Femme bourreau, La - Luna Park Films
Écrit par Flint   

 

Région : Zone 2 PAL

Editeur : Luna Park Films

Pays : France

Sortie film : 15 octobre 2014 (version définitive)
Sortie dvd : 18 novembre 2015

Durée : 68'51
Image : 1.33:1
Audio : Dolby digital 2.0 (mono)

Langue : français
Sous-titres : non

Bonus :

- Tristesse des anthropophages (1966, 23'40, 1.66:1)
- Une saison chez les hommes (1967, 17'31, 1.33:1)
- En marge (2015, 36'17, 1.85:1)
- La vie brève de Monsieur Meucieu (1962, 12'39, 1.33:1)
- Un crime d'amour (1965, 6'36, 1.33:1)
- Bande-annonce de La Femme bourreau (2014, 1'37, avec sous-titres anglais)

 

 

 

Commentaire : Un long métrage, trois courts-métrages, tous invisibles ou presque depuis leur création, plus les rushes d'un autre court inachevé et un entretien récent avec le réalisateur Jean-Denis Bonan et quatre de ses collaborateurs, voilà ce que contient le dvd de La Femme bourreau.
On doit cette sortie inattendue ou inespérée à Luna Park Films, une structure de production, d'édition et de distribution créée en 2014 et établie à Toulon. Au verso de la jaquette de La Femme bourreau on peut lire cette annotation :
La Femme bourreau est le premier opus d'une collection DVD consacrée à des raretés du cinéma français des années 60.
Diantre ! Eh bien... Si les sorties à venir de Luna Park Films sont aussi riches tant au niveau de la qualité que de la quantité au regard de ce premier essai, on attend la suite avec impatience !
Car il faut le reconnaître, la sortie d'un premier titre n'est jamais évidente et les obstacles sur la route de l'édition sont nombreux. Luna Park Films a néanmoins fait preuve d'un savoir faire à toute épreuve avec l'expérience d'un vieux briscard.

 

 

En fait, il n'y a rien à reprocher sur cette édition, que ce soit La Femme bourreau avec un master de très belle qualité et dont le noir et blanc restitue parfaitement les contrastes, ou les divers bonus qui permettent de suivre l'évolution de Jean-Denis Bonan à travers ses courts métrages, sans oublier l'entretien "En marge", riche en informations.
Par ordre chronologique, on commence avec La vie brève de Monsieur Meucieu (Bonan avait alors tout juste vingt ans), où l'auteur met en place ce qui deviendra son leitmotiv : le thème de la fuite, de l'évasion, conduisant irrémédiablement à l'échec. Jean-Denis Bonan incarne Monsieur Meucieu, qui cherche à échapper à sa condition humaine, écrite à l'avance, et qui décrète que l'on ne peut pas vivre sans malheur. Mais même sa quête de l'amour sera vaine, et le retour aux dogmes, aux conventions redeviendra son quotidien.

 

 

"Un crime d'amour" est un court inachevé. La voix off du réalisateur commente les rushes de cette histoire se déroulant à la campagne, sur fond de rancoeurs. Jean-Denis Bonan achèvera son histoire en 1967, elle sera rebaptisée Mathieu-fou. Entre temps, il aura tourné son premier film "à scandales", Tristesse des anthropophages, critique féroce de la consommation, des premiers fast-foods. Dans une ville imaginaire vit un homme confronté aux lois d'une société dans laquelle tout est interdit, sauf ce qui est obligatoire (dixit Jean-Denis Bonan dans le supplément "En marge"). Condamné à mort parce qu'il chantait, le héros ressuscite mais est à nouveau condamné car il est interdit de ressusciter. On l'oblige de ce fait à renaître, lors d'une scène surréaliste évoquant le calvaire du Christ. Après un long exil, il trouvera un emploi dans un scato-service, temple de la consommation où les clients mangent de la merde (au sens propre).

 

 

Tristesse des anthropophages est une satire virulente dans laquelle le réalisateur égratigne les institutions, et décrit un monde où l'homme ne semble plus avoir le moindre espoir (il ne peut s'épanouir ni dans l'amour, ni dans le travail). On retrouvera un peu cet esprit une trentaine d'années plus tard dans Totò qui vécut deux fois, de Daniele Cipri et Franco Maresco.
Une saison chez les hommes adopte quant à lui un style très différent, à la lisière du documentaire. Jean-Denis Bonan le définit comme un essai et un détournement. On pourrait aussi le considérer comme un long poème. A l'époque monteur aux Actualités Françaises, l'auteur récupère des chutes de pellicules destinées à la poubelle. Il en fait un montage racontant l'histoire d'un homme côtoyant les soulèvements populaires, la vieillesse, la maladie et la mort. C'est une forme de questionnement sur le sens de la vie.

 

 

Enfin, En marge est un documentaire récent qui permet au spectateur de découvrir la personnalité de Jean-Denis Bonan, cinéaste engagé et militant. L'équipe de tournage a intégré dans ce document les témoignages de quatre personnes ayant régulièrement travaillé avec le réalisateur : Mireille Abramovici (scripte, monteuse, écrivain), Jackie Raynal (actrice, réalisatrice, monteuse), Daniel Laloux (acteur et chanteur), et Gérard de Battista, directeur de la photographie de La Femme bourreau, ainsi que de films comme "Sans peur et sans reproche", "Une époque formidable" et "Un-deux-trois-Soleil".
Il s'agit là d'un entretien passionnant, qui nous permet d'apprendre un maximum d'informations sur le background du réalisateur : sa jeunesse en Tunisie, la guerre d'Algérie, son retour en France. Et puis son travail comme monteur aux Actualités Françaises, où il fait la connaissance de Jean Rollin, avec qui il va découvrir le milieu du cinéma. Ensuite, ses courts-métrages, ses déboires avec la censure, le CNC, la création de l'ARC (Atelier de Recherche Cinématographique), le militantisme, mai 1968 et bien sûr les conditions dans lesquelles La Femme bourreau fut élaborée. Les quatre autres intervenants apportent leur pierre à l'édifice avec un intérêt qui demeure constant jusqu'à la fin.

 

 

En résumé, En marge conclut en beauté un dvd de très belle facture, qui nous invite à la découverte d'un cinéma "différent", à la rencontre d'un cinéaste qui a beaucoup de choses à dire et à la résurrection d'un film dans un pays où il n'est pas encore interdit de ressusciter.

 

 

Note : 10/10


En rapport avec le film :

# La critique de La Femme bourreau

# Des captures de "Tristesse des anthropophages" et "La Femme bourreau" :



* Tristesse des anthropophages :

 

 

 

 

 

 

* La Femme bourreau :