Vampires, Les
Titre original: I vampiri
Genre: Horreur , Vampirisme , Gothique
Année: 1956
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Riccardo Freda, puis Mario Bava
Casting:
Gianna Maria Canale, Dario Michaelis, Carlo D'Angelo, Wandisa Guida, Angelo Galassi, Renato Tontini, Antoine Balpêtré, Paul Muller...
Aka: Evil's Commandment / Lust of the Vampire / The Devil's Commandment
 

Paris, 1956 – Le corps d'une jeune femme est repêché dans la Seine, près d'un chantier. L'autopsie révèle qu'elle n'est pas morte noyée, et que son corps est exsangue. Pour la presse à sensation, il s'agit là d'un nouveau meurtre perpétré par un tueur mystérieux surnommé le Vampire. En effet, d'autres corps de femmes ont été retrouvés vidés de leur sang. Autres caractéristiques communes de tous ces crimes : les victimes étaient belles, jeunes, et présentaient le même groupe sanguin. Pierre Lantin (Dario Michaelis), journaliste opiniâtre, enquête sur cette affaire avec son collègue Ronald Fontaine, n'hésitant pas à marcher sur les plates-bandes de la police, et de l'inspecteur Chantal en particulier. Les investigations du reporter le conduisent à faire la connaissance de Lorrette Robert (Wandisa Guida), une étudiante et amie proche de Nora, une ballerine qui semble être la dernière victime du Vampire. Mais le zèle de Lantin déplaît autant à son patron qu'à la police, et le désintérêt que porte le journaliste à l'égard de Giselle du Grand (Gianna Maria Canale), femme influente et nièce de la Duchesse Marguerite du Grand, n'arrange pas la situation. Giselle, malgré sa beauté, ses titres, et le château de sa famille, ne plait guère à Pierre. Un signe du destin, puisqu'autrefois, la Duchesse Marguerite éprouva un amour fou pour le père du journaliste ; un amour qui, lui aussi, n'était pas réciproque...

 


"Les vampires" est une oeuvre marquante à plus d'un titre. Tout d'abord, on peut estimer qu'il s'agit du premier film d'horreur italien à part entière. Ensuite, il va être le détonateur de tout un courant gothique fantastique pendant environ une décennie, dont les principaux instigateurs seront Riccardo Freda, Mario Bava et Antonio Margheriti. Enfin, outre les répercussions entraînées, "Les vampires" est un film remarquable, malgré la désertion de son metteur en scène, Riccardo Freda, en plein milieu du tournage, après une grosse colère contre la production. Et c'est à Mario Bava, qui officie sur le film en tant que directeur de la photographie et des effets spéciaux, que revient la tâche délicate de l'achever. Un cadeau empoisonné dans la mesure où il ne dispose, impératifs budgétaires obligent, que de deux jours et demi pour boucler le film. De plus, Mario Bava n'a jamais réalisé de long métrage auparavant. Il a comme expérience dans le cinéma la réalisation de courts métrages et de documentaires, et des bases solides en qualité de directeur de la photographie et chef opérateur.

 


Ce fils de sculpteur va ainsi effectuer ses premières armes dans le 7ème Art pour Roberto Rossellini, Pietro Francisci et Mario Costa, puis Luigi Comencini, Mario Monicelli, Dino Risi et Vittorio De Sica. Enfin, survient le départ inattendu de Riccardo Freda, et voilà comment Mario Bava va obtenir ses galons de réalisateur. Trois ans plus tard, le même incident se produira avec "Caltiki, le monstre immortel" : Riccardo Freda abandonne le film et Mario Bava l'achève, en parvenant brillamment à sauver les meubles. La même année, en 1959, il remplace également Jacques Tourneur au pied levé sur le tournage du peplum "La bataille de Marathon". En ces trois occasions, Mario Bava ne sera jamais crédité en tant que réalisateur, ni même co-réalisateur, parce qu'avant tout l'homme était humble et ne souhaitait pas s'accaparer le travail d'autrui. Mais sa modestie aura le mérite de lui donner confiance, et il s'estimera capable de devenir un réalisateur à part entière. Une évolution qui engendrera immédiatement un authentique chef d'oeuvre : "Le masque du démon".

 


Mais en cette année 1956, Mario Bava doit déjà venir à bout de ce "I vampiri". Il y parvient, grâce à son savoir faire, et aux talents conjugués de son équipe : Beni Montresor, décorateur et costumier génial (il exploitera essentiellement ses talents pour l'opéra) ; et Roman Vlad, fabuleux compositeur à qui l'on doit les partitions, entre autres, de "La beauté du diable", "Caltiki, le monstre immortel", "L'effroyable secret du docteur Hichcock", assisté du non moins talentueux Franco Mannino ("Beatrice Cenci", "Sept épées pour le roi", "Le spectre du professeur Hichcock"). A noter également la présence d'un certain Piero Regnoli en tant que scénariste et assistant réalisateur, et qui n'allait pas tarder à se faire un nom dans le cinéma fantastique, essentiellement en tant que scénariste, mais aussi en tant que réalisateur ("Des filles pour un vampire").

Servi par des décors somptueux et une très belle musique, tour à tour envoutante puis inquiétante, "Les vampires" bénéficie également d'un casting de qualité, où chacun donne la mesure de son talent sans en rajouter, une sobriété bienvenue qui renforce le ressort dramatique du film. En transposant le mythe du vampire dans un contexte contemporain, Riccardo Freda se démarque de ses prédécesseurs. Il atténue aussi l'aspect horrifique de son oeuvre, privilégiant un style néo-réaliste, dans lequel l'élément fantastique est au service de l'histoire, et non l'inverse.

 


Dans un double rôle, Gianna Maria Canale, l'une des plus belles actrices du cinéma italien, prouve aussi que c'est une bonne actrice. C'est Riccardo Freda qui la fit débuter à l'écran, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, avant de se marier avec elle. Elle jouera notamment dans "Teodora, impératrice de Byzance", "La révolte des gladiateurs", "La reine des amazones" ou encore "Le chevalier de Pardaillan". Une carrière fortement orientée vers le peplum et le film d'aventures, et qui s'achèvera beaucoup trop tôt, en 1964. Gianna Maria Canale nous a quittés récemment, en février 2009. Dans "Les vampires", elle a pour partenaires Dario Michaelis ("Si douces, si perverses"), Carlo D'Angelo ("Le grand silence"), l'acteur suisse Paul Muller qui fera une carrière impressionnante dans le cinéma de genre, ainsi que le français Antoine Balpêtré, issu quant à lui du cinéma d'auteur, et que l'on vit dans des classiques comme "Nous sommes tous des assassins", "Le rouge et le noir", et "Le cave se rebiffe". Enfin, n'oublions pas une autre belle italienne : Lorrette, la demoiselle en détresse, incarnée par Wandisa Guida, et qui faisait ses premiers pas au cinéma. Par la suite, on pourra la voir dans "La vengeance d'Ursus", "Maciste dans les mines du roi Salomon" ou encore "Opération Goldman". Comme Gianna Maria Canale, elle se spécialisera dans le peplum et le film d'aventures ; et tout comme elle, elle disparaîtra des écrans au milieu des années 60, avant un ultime et éphémère come-back dans le "Crime au cimetière étrusque" de Sergio Martino.

 


Avec une enquête menée tambour battant par un journaliste et un policier, une héroïne kidnappée et dont la vie tient à un fil, un château ancestral cachant des passages dérobés et de sombres secrets, et un savant se livrant à des expériences interdites, "Les vampires" possède des ingrédients propres aux romans d'Edgar Wallace. Mais si le film de Freda et Bava a indéniablement un côté krimi, l'ambiance qui se dégage du film est avant tout gothique, ne serait-ce que pour toutes les scènes se déroulant dans le château et ses alentours, le parc et la crypte notamment ; ces squelettes abandonnés dans une pièce secrète, et puis ce mystère autour du personnage interprété par Gianna Maria Canale, aristocrate aigrie obsédée à l'idée de perdre la beauté et la jeunesse, et qui ne pourrait y renoncer pour rien au monde. Je dominerai l'enfer, peut-on lire sur le blason de la famille, une devise qui résume bien l'état d'esprit du personnage, et qui est annonciateur du destin qui l'attend. On n'est pas près d'oublier le passage où elle s'observe devant un miroir, fumant une cigarette, contemplant sa beauté, jouissant de l'instant présent, car pleinement consciente de sa perspective éphémère. On n'oubliera pas de sitôt, non plus, qu'à la suite de ce très beau film, le cinéma fantastique italien atteindra son apogée lors de la décennie suivante.

 

Note : 8,5/10

Flint

 

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