Les morts ont maintenant envahi la Terre, créant ainsi une presque nouvelle race propre à décimer le vivant, et chaque personne se faisant mordre sera dès lors contaminée et contaminera à son tour. Lors d'une intervention au sein d'un immeuble où des rebelles fanatiques protecteurs de zombies gardent les morts, tournant au carnage, Roger fait la connaissance de Peter et lui propose de se joindre à lui afin de quitter la ville en hélicoptère avec pour compagnie le pilote et sa fiancée. Leur direction leur est inconnue jusqu'au moment où ils aperçoivent un centre commercial qui semble abandonné, de l'intérieur tout du moins.
Après s'être posés sur le toit, ceux-ci y établissent alors leur campement, et Roger et Peter, tous deux issus des milices armées, parviendront même à ramener des vivres. Alors que le petit groupe commence à s'organiser, il décide de barricader les portes du supermarché à l'aide de camions abandonnés. Hélas, dans un excès de zèle militariste, Roger se fera mordre à la jambe, mettant dès lors le groupe en danger. Les choses ne s'arrangeront pas lorsqu'une horde de mercenaires Hell's angels se rameutera également, voulant elle aussi prendre possession du vivier que constitue l'endroit...
L'histoire du cinéma est ainsi faite que certains classiques doivent plus à des conjugaisons de talents plutôt qu'à un seul et unique, et l'inspiration originelle bridée ou détournée se voit accoucher au final d'oeuvres meilleures qu'elles ne l'auraient été. Pour preuve, la version américaine du film, et donc celle du réalisateur George A. Romero, moins bonne que celle remontée par Dario Argento. Celui qui connaît sur le bout de son zombie la version européenne voulant revoir une énième fois "Dawn of the dead", et choisissant alors la version américaine beaucoup moins disponible jusqu'à ce jour, en sera quelque peu pour ses frais.
En effet, le montage de Romero est moins bon que celui de Argento. Celui de Romero s'avère plus explicite, moins rythmé, un poil plus lourd avec des scènes dispensables comme des discussions sur l'enfant à naître, et si le film reste néanmoins excellent, il manque le poil de souffle qu'a su instaurer le maître transalpin alors encore au firmament. De plus, exit la musique des Goblin au profit d'une partition plus "slapstesque", bien sûr en adéquation avec l'esprit du film, mais soulignant une fois de plus le propos de l'oeuvre en même temps que manquant de dimension. Disons pour simplifier que Dario Argento a su dynamiser comme pas un les solides fondations de Romero.
Revenons à la version Argento's cut que chacun connaît pour dire combien les superlatifs me manquent. Le film commence dans une cave avec un massacre de zombies squatteurs par les forces armées pour rebondir rapidement au travers de situations des plus impressionnantes, de déplacements en déplacements, donnant à ce chef-d'oeuvre achevé des allures de western ironique et trash, avec au passage une dimension cynique sur la société de consommation. Dimension soit plus que flagrante, voire même probante, mais qui ne plombe pas encore l'action comme ce sera quelque peu le cas avec l'opus suivant ("Day of the dead"), et plus encore récemment dans le pourtant sympathique (mais un peu vain et téléphoné) "Land of the dead".
Ici les scènes chocs s'enchaînent sans aucun temps mort, et tout le film suivra la voie indiquée par le magnifique "head shot" de la scène d'ouverture évoquée ci-dessus avec ses zombies dévorant sereinement des restes d'humains. La musique s'emballe alors dans un même temps, battant la mesure de l'intervention des forces militaires armées, et d'entrée de jeu, on sait que l'on est déjà en Enfer, et qu'on y sera bien installé. C'est simple, le seul reproche que l'on pourra faire à ce jour à ce classique instantané, c'est peut-être les effets spéciaux de Tom Savini, encore que pour ma part, issu de la génération à laquelle le film appartient, j'y trouve à chaque vision un énorme tour de force et quand bien même le zombie ici, pour les plus jeunes générations, sentirait la farine et le mou de veau qu'on s'en ficherait foutrement, tant cela passe avec 25 ans d'écart dix fois mieux que tous les "techno-zombies" ("Le Couvent") ou autres "digital-zombies" que l'on peut nous (re)servir ces derniers temps dans des spectacles le plus souvent sans âme. Et au moins, avec ces pseudo défauts, les zombies du tandem Romero-Savini possèdent plutôt deux fois qu'une de cette âme un tantinet disparue, hormis quelques réussites éparses et je ne dirai jamais assez combien, tandis que les images de "Zombie" restent gravées dans le temps alors qu'à ce jour, les films semblent passer, pour s'oublier quasi instantanément... On est du reste pas loin de ce que dénonce déjà le réalisateur ici, et les morts-vivants nous ressemblent fortement dans leur conditionnement à la consommation, quand bien même elle serait futile, dispensable.
Passons donc sur ce détail "historique" des effets spéciaux pour recenser tout ce dont regorge cette version grands espaces de la fameuse "Nuit des morts vivants" tournée dix ans plus tôt. Car il s'agit bien de cela, et avec la même peinture sous-jacente d'une décennie sociale (mais pas trop, et Romero peut parfois fleureter facilement avec la pesanteur dans son militantisme), celui-ci nous livrerait ici presque une variation en guise de suite, dans laquelle le centre commercial (lieu de tous les maux mais aussi paradoxalement de détente propre à la société de loisirs) se substituerait à la cabane de "The night of the living dead" ; Ken Foree ("The Devil's Rejects") dans le rôle de Peter remplacerait Ben (Duane Jones), les deux constituant à leur manière une sorte d'icône des communautés laissées pour compte qui finalement s'avèreront très utiles, voire indispensables à la régulation planétaire.
Autant dire qu'on est encore là dans une époque bénie, bien que pas loin de son crépuscule d'ailleurs, dans laquelle les cinéastes engagés n'hésitaient alors pas à tout tenter pour sortir les masses de leur léthargie, dans de grand chocs cinématographiques où le mot "liberté" n'était pas encore galvaudé, et au sein d'une société dont on peut regretter l'absence de manichéisme au profit d'un cynisme qui même s'il s'ignore, s'apparente davantage au libéralisme et ses contradictions, à savoir l'envie d'en dénoncer ses dysfonctionnements en même temps qu'en profiter. Voilà peut-être la clé des démarches différentes qu'ont pu avoir certains metteurs en scène d'alors, et ceux d'aujourd'hui qui, disons le ouvertement, sont parfois les mêmes...
Quant à la "liberté" de l'époque, il ne faut pas se leurrer, elle fut uniquement créatrice et il ne faut pas croire qu'un tel film ne suscita pas un tollé, se voyant interdit un peu partout en Europe (Norvège / Allemagne de l'Ouest), classé R ou X, selon (Etats-Unis / Canada / France), et ailleurs interdit au moins de 18 ans, ce qui peut encore se comprendre, mais qui dans l'ensemble démontre combien ce "Dawn of the dead" dérangea tant et si bien que son exploitation ne fut pas des plus simples. Pour résumer cela de façon littéralement grossière, je dirais me sentir à la recherche de ces cinéastes qui au moins avaient les "couilles" (pardon) de prendre de tels risques afin de livrer le spectacle qu'il leur plaisait d'offrir, doublé du message qu'ils voulaient asséner. Rien que pour cela déjà, le "Zombie" de Romero reste à ce jour un monument inégalé et je pourrais prendre le risque de parier gros sur le fait que l'on est pas prêts de retrouver une oeuvre aussi ouvertement militante, excessive et jubilatoire, en tout cas dans le genre.
Jubilatoire, sans aucun doute aussi. Nous sommes bien servis et même resservis et l'on peut se contenter allègrement de ce fabuleux spectacle, à la fois film d'action, western urbain trépidant, bande dessinée trash, gore slapstick. "Zombie" reste définitivement une oeuvre majeure, moderne, les morsures y sont béantes, les têtes giclent à tout va, n'épargnant ni femmes ni enfants, les machettes tranchent les têtes en deux, les cervelles explosent comme jamais, repeignant les murs de manière somptueuse, les ascenseurs sont des lieux étouffants et dantesques où l'on s'y fait étriper sans prévenir ; les seules alternatives ne semblent plus n'être que soit des fuites en avant (la fin), soit des suicides, aveux d'impuissance sur son propre devenir. Bref, c'est au coeur de l'enfer que George A. Romero nous plonge, et plus que jamais dans sa peinture au pessimisme foncier extrémiste, l'enfer n'est plus seulement les autres, mais aussi soi-même. Comment dès lors peut-elle s'en sortir ? Un grand film.
Note version européenne : 10/10, Note version américaine : 8,5/10.
Note : 9/10
Mallox
A propos du film :
# A noter qu'il existe 2 versions, américaine et européenne, la 1ere a été montée par Romero et l'autre par Argento.
# Slogan : "Quand il n'y a plus de place en enfer, les morts reviennent sur la Terre".