Heidi, qui se présente comme étant Galatée, néréide habitant dans les grottes sous-marines (dans la mythologie grecque, les néréides étaient effectivement des nymphes habitant dans la mer, et Galatée l'une de ces nymphes, fille de Neptune et Nérée).
Voilà pour donner quelque peu le ton d'un film pour le moins surprenant, qui dans sa deuxième partie, vire au psychodrame, et où le trio se transforme en quatuor avec la venue d'Heidi sur le yacht, élément chargé de semer le trouble et la zizanie dans le groupe. Heidi/Galatée, pour rester dans la mythologie grecque, c'est en quelque sorte le Cheval de Troie envoyé par le MI5 en tant qu'arme secrète.

 

 

Et puis il y a Ortrud, dont le Quartier Général abrite une sorte d'organisation matriarcale où les femmes sont donc les éléments de base, et les hommes de simples exécutants. Une fois encore, José Benazeraf donne le beau rôle à ses actrices, énigmatiques, manipulatrices, femmes fatales au charme irrésistible.
L'enfer sur la plage est un film déroutant, à la fois séduisant et agaçant, dans lequel le metteur en scène perpétue sa marque de fabrique, ses effets de style (combats filmés sans bande sonore, par exemple). Pour la musique, il reprend des artistes qui lui sont chers : Louiguy et Chet Baker. Et cerise sur le gâteau, une chanson de Sylvie Vartan intitulée "C'était trop beau" !
Tourné en deux semaines environ, et distribué par le Comptoir Français du Film, L'enfer sur la plage, comme la plupart des films de son auteur, a laissé peu de monde indifférent. En général, on aime ou on déteste. Dans ce dernier cas, notons par exemple cette phrase lapidaire d'un journaliste réputé dans le milieu :
Des personnages mystérieux vont et viennent sur une plage, échangent des propos incompréhensibles et s'entretuent à la dernière bobine. (Jacques Zimmer, Saison Cinématographique 1966)

 

 

Un résumé assez juste, il est vrai. Pourtant, José Benazeraf distille toujours quelques trouvailles dans ses œuvres. Malheureusement, il a tendance à les noyer dans des dialogues creux qui, même s'ils ont une justification (le mal aimer de l'individu, et le mal être en général, la confusion des sentiments, le doute existentiel…), plombent sérieusement l'ambiance particulière qui se dégage de ses films. A trop vouloir tourner la médiocrité en dérision, le cinéaste est parfois tombé dans son propre piège.

 

Note : 6,5/10

 

Flint

 

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