Bronson
Genre: Drame , Action
Année: 2008
Pays d'origine: Angleterre
Réalisateur: Nicolas Winding Refn
Casting:
Tom Hardy, Matt King, Kelly Adams, Katy Barker, Edward Bennett-Coles, Amanda Burton, James Lance...
 

1974, en Angleterre - Michael Peterson braque un bureau de poste, dérobe la bagatelle de 26 livres sterling, avant de se faire arrêter juste après son larcin. Jugé, il est condamné à sept ans de prison. Agé d'une vingtaine d'années, sans casier judiciaire, Peterson peut espérer une remise de peine. Mais au contraire, l'univers carcéral devient très vite son terrain de jeu, et même le théâtre de ses aspirations. Car Peterson éprouve un besoin considérable de reconnaissance. Ses poings constituent son art ; sa force, sa rage et un caractère obstinément asocial vont lui permettre d'accéder à son rêve : la célébrité...

Michael Gordon Peterson est désormais un héros du 7ème Art. Mais il est avant tout un personnage réel, né en 1952, et dont le surnom, Charles "Charlie" Bronson, lui sera trouvé en 1987 par l'organisateur de ses combats.
Marié très jeune, en 1970, Peterson a cumulé divers boulots en rapport avec ses aptitudes naturelles, comme briseur de chaînes, ou encore boxeur à mains nues. Après son incarcération à la suite du vol au bureau de poste de Little Sutton, Peterson verra sa peine rallongée pour des délits répétés à l'intérieur même de la prison. Cela comprend des actes de violence multiples sur des codétenus et des membres du personnel pénitentiaire, ainsi qu'une douzaine de prises d'otages (la plus célèbre étant celle de son professeur d'arts plastiques, relatée dans le film).

Depuis 1974, Peterson n'aura connu la liberté qu'environ quatre mois. Il a passé trente quatre années en prison, dont trente en isolement. Durant cette longue période, il a connu plusieurs dizaines de centres de détention et trois hôpitaux spécialisés. Celui qui est devenu le prisonnier le plus célèbre d'Angleterre se trouve actuellement dans la prison de Wakefield, qui accueille une bonne partie des détenus de "haute sécurité" du Royaume-Uni. Il n'est plus en contact avec le moindre prisonnier depuis dix ans. La justice l'a condamné à la perpétuité en 2000, bien qu'il n'ait jamais commis de meurtre, et qu'il ait été déclaré sain d'esprit. Depuis ces dix dernières années, Peterson, alias Charlie Bronson, a renoncé à la violence. Il a écrit des ouvrages de poésie, des pièces de théâtre, un guide des prisons, un autre de Fitness, et réalisé divers dessins et esquisses. Ses oeuvres ont été publiées. D'une certaine manière, Bronson a réalisé son rêve : devenir célèbre, après avoir été le détenu le plus renommé du pays.

 

 

Avec un tel background, il n'est guère étonnant qu'un cinéaste se soit penché sur l'histoire de cet homme pour le moins atypique. Chacun sera en droit de trouver le personnage fascinant ou pathétique. Toujours est-il que ses actes ne peuvent laisser indifférents. On pourrait considérer Bronson uniquement comme une brute épaisse sans cervelle. Mais que penser d'un type qui, à la suite d'une de ses nombreuses prises d'otage au sein même d'une prison, demanda comme rançon une poupée gonflable avec une tasse de thé ?
Finalement, c'est le réalisateur danois Nicolas Winding Refn (la trilogie "Pusher", "Fear X", "Valhalla Rising") qui s'y colle. Il était pourtant occupé à la pré-production de "Valhalla Rising" quand on lui proposa "Bronson". Il aurait donc pu légitimement refuser. Mais voilà, l'histoire de Bronson était suffisamment riche et originale pour en tirer un long métrage. Encore fallait-il trouver un acteur capable de relever le défi, ce qui n'était pas évident. Et cet acteur, Refn l'aura trouvé en la personne de Tom Hardy ("Layer Cake").

Pourtant, leur première rencontre ne s'était pas bien passée, bien au contraire. Du coup, le metteur en scène avait envisagé Jason Statham ou Guy Pearce. Mais en fin de compte, Hardy obtiendra le rôle, et c'est tant mieux. Afin d'incarner Bronson, l'acteur s'est offert une transformation digne d'un Robert De Niro dans "Raging Bull". Une métamorphose autant mentale que physique, puisque Hardy est parvenu à ressembler à Bronson de façon incroyable, dans son look (crâne rasé et grosse moustache, une allure d'hercule de foire que fut d'ailleurs le prisonnier), sa carrure (Hardy a dû prendre pas loin de vingt kilos de masse musculaire en six semaines), et sa façon de marcher ainsi que de s'exprimer. A la différence de Refn (qui dût se contenter d'un entretien téléphonique d'une vingtaine de minutes avec le prisonnier), Hardy avait été en mesure de rendre visite à Bronson à la prison de Wakefield, avant le tournage. Nul doute que cette rencontre aura exercé une forte influence sur l'acteur.

 

 

"Bronson" se résume presque à un "One Man Show". Presque, mais pas totalement. Ce serait commettre une injustice envers les seconds rôles, tous à leur place, qu'il s'agisse d'Amanda Burton (la mère de Charlie), ou de James Lance (le professeur d'arts plastiques). Mais la palme revient sans contexte à Matt King, magistral dans un rôle d'ex-codétenu homosexuel raffiné et décadent, sorte de dandy pervers et pourtant attachant, et qui prendra Bronson sous son aile le peu de temps qu'il passera en liberté, organisant pour lui des combats de boxe clandestins.

L'un des autres tours de force de Refn est d'avoir su s'entourer d'une équipe efficace (et à moindres frais), notamment dans le choix des décors (incroyables scènes dans un asile psychiatrique, tournés dans l'abbaye de Welbeck, à Nottingham), et qui a parfaitement restitué à l'écran trois décennies marquantes au niveau de l'atmosphère du cadre, depuis les "Swinging Sixties", jusqu'aux années 80 "New Wave". A ce propos, le choix des morceaux musicaux retenus pour "Bronson" est également une grande réussite. Si la dominante est classique (Wagner, Strauss, Bruckner, Puccini, mais aussi le Nabucco de Verdi et le Lakmé de Leo Delibes admirablement intégrés dans le film), les nostalgiques de la scène pop anglaise des années 80 auront le plaisir de reconnaître quelques groupes majeurs de cette époque, comme New Order et les Pet Shop Boys. Certains passages, comme lorsque Bronson se rend chez son oncle Jack, sorte de proxénète maniéré, rappellent même les clips de Frankie Goes To Hollywood. Cette ambiance gay traitée avec légèreté lors des quelques moments de liberté de Peterson contraste évidemment avec la dureté de l'univers carcéral.

"Bronson" n'est pas à proprement parler un biopic. En effet, la vie de Michael Peterson n'y est pas retranscrite de manière fidèle, ni réaliste. En fait, le réalisateur y a apporté une grosse part de lui-même, le film servant en quelque sorte de catharsis, un moyen d'expulser ses propres angoisses. Ainsi, la scène où Bronson prend son professeur de dessin en otage, lui peint le visage après l'avoir attaché, et redessine ses traits à la façon d'un tableau de Magritte, n'a jamais existé en tant que telle. Dans la réalité, ce fait divers fut plus "ordinaire". Mais l'idée que Refn a développé ici, de retranscrire cette scène, était sa façon de montrer au spectateur le réalisateur achevant son film, de la même manière que Bronson mettait une touche finale à son oeuvre. D'une certaine façon, dans cette scène confinant à l'onirisme et au surréalisme (le héros est nu et recouvert de cirage noir), Michael Peterson finit par devenir lui-même une oeuvre d'art.

Comme Charlie Bronson, Nicolas Winding Refn avoue avoir été obsédé à l'idée de devenir célèbre, si bien que cela lui a permis de mieux cerner le personnage central de son film, tout en évitant de le glorifier, ou de le condamner. Refn se garde bien de prendre parti, et le fait qu'il ne se soit pas attardé sur le passé de Michael Peterson (l'enfance, l'adolescence...) peut être considéré comme un refus de sa part de le juger, dans un sens ou dans l'autre. Le plus important est que le film soulève de vraies questions. A travers cette allégorie d'un "artiste" cherchant son moyen d'expression, l'exemple de Bronson démontre qu'on ne peut pas changer la nature d'une personne, et que de la mettre en prison ne sert à rien (postulat qui rapproche le film de "Orange mécanique"). En cela, on peut effectivement trouver pas mal de points communs, à travers ce film, avec Stanley Kubrick. Mais Refn, s'il reconnaît quelques apartés avec le réalisateur mythique, avoue avoir été essentiellement influencé par les travaux de Kenneth Anger.

 

 

Faut-il aider les gens, ou juste les enfermer ? C'est une autre question que pose le réalisateur en filigrane, de même que le fait de rechercher à tout prix la célébrité, sans en connaître les conséquences. Visuellement, "Bronson" est également une réussite, et Tom Hardy identifie son personnage pour ce qu'il est vraiment : un gladiateur dans l'arène, ou encore un grand fauve dans son milieu naturel. On imagine que le vrai Bronson apprécierait le film, si on l'autorisait à le voir. Après avoir visionné cette oeuvre, on aurait presque envie de ne pas plaindre cet homme, bien qu'il ait passé la plus grande partie de sa vie en prison, parce qu'il a, par ce biais, trouvé sa voie, sa raison d'exister.

 

 

Note : 8/10

 

Flint

 

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