Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon - Carlotta Films
Écrit par Mallox   

 

DVD 9 – Nouveau Master restauré

Edition collector 2 dvd (limitée à 3000 ex)

Editeur : Carlotta Films
Pays : France

Sortie film : 1970
Sortie dvd : 16 juin 2010

Image : Format 1.85 respecté (16/9 compatible 4/3)
Audio : Mono

Langues : italien, français
Sous-titres : français


Bonus :

Disque 1 :


- Film
- Regards croisés (20')
Paola Pegoraro Petri, épouse d’Elio Petri, et la productrice Marina Cicogna évoquent leurs souvenirs sur le tournage du film au gré de nombreuses anecdotes.
- La stratégie de la tension (25')
Un entretien avec Fabio Ferzetti (critique de cinéma au Messaggero), dirigé par Annarita Zambrano (réalisatrice), sur le contexte politique de l’époque et la manipulation de l’opinion par le Pouvoir, incarné à l’écran par Gian Maria Volontè.

 

Disque 2 :

- Ennio Morricone, la musique au corps (19')
Dans cet entretien exclusif dirigé par le critique de cinéma Fabio Ferzetti, M°Ennio Morricone évoque son travail sur "Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon", deuxième des sept films d'Elio Petri dont il a composé la musique.
- Elio Petri, notes sur un auteur (2005 – Couleurs et N&B – 84 mn)
un film de Federico Bacci, Nicola Guarneri et Stefano Leone & produit par Paola Petri
Le documentaire phare sur Elio Petri, avec les témoignages exceptionnels de Robert Altman, Ursula Andress, Bernardo Bertolucci, Dante Ferretti, Ennio Morricone, Franco Nero, Vanessa Redgrave...

Inclus :
- Le CD de la bande originale du film composée par Ennio Morricone

 

 

Commentaire : Cette édition est une aubaine et un régal, tant au niveau de l'image (somptueusement restaurée) que du son. Surtout qu'on avait le plus souvent l'habitude de le voir passer sur le câble dans une version Pan & Scan un brin délavée.
Le travail fourni par Carlotta Films est ici exceptionnel, autant sur le film lui-même que sur les bonus qui nous sont offerts.

 

Le premier document, "Regards croisés", propose des interventions intéressantes de la veuve de Petri ainsi que de la productrice, laquelle revient sur ses désaccords avec le metteur en scène ; autant sur ce film-ci que le suivant, où il y aura carrément une scission entre eux jusqu'à ce qu'elle se désengage du projet. Elle affirme cependant que techniquement, c'est sans doute le meilleur metteur en scène avec lequel elle a travaillé. Sur le moment, ils ne se sont pas forcément rendu compte de la bombe qu'ils étaient en train de tourner. Ce n'est qu'ensuite qu'ils ont pris conscience du scandale que celui-ci allait provoquer, tant et si bien qu'Elio Petri s'est sauvé en France, très inquiet quant aux répercussions.
L'oscar du meilleur film étranger était tellement inattendu que personne ne s'est déplacé aux Etats-Unis.

Paola Pegoraro Petri parle quant à elle de l'élaboration du scénario au sein d'une petite villa retranchée. Selon elle, il s'agissait d'une machine assez parfaite, d'un scénario sans failles, prenant le thriller à revers pour suivre des ramifications multiples. Les propos sur Gian Maria Volontè sont un peu plus contrastés ; l'acteur était quelqu'un d'exigeant et de difficile. Certaines scènes ont été improvisées et parfois, sur le tournage, on avait peur de ses réactions (voir la scène du sable dans la bouche par exemple).

 

Le second, "La stratégie de la tension" est tout aussi intéressant, revenant sur les attentats ayant eu lieu à l'époque, distillant un climat paranoïaque dans le pays. Les anarchistes étaient alors souvent montrés du doigt. 1969, c'est également l'année de grandes grève ouvrières calmées dans la répression ; bref, un contexte on ne peut plus tendu, dont rend compte le film de Petri de manière quasi-prophétique, devançant même les événements. Les officiers de police ayant vu le film à Milan ont de suite demandé aux magistrats d'empêcher le film de continuer de sévir. Certains magistrats de gauche ont refusé. Fabio Ferzetti revient également sur le fait que l'Italie est un pays avant tout très catholique et dans ce cadre, le thème des écoutes téléphoniques, présent dans le film, gênait. Autant l'Etat que le Vatican, deux garants du pouvoir, redoutaient une méfiance croissante du peuple. Il revient aussi sur le fait que certaines scènes ont été tournées à la manière d'un rêve pour atténuer le côté provocant. Finalement, c'est l'extrême gauche qui a le plus mal accueilli le film, se sentant visée. ("Ce sont les mêmes en prison ! Ils sont là depuis à peine deux heures qu'ils sont déjà divisés en quatre groupes !" entend-t-on dans le film. Finalement, Petri était un libertaire de gauche. A noter l'apparition de Petri dans le film, lors de la nomination de Volontè.

 

Passons au second disque présent dans l'édition collector. Dans "Ennio Morricone, la musique au corps", le compositeur se livre avec générosité, n'hésitant pas à se mettre au piano pour montrer certaines variations sur le même thème ("Le clan des siciliens" par exemple). Petri lui a laissé une liberté totale. Il s'agissait de sa seconde collaboration avec le musicien ; le cinéaste l'avait prévenu qu'il en changeait à chaque film et que ce serait sa première et dernière collaboration ensemble. Finalement, il l'a rappelé ensuite pour chacun de ses films.

 

 

Quant au dernier bonus, il s'agit d'un gros morceau. "Elio Petri, notes sur un auteur" est un documentaire passionnant sur le cinéaste, insérant de manière judicieuse certaines interventions des bonus précédents. C’est riche, varié, complet, rempli d'anecdotes, de chutes de tournages, d'interventions diverses et complémentaires, de propos de Petri ; il s’agit de 80 minutes de plongée au cœur du cinéaste ainsi que d'une époque. On y apprend énormément de choses.
Selon Franco Nero, Petri était le plus grand cinéaste "d'avant", car il a livré une douzaine de films totalement différents. Dès son premier, "L'assassin", Petri eut des problèmes avec la censure pour une simple scène, dans laquelle des policiers ne s'essuyaient pas les pieds ; ils outrepassaient, en cela, la légalité. Ce qu'il ressort également, c'est que Petri était un communiste sceptique. Celui-ci a vite pris ses distances avec le parti, contrairement à d'autres artistes de l'époque, plus orthodoxes, qui le suivaient au pied de la lettre (Gian Maria Volontè, qui reprocha d'ailleurs au réalisateur, lors de sa collaboration suivante avec Petri, de ridiculiser le dit parti). Pas de doute, il s'agit d'un libre penseur, issu d'un père ouvrier et d'une mère catholique, c'est également un laïque dont les films, notamment les premiers, oscillent entre réalisme et existentialisme. Ses déboires avec les gros pontes de la production sont également restés célèbres, que ce soit avec Dino De Laurentis ou Carlo Ponti, tant et si bien, qu'après avoir écrit le scénario des "Monstres", il fut débarqué du tournage. Petri a toujours tourné "contre". Contre un cinéma aristocratique. On apprend également qu'il avait pressenti Jack Nicholson pour "Un coin tranquille...", lequel n'était alors pas libre. Tous s'accordent à penser que le cinéaste gênait, autant les démocrates chrétiens que la gauche elle-même. Après avoir eu la reconnaissance, le cinéaste, au début des années 70, fut alors rejeté autant par la critique que par le peuple. Se sentant alors incompris, il a radicalisé son cinéma et s'est mis, je cite, à "faire des films déplaisants pour une société réclamant du plaisant même dans un film engagé". Le cinéaste ne se retrouvait alors plus dans une société en pleine mutation au niveau du spectacle, et l'on peut même dire qu'il devançait ce que nombreux dénoncent à ce jour. Bref, un excellent document dont je ne vous ferai pas l'offense de vous en dévoiler tout le contenu.

 

La cerise sur le gâteau, c'est bien entendu l'admirable bande originale signée Morricone. Un bonus de plus qui achève de faire de cette édition un objet sublime, indispensable. Après, bien entendu, cela reste à chacun de voir sa proximité avec le cinéaste, mais c'est en tout cas l'avis de votre chroniqueur ici présent.

 

 

Note : 10/10


* Existe en édition classique, avec les bonus commentés du premier disque.

 

 

En rapport avec le dvd :

 

# La critique du film "Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon"