La planète Jillucia, autrefois paisible, est devenue le théâtre de la tyrannie des terribles envahisseurs, les Gavanas, ayant implanté leur forteresse par la force et la terreur. En dernier recours, le chef des survivants Jilluciens s'en remet au Dieu Liabé, en dispersant huit noix divines à travers l'univers qui, selon la légende, seront capables de découvrir les huit valeureux guerriers qui uniront leurs forces en vue de libérer Jillucia. Le premier d'entre eux sera Shiro...
Manifestement inspiré de "La Guerre des Etoiles" dans sa conception, ce film surfe directement sur le succès de la saga de Georges Lucas. Il est en outre sorti cinq mois avant l'épisode IV de "Star Wars", et a remporté un succès comparable au film de Lucas, tout ceci, dans l'archipel Nippon. On y retrouve des thèmes similaires, tels celui de l'empire tyrannique contre lequel se soulève une poignée de rebelles, ainsi que le motif du jeune homme qui doit accomplir sa destinée. Malgré tout, "Les évadés de l'espace" conserve son originalité propre et est bien plus qu'un simple plagiat, notamment grâce à la réalisation soignée de Kinji Fukasaku.
Celle-ci éclate surtout sur un plan visuel, et même si ces "évadés de l'espace" montrent souvent trop facilement leurs ficelles, à l'instar de maquettes qui ressemblent à des... maquettes, au niveau graphique le film recèle quelques images somptueuses, aux couleurs toutes nippones. A cet égard, il convient d'apporter la précision suivante : autant voir le film dans sa version originale que dans l'horrible édition française de chez Ak Vidéo, faite uniquement pour exploiter la série qui s'en suivit, et ne respectant qu'en peu de choses l'œuvre de base. Non seulement celle-ci ne propose qu'une simple piste française, post-synchronisée tardivement et disons le tout net, à la va vite, mais aussi, les noms des protagonistes y ont été changés pour coller à la série pourtant logiquement tournée après. Ainsi, les forces du mal, à l'origine les Gavanas deviennent les Stressos, tandis qu'Esmeralida devient Eolia, Shiro, Ayato et le robot s'appelle Sidero au lieu de Beba. Quant à la musique, on devra se taper une nouvelle fois la partition de l'horrible Didier Barbelivien avec les paroles écrites par le sieur Eric Charden, en lieu et place de la sympathique bande composée par le très rare Ken-Ichiro Morioka. Bref, vous voici prévenus, et à moins de vouloir privilégier une nostalgie toute enfantine, issue de la fameuse série qui s'en suivra, on sera plus inspiré, tant qu'à faire, de découvrir cette livraison, soit, mineure dans la filmographie de Fukasaku, dans sa version originale. Voilà qui est dit.
Mineure, certes, car Kinji Fukasaku ne parvient pas toujours à se démarquer de son modèle 'lucasien', et en reprend un peu trop la fructueuse recette. Heureusement encore que le singe fumeur, Sliman, n'est pas de la partie, sinon quoi, avec le clone de Chewbacca, le réalisateur frôlerait la correctionnelle. Ailleurs, la trame évolue sur les mêmes bases que "Star Wars", avec ce despote empirique aux allures de samouraï (du reste fort bien campé par Sonny Chiba), et nos deux comparses, Aaron et Shiro (respectivement joués par l'américain et peu charismatique Philip Casnoff – avec ensuite une grosse carrière pour la télévision et dont c'est ici le premier rôle au cinéma – et le déjà plus consistant Hiroyuki Sanada, déjà aperçu aux côtés de Chiba dans "The Executioner", et pour faire court, plus récemment dans "Speed Racer"). Ceux-ci sont bien trop calqués sur les personnages de Luke Skywalker et de Han Solo. Qui plus est, Fukasaku nous balance d'entrée une scène de course poursuite pour le fun, ainsi qu'une autre scène dans un bar, deux scènes qui ne manqueront pas d'évoquer le classique déjà suffisamment nommé ici. Encore heureux qu'un esprit désinvolte les unisse, quoique né une fois de plus de la même source, même s'il tend à conférer au film un esprit peu sérieux des plus sympathiques. Non, celui qui n'est pas loin de voler la vedette à toute la galaxie, c'est Vic Morrow dans le rôle du General Garuda, qui se ralliera à la cause de la princesse Esmeralida, et qui surtout représente à lui tout seul un vrai défilé de mode. Du trench-coat "moumouté" avec chapeau anglais et lunettes noires, puis en costume violet à épaulettes dues à son rang, il offre un véritable festival à lui seul. Il contribue, dirons-nous, au charme certain de ces aventures intergalactiques foisonnantes, opportunistes, brouillonnes mais plutôt plaisantes en définitive.
Il s'agit d'une co-production de Tohokashinsha Film Company et de la légendaire Tôei Company, tournée dans l'urgence afin de surfer sur le succès américain. Et si le talent de Kinji Fukasaku, tout de même plus inspiré dans le domaine du film de Yakuzas ("Police contre syndicat du crime"), n'est pas à remettre en cause, cela se voit. A cet égard, on préférera dans un registre assez proche, et comme friandise spatiale, sa "Bataille au-delà des étoiles", tournée en 1968, qui offrait d'avantage de plaisir pour les yeux. Peut-être aussi que l'esthétisme Sixties y contribuait, avec notamment ses femmes à jupettes 'flashy', sa créature 'slimesque' toute droit sortie de la décennie précédente, et son technicolor très flatteur pour l'œil. Toujours est-il que le réalisateur offre ici un spectacle agréable et distrayant, sans véritable temps mort, dans lequel les héros sont définis par des noix scintillantes ( ?!). D'un côté, certains plans sont très beaux (dûs à Toru Nakajima, fidèle collaborateur de Fukasaku -"Yakuza Graveyard" - qui l'a fait débuter) et de l'autre on nous offre un déchaînement parfois brouillon, mais rempli d'un charme naïf, de maquettes explosant à tout va. Nous aurions alors tort de bouder cela outre mesure, et il s'agit, somme toute, d'un film sympathique. Le résultat s'avère d'ailleurs tout de même plus réussi que son interminable et indigeste "Virus" et son défilé à la queue leu leu de seconds plans américains. Etrangement, ces "évadés de l'espace" (dont il faudra pour l'apprécier, vous l'aurez compris, retrouver un peu de son âme d'enfant), m'ont fortement donné envie de revoir son improbable mais formidable "Lézard noir".
Mallox