Inferno
Genre: Horreur , Fantastique , Sorcellerie
Année: 1980
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Dario Argento
Casting:
Eleonora Giorgi, Leigh McCloskey, Irene Miracle, Gabriele Lavia, Daria Nicolodi, Sacha Pitoëff, Alida Valli, Veronica Lazar, Ania Pieroni...
 

Rose Elliot (Irene Miracle) habite dans un vieil immeuble à l'architecture inquiétante, dans New-York. Non loin de là se trouve l'échoppe d'un antiquaire handicapé, Kazanian. Elle lui rend visite de temps à autres, et lui achète un jour un livre ancien ayant pour titre "Les trois Mères". Il s'agit d'un ouvrage traitant d'alchimie et d'occultisme, rédigé par un certain Varelli. Il est question dans ce livre de trois entités maléfiques connues sous le nom des trois Mères, qui vivraient encore aujourd'hui, cachées dans trois villes, dont New-York. Certains détails mentionnés dans l'ouvrage ne manquent pas de troubler Rose, qui finit par se demander si l'immeuble où elle vit ne servirait pas de repaire à l'une de ces entités, celle appelée Mater Tenebrarum. Un premier indice concerne l'odeur pestilentielle se dégageant aux alentours de l'édifice. Deux autres "clés" de l'énigme laissée par Varelli se trouveraient respectivement dans les fondations, et, curieusement, sous la semelle des chaussures.

 

 

En s'aventurant dans les caves labyrinthiques de l'immeuble, Rose aperçoit un trou au fond duquel d'anciens appartements sont totalement immergés. Après avoir fait tomber ses clés dans la cavité, la jeune femme se voit contrainte à plonger pour les récupérer. Elle découvre alors un tableau représentant Mater Tenebrarum ainsi qu'un cadavre putréfié.
En rentrant chez elle, elle décide de faire part de ses découvertes à son frère Mark (Leigh McCloskey), qui vit à Rome où il suit des études de musicologie. Par un concours de circonstances, et l'interférence de Mater Lachrymarum, Mark Elliot égare la lettre, mais celle-ci est récupérée par une amie et collègue étudiante, Sara (Eleonora Giorgi). Après avoir pris connaissance du courrier, elle se rend à la bibliothèque, où se trouve un exemplaire de l'ouvrage de Varelli. Sara cherche à sortir avec le livre, mais elle se perd dans les sous-sols, et finit par tomber dans un lieu étrange qui pourrait être un laboratoire d'alchimie. Un homme aux mains brûlées la menace et récupère l'ouvrage. Sara parvient néanmoins à échapper à son agresseur et à rentrer chez elle. Mais elle ne se sent pas en sécurité pour autant...

 

 

En 1977, "Suspiria" marque les débuts de Dario Argento dans le cinéma d'horreur. Le spécialiste du thriller transalpin abandonne provisoirement le giallo, qui l'a révélé au grand public, pour livrer une oeuvre baroque et fantastique. Il s'inspire d'un recueil d'essais inachevés de l'écrivain Thomas De Quincey, "Suspiria de Profundis", et plus particulièrement de l'essai intitulé "Levana and Our Ladies of Sorrow". Dans cette nouvelle, De Quincey imagine les personnages de Mater Lachrymarum (la Mère des Larmes), Mater Suspiriorum (la Mère des Soupirs) et Mater Tenebrarum (la Mère des Ténèbres).
A partir de ces trois personnages, Dario Argento crée une histoire de sorcellerie, faisant des trois Mater de puissantes sorcières dont l'origine remonte au 11ème siècle. Ces trois soeurs accumulent richesses et pouvoirs au fil des siècles, et laissent derrière elles chaos et destruction. Au cours du 19ème siècle, elles se font construire chacune une bâtisse par l'architecte et alchimiste italien Varelli. A l'intérieur de ces bâtiments, les Trois Mères seront à même de savoir tout ce qui se passe autour d'elles et de contrôler le monde. Par la suite, Varelli, ayant pris connaissance de la nature maléfique des soeurs, écrira ses mémoires dans un ouvrage intitulé "Les trois Mères", en latin. Le livre sera ensuite traduit en anglais, à quelques exemplaires, par un écrivain anonyme.
Les trois maisons édifiées par Varelli se trouvent à Freiburg, New-York et Rome. Mater Suspiriorum, la soeur aînée, vit secrètement dans celle de Freiburg. Sous le nom d'Helena Markos, elle fondera en 1895 une académie de danse, avant de faire croire à sa mort dix ans plus tard dans un incendie. Mater Suspiriorum continuera d'initier de nouveaux membres aux sciences occultes et à la sorcellerie, jusqu'aux événements débutant dans "Suspiria", et le personnage de Suzy Bannion (interprété par Jessica Harper) qui découvrira l'incroyable vérité.
Arrive alors "Inferno", deuxième volet de la trilogie, ayant pour cadre New-York, qui abrite le repaire de Mater Tenebrarum, la plus jeune mais aussi la plus cruelle des trois soeurs. Rien ne viendra troubler son existence secrète, jusqu'au jour où Rose Elliot, qui occupe l'un des appartements de la résidence construite par Varelli, trouvera un exemplaire du livre "Les trois Mères" chez un vieil antiquaire, et finira par réaliser que l'immeuble dans lequel elle habite abrite une créature infernale. "Inferno" nous montre également Mater Lachrymarum, la plus belle et la plus puissante des trois soeurs, lorsque Mark Elliot (le frère de Rose), étudiant en musicologie à Rome, se trouve dans un amphithéâtre. La sorcière est incarnée par Ania Pieroni. Caressant un chat, elle tente d'envouter le jeune homme avant de disparaître. On la reverra brièvement plus tard, dans un taxi, après que Mark Elliot ait constaté l'horrible meurtre de son amie.

 

 

Après bien des années, Dario Argento réalise enfin en 2007 le troisième et dernier volet, sobrement intitulé "The Mother of Tears", dans lequel Mater Lachrymarum sème le chaos à Rome. Malheureusement, le film s'avère décevant en tous points. Si bien qu'avec le recul, on en vient à se demander si Dario Argento n'aurait pas mieux fait d'en rester à un diptyque, avis d'ailleurs partagé par Luigi Cozzi, qui estime pour sa part que l'histoire ne nécessitait pas un troisième volet, dans la mesure où la deuxième et la troisième Mère étaient présentes dans "Inferno".
Enfin, toujours est-il que "Inferno" voit le jour trois ans après "Suspiria", considéré encore aujourd'hui comme la meilleure oeuvre d'Argento avec "Les frissons de l'angoisse", et même l'un des meilleurs films d'horreur de tous les temps. Tourner une suite à "Suspiria" était sans aucun doute un défi de taille, auquel le metteur en scène s'est attelé, en prenant soin de ne pas réaliser une copie conforme. Exit donc la musique des Goblin, au profit du rock progressif autant symphonique que pompier de Keith Emerson ("Murderock"), celui-là même du groupe Emerson, Lake and Palmer. L'excellent travail effectué par le directeur de la photographie Luciano Tovoli sur "Suspiria" n'empêche pas non plus Argento de faire appel à quelqu'un d'autre pour "Inferno" ; son choix se porte ainsi sur Romano Albani (qui récidivera avec "Phenomena"). Son travail sur les bleus et les roses, de même que sur les noirs et les rouges constitue l'une des réussites du film, doté d'une esthétique comparable au premier volet, et en tout cas visuellement magnifique.

 

 

Hélas, au niveau du scénario, de la réalisation et du casting, c'est loin d'être parfait. Là où "Suspiria" possédait une grande fluidité, en partie grâce à l'apport d'un personnage central en la personne de Suzy Bannion, avec qui le spectateur était en mesure de suivre une trame relativement linéaire bien que riche, "Inferno" a plutôt tendance à nous égarer et nous embrouiller pour des raisons pas forcément justifiées (le laboratoire d'alchimie sous la bibliothèque ; la sous-intrigue entre Carol, la concierge, et John, le domestique ; l'éclipse de lune...). Certaines scènes tirent aussi en longueur, comme celle où Rose tente de récupérer ses clés dans les fondations immergées, ou celle encore où Kazanian s'évertue à noyer les chats ; d'autres sont carrément ratées (le "lâcher de chats" sur Daria Nicolodi). Mais le problème vient surtout de l'absence d'un personnage aussi étoffé que celui tenu par Jessica Harper dans "Suspiria". "Inferno" laisse tout d'abord penser que Rose va être le personnage principal de l'histoire. Puis, on se dit que ce sera Mark, en fait, avant qu'on ne se rabatte sur Sara, puis finalement sur Mark, encore. Mark... Quelle erreur ! Car autant les prestations d'Irene Miracle ("Le dernier train de la nuit", "Midnight Express") et Eleonora Giorgi ("Une histoire du 17ème siècle", "Jeunes, désespérés, violents") sont irréprochables, autant celle de Leigh McCloskey relève du pathétique.
Notre blond moustachu apparaît terriblement apathique dès sa première scène dans l'amphithéâtre, jusqu'au final, et l'on en vient à regretter que cet acteur américain ne soit pas resté dans "Les profondeurs du triangle des Bermudes", téléfilm mièvre dans lequel il partageait la vedette avec Connie Sellecca, deux ans plus tôt. "Inferno" manque cruellement de premiers rôles, mais peut-être était-ce intentionnel de la part du metteur en scène. Alors certes, Alida Valli est encore là, mais son personnage est bien moins étoffé que celui qu'elle tenait dans "Suspiria" ; Daria Nicolodi est quelque peu sacrifiée dans un rôle de femme à la santé fragile, mais son mari de Dario lui épargnera une mort horrible, car seulement suggérée à l'image ; et Sacha Pitoëff parvient quand même à tirer son épingle du jeu. Enfin, on appréciera les apparitions hélas trop brèves de Veronica Lazar ("L'au-delà", "Le syndrome de Stendhal") en infirmière pas si dévouée qu'on voudrait bien le croire, et de la magnifique Ania Pieroni ("La maison près du cimetière", "Ténèbres").

 

 

Dario Argento, dans "Inferno", se permet toutes les fantaisies, et toutes les outrances, lors des mises à mort de ses personnages. Le meurtrier, dont on ne voit jamais que le bras, semble toujours surgir de nulle part, et paraît doué du don d'ubiquité. Il est à Rome, et presque en même temps à New-York. Mais quoi de plus normal, finalement, s'il s'agit de la Mort elle-même ? Car après tout, les trois Mères ne sont-elles pas qu'une seule entité, la personnification de nos cauchemars, et l'incarnation de nos pêchés ? Avec les trois Mères, le réalisateur s'offre une Sainte Trinité qui ferait pâlir le Vatican. Et avec "Inferno", il joue (comme dans "Suspiria") avec les couleurs, les architectures tourmentées et les éléments. Comme "Suspiria", en effet, "Inferno" voit la pluie revenir tel un leitmotiv dans les scènes nocturnes, et les flammes avoir le dernier mot (d'où les propos de Mater Tenebrarum : "Tout brûle. Tout va être détruit. Comme la dernière fois.")
Malgré son aspect outrancier qui peut en agacer, sinon en rebuter plus d'un, "Inferno" demeure un spectacle en partie réussi, servi par une photographie et des décors somptueux, et une musique de Keith Emerson (en alternance avec le Nabucco de Verdi) qui, si elle ne fait pas oublier les partitions de Goblin dans "Les frissons de l'angoisse" et "Suspiria", parvient néanmoins à transmettre une folie hystérique en adéquation avec les images. Pour l'anecdote, une partie des effets spéciaux furent confiés à Bava père et fils (Mario Bava mourra quelques mois plus tard), ce qui symbolise assez bien l'aspect chaotique de "Inferno", dans lequel le meilleur côtoie le pire.

 

 

Note : 7/10


Flint

 

En rapport avec le film :

 

# La fiche dvd Wild Side du film "Inferno"

 

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