Mosquito der Schänder
Genre: Horreur , Nécrophilie
Année: 1976
Pays d'origine: Suisse
Réalisateur: Marijan Vajda
Casting:
Werner Pochath, Ellen Umlauf, Birgit Zamulo, Gerhard Ruhnke, Peter Hamm...
Aka: Bloodlust Passion Sanglante / Mosquito the Rapist / Bloodlust the Vampire of Nuremberg / Bloodlust
 

"Il" (pas une fois son nom ne sera cité durant le film) travaille en qualité de comptable dans un bureau où officient trois autres personnes et le directeur. Jeune, assez beau garçon, il est sourd et muet à la suite de mauvais traitements infligés par son père lorsqu'il était enfant. Ayant perdu sa mère très tôt, il fut donc élevé par un père alcoolique qui le battait régulièrement, et violait sa petite sœur. Dans ce contexte sordide, un traumatisme irréversible s'est installé en lui, perturbant un équilibre mental déjà fragilisé par son handicap.

S'il est irréprochable dans son travail, sa vie privée est un échec total. Sa peur du monde extérieur le renferme dans un univers fantasmatique qu'il s'est créé chez lui. Occupant un petit appartement dans un quartier pauvre, il a pour voisins une poignée de marginaux ; parmi lesquels une jeune fille à la fois rêveuse et simplette, en attente du Prince Charmant, et qui passe son temps à écouter toujours le même air (de variété sirupeuse) sur un tourne-disque.

Quand il ne travaille pas, ce garçon pour le moins perturbé donne à manger à son hamster, joue avec ses poupées, et se constitue peu à peu un petit sanctuaire autour du portrait de sa défunte mère, dans une pièce où les murs sont peints en noir.

Tout ce qui à trait au rouge (du ketchup, de l'encre) le renvoie systématiquement dans le passé, prisonnier d'un père tortionnaire et incestueux. Incapable d'avoir une vie sociale, mais se sentant terriblement seul, il fréquente occasionnellement les quartiers chauds où les prostituées viennent tapiner. Mais le comptable ne peut malheureusement compter que sur son aisance avec les chiffres. Face à une femme, c'est la bérézina complète, ne pouvant se comporter en homme et faire preuve de virilité. Il est pourtant amoureux de sa voisine, mais l'impossibilité de communiquer comme il le voudrait lui pèse de plus en plus. La violence intérieure qu'il ne peut plus contenir doit s'extérioriser d'une manière ou d'une autre. Mal à l'aise avec les vivants, il va arpenter les morts dans les chambres funéraires et autres nécropoles. Peu à peu, il va s'exercer à d'étranges rituels sur des cadavres de jeunes femmes.

 


Réalisé en 1976, "Mosquito der Schänder" est un film doté d'une ambiance à la fois irréelle et terriblement réaliste. Une oeuvre qui transpire la folie et la mort, avec un antihéros au possible, et qui, bien que suivant le parcours d'un névrosé, soulève également de manière sous-jacente le problème de l'intégration des handicapés dans une société intolérante envers ceux qui ne rentrent pas dans le moule.

La dérive de ce personnage, tellement rejeté de tous que le réalisateur a pris soin de ne pas lui donner de nom (comme s'il n'existait pas aux yeux d'autrui), ne nous laisse pas indifférents, à tel point que l'on a bien du mal à condamner les actes répréhensibles auxquels il se livre.

Vajda aborde le film d'une manière crue, voire malsaine dans les scènes de flashbacks rendues encore plus violentes par l'ajout d'un filtre rouge. Les passages montrant le père frappant son fils, lui donnant des coups de pieds dans le ventre, et ceux où il prend sa fille sur ses genoux, lui retire sa culotte et pose sa main sur les fesses de la gamine sont particulièrement éprouvants, et mettent assez vite le spectateur mal à l'aise.

 

 

Un malaise qui va ne cesser de s'amplifier, au fil des pérégrinations de notre comptable sourd-muet dans les nécropoles, chevauchant une mobylette au look très "seventies", petites roues et grand guidon...

Le premier cadavre de femme qu'il va visiter se verra simplement tailladé au niveau de la poitrine. Mais ensuite, il va aller plus loin, oser les actes les plus insensés : énucléation, décapitation. Ce n'est qu'à partir du cinquième cadavre (et après la mort accidentelle de son amour platonique) qu'il utilisera une paille en verre pour aspirer le sang d'une défunte, justifiant par ce geste le surnom qu'il s'est donné et qu'il inscrit sur les murs : Mosquito !

Moustique... un mot plutôt enfantin, puéril pour désigner un profanateur de sépultures. Mais celui qui n'a pas de nom est quelque part resté en enfance, jouant avec ses poupées, ayant un hamster comme unique compagnon, et ne comprenant pas, surtout, le monde des adultes. Ce passage difficile à l'âge adulte, ajouté à son handicap, explique probablement que notre homme soit aussi impuissant. Terrorisé face à la nudité des prostituées qu'il va voir, il n'éprouve un bien être qu'en compagnie des mortes. Sa façon de mutiler les cadavres représente pour lui un acte d'amour, et non une profanation.

 


"Mosquito der Schänder" (c'est-à-dire "Mosquito le Profanateur") possède un aspect attirance/répulsion qui n'est pas sans rappeler des œuvres comme "Schizophrenia" ou "Nekromantik". Comme on peut le lire à droite à gauche, il est d'ailleurs fort probable que Jorg Buttgereit ait été fortement influencé par le film de Vajda, dont la poésie morbide ramène également à un autre film qui sortira l'année suivante : "Martin", de George Romero.

De tels films ne peuvent rester inoubliables sans une prestation exceptionnelle du personnage principal. Ainsi, tout comme Erwin Leder a marqué les esprits dans "Schizophrenia", Werner Pochath est ici impressionnant dans son rôle de comptable tourmenté et inadapté. Mort à 53 ans du SIDA, Pochath n'est pas a priori un acteur très connu. Et pourtant, il a tourné avec Margheriti, Fulci, Massi, Castellari. On a pu le voir dans le "Venus in Furs" de Dallamano, "L'Iguane à la Langue de Feu", "Sonny and Jed", "Terror Express" de Baldi, et même dans le "Sexo Canibal" de ce bon Jess Franco. Une belle carte de visite, en l'occurrence. En ce qui concerne ses partenaires à l'écran, il s'avère que la grande majorité du casting féminin est issu du circuit érotique allemand. A l'exception d'Ellen Umlauf, qui en dehors de quelques comédies érotiques a joué dans "Je couche avec mon Assassin" et "La Torture", les autres actrices présentent un cursus très "spécialisé".

 


Birgit Zamulo, qui joue la jolie voisine évaporée dont Werner Pochath est amoureux, cache sous des airs de Sainte Nitouche et un côté fleur bleue un tout autre tempérament, puisqu'elle s'éclatera la même année aux côtés de la sculpturale Patricia Rhomberg dans le premier volet de "Josefine Mutzenbacher".

Karin Lorson, dans un petit rôle de secrétaire et collègue de travail, a tourné entre autres pour Hans Billian et Ernst Hofbauer, dans des films aux titres équivoques tel "Sally, chaude comme un volcan". Enfin, les rôles des deux prostituées se livrant à une scène saphique sous les yeux de Pochath ont été confiés à deux spécialistes, également, du hard teuton : Christa Abel, que l'on verra peu de temps après dans "Playgirls of Munich" aux côtés de Zebedy Colt ; et Karin Hofmann, qui passera des comédies érotiques soft d'Alois Brummer et Erwin Dietrich à quelques classiques du X allemand comme "Rosemaries' Schleckerland" et "Heisse Feigen".

Il est à noter que trois des interprètes du film : Birgit Zamulo, Karin Lorson et Peter Hamm, ont tous les trois tourné dans le "Girl meets Girl" de Joseph Sarno en 1974. Coïncidence ? Probablement pas, car Marijan Vajda avait été directeur de la production en 1973 sur le tournage du "Château des Messes Noires". On peut supposer que les deux hommes soient restés en relation par la suite, ce qui expliquerait pourquoi une bonne partie du casting de "Mosquito der Schänder" soit issu du cinéma érotique.

 


Si l'on veut pinailler, "Mosquito der Schänder" n'évite pas quelques défauts, voire des incohérences scénaristiques. La plus importante étant que dans la réalité, un cadavre ne saigne plus. Soit, un tanathopracteur vide le corps de tous ses liquides, soit une stase veineuse se produit, signifiant que le sang s'arrête de circuler, et donc de s'écouler.

Mais il n'en demeure pas moins que le film possède par ailleurs bien des qualités, agrémenté d'une musique lancinante, oscillant entre le rock progressif, le mélo et le contemporain, et amplifiant l'ambiance glauque due à la mise en scène efficace de Vajda. Le réalisateur s'est inspiré d'un fait divers. En 1972, Kuno Hoffman, âgé de 39 ans, surnommé "le vampire de Nuremberg" fut arrêté par la police après une série d'actes pour le moins sordides. Cet ouvrier reconnut avoir visité une quinzaine de nécropoles et avoir violé des cadavres, déclarant : "Je buvais le sang des femmes mortes, car je voulais les sentir en moi."

Comme quoi, il vaut mieux se méfier de l'image poético-romantique que l'on se fait parfois concernant les vampires.


Note : 7,5/10

 

Flint
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