Trilogie des pulsions 1 - Les cicatrices
Genre: Thriller-Polar
Année: 2010
Pays d'origine: France
Editeur: Transitediteur
Auteur: Jac Barron
 

Je ne suis pas le genre de lecteur à choisir mes livres en fonction de leurs couvertures, toutefois il est indéniable que celle du premier tome de cette trilogie a éveillé en moi de suite quelque chose (une pulsion?).

En toute sincérité, la couverture illustrée par K-Station a une certaine ressemblance avec celles réalisées pour la série "Les voies de l'ombre" de Jérôme Camut et Nathalie Hug (le quatrième tome, qui succédera à "Instinct", est annoncé pour le mois d'octobre sur leur site officiel). Mais les éléments du design disponibles sur le net ("Les cicatrices" est sorti au Québec en avril) en appelaient à d'autres de mes références.

Je ne sais pas pourquoi, dès que je vois un hameçon ensanglanté, j'en viens à me remémorer "Hellraiser" de Clive Barker et les corps torturés des cénobites, Pinhead en tête! L'écrivain anglais a fait de ses religieux vivants en communauté des adeptes du sado-masochisme accédant à notre réalité grâce à la boite de Lemarchand. Je vous renvoie aux huit films qui ont été tiré de la modeste novella "The hellboundheart", traduite par Mélanie Fazi et éditée aux éditions Bragelonne (on ne les en remerciera jamais assez! 20 ans que le texte original était paru outre manche!).

Horreur, thriller voilà en deux mots ce que m'inspirait l'annonce de "Les cicatrices" (et autant dire qu'il me titillait avant même que je l'ai entre les mains!) D'autres amateurs de fantastique auront pu s'interroger sur le nom de son auteur, Jac Barron étant le nom (à une lettre près) d'un personnage d'un roman de Norman Spinrad ("Jack Barron et l'éternité"- J'ai lu.)

La réponse est que si certains aiment à s'inventer des pseudonymes, Jac (qui est un cas!) n'est pas de ceux là! Il écrit sous sa véritable identité (on se souvient entre autres de Maxime Williams, devenu Maxime Chattam… Maxime Guy Sylvain Drouot de son vrai nom!).

Mais au final que se cache-t-il derrière cette couverture représentant un "albinos" au regard possédé par une furie sanglante?

Entrons maintenant dans le vif du au sujet!

 

"Les cicatrices" débute de façon assez "classique"pour un roman du genre: un prologue nébuleux se déroulant trente ans avant le début de l'histoire qui va nous être rapportée.

Pour Marco, le prédateur, "l'Amour n'existe pas". Quels sentiments animent ce personnage et le font suivre son père lorsqu'il met fin au supplice d'un adolescent qu'il avait enfermé dans sa cave et séquestré durant des jours?

De nos jours, Franck Marshall, un spécialiste des tueurs en série, est appelé à intervenir après la découverte de Léonard Lestier. Le jeune homme n'est pas mort, mais les mutilations et tortures qui lui ont été infligées sous-entendent la présence d'un dangereux déséquilibré à Paris. Un sadique qui assurément ne compte pas arrêter sa "purge" en si bon chemin!

Le couple que forme l'analyste criminel avec Emily, jeune femme déboussolée, bat de l'aile, ce qui n'est pas sans perturber les facultés de déduction de notre expert, rappelé à l'ordre par Serge Miller, l'inspecteur du Quai des Orfèvres chargé de l'affaire et par les découvertes successives d'autres homosexuels masculins qui quoique vivants en appellent à ce que l'on abrège leurs souffrances.

Marshall, en rendant visite aux parents d'une des victimes, rencontre Marc Dru, un psychanalyste pour enfants maltraités. Le père du patient dont il s'occupe connaît Olivier Zimbowe, porté disparu deux jours auparavant… Sans le savoir, chacun des personnages est détenteur d'un élément qui, ceux-ci une fois assemblés, formera le portrait du terrifiant Marco!

Assurément, "Les cicatrices" figurera parmi les thrillers dont la lecture m'aura procuré cette année une grosse claque!

Sans vouloir faire preuve de complaisance à l'égard de son auteur, qui attend sans doute les chroniques de son premier "bébé" dans un état certain de fébrilité, qui n'a d'équivalent que la certitude que les exemplaires parviendront dans toutes les librairies de France et de Navarre, c'est une véritable tuerie!

Jac Barron a su s'imprégner de ses références propres pour aller bien au-delà du plagiat d'écrivain débutant / balbutiant. Dès le départ (rappelons encore une fois que c'est son premier roman,) il propose, au pire, pour les chroniqueurs de mauvaise foi, un brillant hommage (il se ménage une scène très attachante pour nous parler de son admiration pour Dan Simmons – crée des parallèles bienvenus entre les différents genres littéraires: Primo Levy se trouve cité au même titre que l'auteur de "L'échiquier du mal" (Folio SF) par exemple), au mieux, et c'est mon avis, un univers original, glauque et surtout très sexuel!

La mise en scène crescendo que Marco organise autour de ses victimes (qu'il ne tue pas physiquement) rappelle sans aucun doute la perversité d'un Jigsaw ("Saw" lancé par l'australien James Wan, et les suites qu'on lui connaît), tout comme sa volonté affichée à éduquer la société au travers l'exposition de ces œuvres délirantes. On pourra y voir là aussi le lien avec le "Se7en" de David Fincher.

Par d'autres aspects les scènes rapportées rappellent le Buffalo Bill du "silence des agneaux" d'Harris).

Là encore, impossible d'étayer honnêtement une véritable comparaison car l'œuvre de Barron est exempte de la pudibonderie qui colle à ces productions américaines.

L'enquête évolue dans les milieux de la drogue et de la prostitution masculine (les abus sexuels sur enfants sont également largement abordés). L'environnement nous est crûment exposé. Jac Barron emploie un discours sans fard la plupart du temps, mais fait aussi preuve d'inspiration divine dans des scènes d'anthologie.

(J'ai une tendresse toute particulière pour l'entrevue entre Marc Dru et Matis - un patient à l'enfance sordide-, scène que j'ai personnellement surnommée de la parabole de l'oiseau en cage et l'utilisation que fait l'auteur de "l'enfer des autres" de Jean Paul Sartre).

L'écrivain démontre une véritable sensibilité malgré la lourdeur des sujets qu'il a décidé d'aborder (résultat d'études et de recherches précises) et surtout ne sombre pas dans la surenchère gratuite de violence. Un roman qui mérite bien son appellation de "thriller psychique" !

 

Du rythme dans l'action (on ne s'ennuie pas un seul instant!), mais aussi dans le style d'écriture qui passe au travers une narration multiple. Le recours à cette technique immerge entièrement le lecteur au travers des différents points de vue des protagonistes. Si certains ont une identité définie, ça n'est pas le cas de tous.

L'auteur se joue des rôles (Proie/ Prédateur) qu'il attribue successivement aux personnages.

Au fil de l'intrigue une seule certitude se dégage, c'est que tous (Marshall, Miller, Dru) sont loin d'être des modèles d'équilibre. Ce sentiment permanent de malaise, à la logique "coté obscur", tient la route et assure un grand nombre de coups de théâtre!

Le titre fait référence aux traumatismes psychologiques plus qu'aux marques laissées par Marco sur le corps de ces victimes, au final moins profondes et dévastatrices.

Difficile de trouver un personnage entièrement sympathique à l'exception peut-être de la pauvre Karine Vallon (son funeste sort nous influence assurément!).

Le cadavre de son chien en décomposition dans la cuisine de son appartement n'est pas l'aspect le plus inquiétant de Serge Miller, dont les névroses dépassent souvent celui des marginaux qui hantent les lieux de passe de la capitale française. Marco n'est peut être pas le plus dangereux des prédateurs de la faune parisienne...

En attendant de le découvrir (peut-être) dans la suite intitulée "Plasma"(Jac Barron travaille actuellement à la rédaction du dernier épisode "Impulsions") qui sortira conjointement en France et au Québec au mois de septembre, le lecteur devra faire face à une ultime frustration.

En découvrant le twist final, il n'aura d'autre choix que de se promettre de relire au plus vite "Les cicatrices" car l'auteur a suffisamment brouillé les pistes (aidé en cela par le processus de narration qu'il a choisi), et une seconde lecture s'avérera, si ce n'est nécessaire, fort agréable pour véritablement apprécier toute la complexité du livre.

Amateurs de thriller et d'angoisse, laissez vous contaminer… Ruez-vous pour acheter le premier roman de Jac Barron!

 

Note : 9/10

 

Ludo

 

A propos de ce livre :

 

- Blog de l'auteur : http://jacbarron.over-blog.com/

- site de l'éditeur :  http://www.transitediteur.com/

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