Dr. Caligari
Genre: Comédie , Fantastique , Expérimental
Année: 1989
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Stephen Sayadian
Casting:
Madeleine Reynal, Laura Albert, Fox Harris, Gene Zerna, David Parry, Jennifer Balgobin…
 

Les Van Houten est excédé. Etant impuissant, il n'arrive plus à assumer la libido incontrôlable de son épouse paranoïaque et la remet donc aux bons soins du Docteur Caligari, psychiatre aussi renommée que dangereusement sinoque qui mène des expériences douteuses sur ses patients à renfort de décharges électriques et de mélanges d'extraits d'hypothalamus. Alors que le personnel commence à se rebeller contre ses méthodes, l'ingénu Les s'en va voir par lui-même ce qui se trame derrière les murs du CIA (Caligari's Insane Asylum). Il ne sera pas déçu du séjour !

 

 

Que celui qui s'attend à un remake 80's du Cabinet du Docteur Caligari prenne garde, il risque de tomber de sa chaise. S'annonçant comme une improbable suite, Dr. Caligari reprend bien à son compte certains éléments du chef d'oeuvre de Robert Wiene, en particulier le patronyme du personnage principal, petite fille du célèbre docteur et médecin aux pratiques peu orthodoxes, l'asile d'aliénés dans lequel elle exerce, un patient nommé Cesare, des décors biscornus à l'excès et surtout un bon paquet de folie. Mais ce qui en ressort est une pièce tout à fait unique et inclassable : la quintessence de l'univers très personnel de Stephen Sayadian, bricolée en trois semaines dans un hangar californien.

Son nom, ou plutôt son pseudonyme Rinse Dream, reste avant tout rattaché au fameux Café Flesh qui avait bouleversé en 1982 les codes de la pornographie et, par la même occasion, élevé le genre à des prétentions artistiques auxquelles il est globalement peu familier. Si ce fut un coup d'essai derrière la caméra très remarqué et, fait relativement rare, plus adulé des amateurs de cinéma étrange que des accros du X, il avait déjà affirmé sa patte inimitable en tant que scénariste l'année précédente sur Nightdreams. Ce qui est particulièrement notable, c'est que, de sa décennie de carrière, Dr. Caligari est le seul film qui ne soit réservé à un public adulte (bien que destiné à une audience avertie). Libéré des "figures imposées" du genre, Sayadian y donne libre cours à sa créativité et à son esthétique invraisemblable, sans pour autant délaisser ses obsessions pour la sexualité, notamment le contraste impuissance/libido débridée et les fantasmes délirants. On se retrouve donc en présence d'une oeuvre à mi-chemin entre l'hystérie communicative d'un Richard Elfman de Forbidden Zone, l'oppression cauchemardesque d'un David Lynch et le bon goût d'un John Waters ou d'un Frank Henenlotter. Autant de références nous mènent donc à ne pas usurper, une fois n'est pas coutume, le terme de "cult classic" cher aux Américains, qui plus est assaisonné à la mode New Wave, tendance "Liquid Sky".

 

 

Dr. Caligari c'est un style à part, une façon de faire qui se détache de toutes les conventions tout en présentant une totale cohérence. Tout d'abord, il y a les décors, une pénombre sans limites définies déchirée par un mobilier angulaire et des accessoires loufoques, bariolés et éclairés au néon. Dans ce théâtre psychédélique évoluent des acteurs aux costumes aussi grotesques et criards que les meubles quand ils ne sont pas carrément intégrés à la décoration. Mais c'est avant tout leur jeu qui est le plus perturbant. Véritables automates réglés à la seconde et au millimètre par le réalisateur, chacun de leurs mouvements est chorégraphié de la manière la plus excentrique qui soit et, au lieu de jouer leur texte, ils le déclament en y mettant le moins de naturel possible. Toutes les scènes sont par conséquent orchestrées comme autant de tableaux vivants.
Ce qu'on aurait tôt fait de prendre pour une tentative prétentieuse de fournir aux pires snobs leur friandise favorite, se révèle en fait une parodie ultime du cinoche avant-gardiste. Chaque ligne de dialogue savamment alambiqué (co-écrit avec Jerry Stahl, partenaire de Sayadian sur les films précités et dialoguiste, entres autres, sur la série Alf et Bad Boys 2, comme quoi...) étonne et amuse. Au rythme où elles fusent, plusieurs séances ne sont pas de trop pour en savourer toute la subtilité. Les scènes ahurissantes ne manquent évidemment pas à l'appel. Emportée dans ses fantasmes déviants, Madame Van Houten (Laura Albert héroïne du somptueusement inepte Overdose de Paillardy) se voit fricoter avec une membrane purulente, gigotante et vomissante, ornée d'une bouche géante à la langue bien charnue. Plus tard elle embroche son époux avec son bras brûlé et mystérieusement transformé en phallus avant de finir par le faire rôtir. Gus (John Durbin) le patient cannibale du CIA revient avec nostalgie sur ses délices anthropophages en échange de sa dose d'électrochocs dont il est on ne peut plus friand. Ce n'est qu'un maigre échantillon des envolées délirantes d'un film où le passage le plus banal est tourné avec un maniérisme indescriptible.
Un dernier mot sur la prestation des acteurs principaux qui, du moment qu'on se laisse prendre au jeu, est inoubliable. Madeleine Reynal incarne pour son unique contribution au septième art, sous les traits de la diabolique praticienne, l'icône de la dominatrice froide et magnétique. David Parry et Jennifer Balgobin hypnotisent par leur numéro de synchronisation. John Durbin est un psychopathe déjanté comme on en a rarement vu à l'écran. Enfin Fox Harris (aperçu dans les films punks d'Alex Cox Repo Man et Sid & Nancy) passe, par le biais du changement imposé de personnalité, du vieux directeur de clinique borné au drag queen lubrique évoquant une Tootsie sous ecstasy. Un sacré programme !

 

 

Inutile de préciser qu'à l'instar d'un aimant, Dr. Caligari vous scotchera ou vous repoussera selon vos affinités. En attendant qu'un éditeur téméraire ou inconséquent ne lui offre la sortie qu'il mérite de notre côté de l'Atlantique, il faudra se rabattre sur le DVD d'Excalibur Films, exclusivement vendu sur leur site, ou tenter de mettre la main sur la VHS américaine épuisée depuis belle lurette et que les collectionneurs s'arrachent.

 

Princesse Rosebonbon


A propos du film :

# Malgré (en raison de ?) sa très faible exposition, il est l'objet d'un véritable culte aux US, ce qui lui vaut d'être projeté année après année au Burning Man Festival.

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