Satanachias et autres contes
Genre: Fantastique , Recueils de nouvelles , Autres genres , Science-fiction
Année: 2010
Pays d'origine: France
Editeur: La Clef d'argent
Collection: Nokhkthys
Auteur: Christophe Lartas
Illustrateur: Fernando Goncalvès-Félix
 

Il y a les livres que vous lisez et que vous aimez. Il y a les livres que vous dévorez et que vous adorez. Puis il y en a d'autres, qui sont encore autre chose, quelque chose de plus fort, un bout de vous, quelque chose qui semble écrit pour vous, qui semble s'arracher de vous. Christophe Lartas et son Satanachias font partie de cela, c'est un livre qui parle pour moi et la sensation à sa lecture est étrange, si je n'avais pas peur des mots je dirais même une sorte d'illumination-confirmation. Ou pour parler crument, je dirais que ce petit livre fut à sa lecture et relecture une sacrée claque !

Comment définir une telle œuvre? C'est très difficile. Certains mots me viennent en tête qui peut-être pourraient décrire l'ambiance et le ton général : humaniste, misanthrope, désabusé, réaliste, poétique… C'est à chaque page que l'on en prend plein les mirettes, que votre estomac se tord, que vos yeux se mouillent car devant nous s'étend la crasse de l'humanité, soit les religions, l'urbanisme, la consommation à outrance, les quêtes impossibles, les rêves qui s'envolent, le mal-être, la mort… Oui, il n'y a pas besoin de trente milles pages pour décrire ces choses, la plume de Christophe Latras, en peu de mots, d'une manière intelligente, incisive et belle, nous décrit tout ça et nous donne envie de nous terrer et de lire encore et encore ses contes. Car oui, il s'agit bien de contes, des contes éclairés façon le siècle des lumières mais en infiniment plus intelligent!
Le recueil s'ouvre sur un conte, celui qui donne son titre à l'ouvrage. Titre qui a de quoi attirer, comme tout ce qui joue avec le diable! Le personnage est Untel. Il pourrait donc être vous, il pourrait être moi, bref n'importe qui. Le but de ce M. Untel: voir dieu, connaître le pourquoi et le comment de la création, de notre création. Mais qui est le plus beau, qui a le plus de réponse : dieu ou diable ? Bien sûr plus proche de nous, le mal. C'est lui qui en premier va lui répondre. Et que lui dit-il ? Connais tes concitoyens et tu verras peut-être dieu. Et je ne vous parle pas de la "tronche" qu'il se "tape" dieu. Pas besoin d'avoir fait St Cyre pour comprendre. Je vous laisse méditer sur cette fable, qui interroge le bien, le mal, le beau, le laid et qui nous montre encore une fois qu'il faut toujours voir plus loin que le bout de son nez, voir plus loin que les mots même… Pour moi c'est du grandiose, c'est la réunion de la poésie et de la "philosophie" le terme étant à prendre au sens large. Rien que pour ce texte, il faut absolument se procurer ce petit livre, petit par la taille grand par les textes...
Et il est un autre texte absolument fantastique: "Mégalopolis". L'histoire d'un homme qui vit dans une ville, une mégalopole comme des millions d'autres. Mais qu'est-ce qu'une ville? C'est la puanteur du bitume, de ceux qui transpirent dans les lieux dit festifs, des gamins qui crient et qui courent, des SDF et la misère qui s'expose sur les trottoirs, des vieillards qui crèvent seuls et tout un tas d'autre joyeusetés qui sont superbement décrites par Christophe Latras, dans une langue qui ne cache rien, dans une langue qui dit la puanteur, la laideur et l'absurdité de nos villes. Le style est époustouflant, poésie urbaine disant le mal-être de ceux qui n'en peuvent plus de vivre dans ces villes où la vie est plus qu'insupportable! C'est magnifique. Alors, le narrateur n'en pouvant plus de cet enfer sur terre veut s'enfuir mais s'enfuit-on vraiment ? Court, direct, beau, un texte qui parle du mal-être, de l'emprisonnement, du problème des villes aussi… Bref en quelques pages tout est dit, c'est somptueux et pour moi à la limite du jamais vu.
Il est un autre texte qui parle de ce problème, de cette atrocité qu'est la ville : "Le Cycle". Dans le même genre que "Mégalopolis" mais sans répéter la thématique, Christophe Latras nous décrit la "cité" telle qu'elle est. Un lieu où tu consommes, où on cherche à ce que tu sois bien à tout prix, en se foutant des libertés, des espaces verts, de la nature. Ou les seuls animaux que tu vois sont au zoo,  mais voilà, ils vont se rappeler à nous. Dans leur super HLM des temps modernes, aux parois translucides pour que la communauté soit soudée, ils les voient venir, nué verte, plantes, nuées sombres, insectes… Je ne vous en dis pas plus. C'est magnifique, comme si Jacques Tati (pour moi LE génie) avait écrit une SF sombre et torturée, un brulot écologiste qui n'est pas racoleur, ni dans l'air du temps, se jouant des modes et s'en fichant quelque peu. J'imagine Christophe Latras écrivant seul face au monde, un monde qui déborde d'horreurs, d'absurdité et que fait l'auteur dans sa solitude : il vomit, il crache ses cinq contes que l'on prend en pleine tête, des textes dont on ne revient pas, des textes sur l'horreur mais beaux malgré tout! Christophe Latras est un sacré écrivain et la Clef D'argent une sacrée maison d'édition !

Il est temps pour moi de conclure cette chronique. Mais peut-on réellement conclure avec un tel ouvrage? Non! J'ai l'impression d'en avoir trop dit mais en même temps de ne pas en avoir assez dit. Il y en a qui s'époumonent à écrire trente tomes (bon j'exagère un peu mais quand même) pour ne pas dire grand-chose voire rien du tout, et d'autres, en quelque page, changent votre vie, confirment vos choix, renforcent votre pensée. Alors non, on ne conclue pas avec un tel livre, on le prend partout avec nous, on le promène dans notre poche (et le format s'y prête), on le lit, on le relit, on l'use et on grandit. Rares sont les maisons d'édition qui proposent ce genre d'œuvres intelligentes, belles et différentes. La Clef D'argent ne fait pas de bruit, elle travaille dans son coin mais chacune de ses nouvelles sorties est pour moi un régal et je guette chacune de leur nouvelle production avec un œil avide!
Je voudrais aussi attirer votre attention sur la couverture qui a été réalisée par un grand monsieur aussi dont je vous reparlerai très bientôt, poète et dessinateur : Fernado Goncalvés-Félix, un artiste aux talents multiples, un artiste publié lui aussi chez La Clef D'argent.

Notre : 10/10


Le Cimmerien

 

A propos de ce livre :


- Site de l'éditeur : http://clefargent.free.fr/

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