Watch me when I kill
Titre original: Il gatto dagli occhi di giada
Genre: Giallo
Année: 1977
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Antonio Bido
Casting:
Corrado Pani, Paola Tedesco, Franco Citti, Fernando Cerulli, Giuseppe Addobbati...
Aka: The Cat with the Jade Eyes / The Cat's Victims
 

Mara (Paola Tedesco) est une artiste de cabaret. Un soir, tandis qu'elle est dans un taxi, elle demande à s'arrêter devant une pharmacie pour s'acheter de l'aspirine. La porte semble ouverte, mais une personne tapie dans l'ombre l'empêche de rentrer, prétextant que la boutique est au contraire fermée. La jeune femme ne le sait pas encore, mais elle vient de croiser un assassin, celui de Biagio Dezzan, le pharmacien gisant encore dans son échoppe. Du coup, devenue témoin involontaire d'un meurtre, Mara ne va pas tarder à constater, dès lors qu'un inconnu tente de pénétrer dans son appartement, qu'elle court un sérieux danger. Mis au courant de la situation, son ami Lukas (Corrado Pani), ingénieur du son, va se transformer en détective privé pour mener sa propre enquête, parallèlement à celle d'une police étrangement absente. Peu de temps après, le cadavre d'une femme est retrouvé dans sa demeure, le visage horriblement brûlé. Elle s'appelait Esmeralda Messori. Au cours de ses investigations, Lukas se rend compte qu'un point commun relie les deux victimes : elles furent voici quinze ans désignées comme jurés, lors d'un procès où un certain Pasquale Ferrante (Franco Citti) fut condamné pour meurtre. Or, ce même Ferrante s'est évadé voici environ deux mois...

 


Rien ne prédestinait Antonio Bido à se faire un nom dans le cinéma de genre, et particulièrement le giallo. Le cinéaste reconnaît honnêtement qu'à l'époque il ne connaissait pas du tout ce genre cinématographique. Et puis, l'occasion s'est présentée, et il a donc commencé un script qui s'appelait à l'origine "Commissione omicidio" (qu'on pourrait traduire par "Meurtre sur ordre"). L'intrigue du film que Bido devait donc réaliser n'a pas eu pour effet de satisfaire complètement les différents producteurs. Bien que le giallo était alors en phase de déclin, la production pensait qu'il y avait un coup à jouer si l'on reprenait les ingrédients qui avaient fait le succès des films de Dario Argento. Le réalisateur dut modifier son script, en y intégrant des passages ressemblant au style de son illustre prédécesseur. Du même coup, le titre du film changea pour sonner comme l'une des œuvres de la trilogie animalière du maestro : "Commisione omicidio" devînt ainsi "Il gatto dagli occhi di giada" ("Le chat aux yeux de jade"). Pour parachever le tout, la bande originale, confiée à un groupe inconnu (et qui le restera), Trans Europa Express, était censée évoquer "Les Frissons de l'angoisse" ou encore "Suspiria", à grands coups de guitare acoustique, de basse au son très lourd et de voix sépulcrales. Sous entendu, la partition devait faire penser aux Goblin, et le moins que l'on puisse dire, c'est que Trans Europa Express exécuta cette tâche avec brio.

 


Partant sur de telles bases, on pourrait légitimement douter de l'authenticité du style d'Antonio Bido dans ce qui était donc son premier film. Pourtant, le réalisateur a néanmoins réussi à imposer (partiellement, bien sûr) sa patte, notamment dans la seconde partie à Padoue, chose qui lui tenait particulièrement à cœur dans la mesure où il y avait fait ses études. En visionnant "Watch me when I kill" (titre d'exploitation aux Etats-Unis), on remarque assez vite qu'Antonio Bido ne s'intéresse pas à deux des aspects spectaculaires du giallo : l'érotisme et la mort graphique. Certes, la violence est bel et bien présente, et les cadavres s'accumulent tout au long du film ; mais si l'on excepte le meurtre d'une femme dont la tête est coincée dans un four (anticipant le "Rosso sangue" de Joe D'Amato), les morts ne provoquent pas la peur ni le dégoût. On a même droit à un meurtre presque "beau" dans sa structure, celui d'un homme âgé au corps frêle étranglé dans sa baignoire par le cordon de la douche, un meurtre filmé sous plusieurs angles avec en fond musical le "Dies Irae" de Verdi. De vengeance il en est d'ailleurs question dans ce film, et jamais, je dois dire, je n'ai trouvé de motivation aussi logique, autant justifiée pour un tueur dans un giallo. Les arguments du coupable sont pour une fois totalement défendables, et l'on n'a pas affaire à un trauma d'enfance bidon, ni à une sombre machination tirée par les cheveux. Et c'est vrai que cela fait plaisir. Par conséquent, la qualité de l'histoire parvient à contrebalancer le relatif abandon des codes habituels du genre.

 


Et si le spectateur peut être en droit de se sentir léser sur la "marchandise" par certains aspects, il ne pourra qu'approuver le savoir-faire de Bido pour ce qui est du script, et de son dénouement qui n'exclue ni la surprise, ni l'émotion, et qui nous ferait même verser quelques larmes.

"Watch me when I kill" est scindé en deux parties relativement égales : l'une se déroulant à Rome, l'autre à Padoue. Indubitablement, cette seconde partie est la plus aboutie. Elle comporte les meilleures scènes, celle du meurtre dans la baignoire évoqué plus haut, mais aussi celle où Lukas, parvenant au terme de son enquête, échappe de peu à un accident fatal dans une maison abandonnée. D'une manière générale, l'atmosphère de Padoue paraît presque irréelle, avec ses rues désertes, à l'exception de quelques personnages forts étranges. Cette ambiance mystérieuse parvient à nous rendre mal à l'aise, et l'on pense parfois au climat tout aussi pesant qui règne dans "La Maison aux fenêtres qui rient". Antonio Bido admire Pupi Avati, et cela se sent, notamment lorsque Lukas pénètre dans une maison où une cantatrice donne un récital devant un parterre de grands-mères profondément endormies. Dans cette demeure hors-du-temps, cachant un terrible drame s'étant déroulé pendant la seconde guerre mondiale, le héros n'est plus très loin de la vérité.

 


Ce héros, Corrado Pani, ne devait pas jouer dans le film, à l'origine, puisqu'Antonio Bido avait choisi Philippe Leroy. Mais il était dit que la production aurait systématiquement le dernier mot. On aurait pu préférer Leroy, sans aucun doute, Pani se montrant un peu trop désinvolte, affrontant le danger avec une décontraction frisant parfois l'insolence. C'est pourtant un bon acteur, qui joua notamment dans "Rocco et ses frères", mais aussi dans "Secrets of a Call-girl", aux côtés d'Edwige Fenech, ainsi que dans "Le parfum du Diable", de Sergio Martino. Paola Tedesco a aussi tourné sous la caméra de Martino, dans un polar inédit en France : "La polizia accusa : il servizio segreto uccide". Dans un genre tout à fait différent, on a pu la voir également dans "Les amazones font l'amour et la guerre".

Les cinéphiles fans de Pasolini reconnaîtront Franco Citti ("Oedipe roi", "Le Decameron", "Les mille et une nuits"), dans un second rôle. Autres seconds rôles d'importance : Fernando Cerulli ("La clinique sanglante", "Byleth", "Death smiled at Murder") et Giuseppe Addobbati ("Les amants d'outre-tombe", "Le temps du massacre", "Portier de nuit") traversent le film avec une grande classe. N'oublions pas également Paolo Malco, vu notamment dans "La maison près du cimetière" et "L'éventreur de New-York", mais aussi dans "Sinful Nuns of St-Valentine".

 

 

Un dernier mot à propos d'Antonio Bido, il récidivera l'année suivante avec un second thriller aux accents "argentesques" : "Solamente nero" ("Terreur sur la Lagune"). Dans ce giallo, l'ombre d'Argento sera encore plus manifeste, et même le talentueux Stelvio Cipriani ira jusqu'à copier les Goblin, à son tour. Bien que plus spectaculaire, "Solamente nero" s'avère finalement moins réussi que "Il gatto dagli occhi di giada".

 

Note : 7,5/10

 

Flint
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