Vierge violente, La
Titre original: Gewalt! Gewalt : shojo geba-geba
Genre: Pinku eiga
Année: 1969
Pays d'origine: Japon
Réalisateur: Koji Wakamatsu
Casting:
Eri Ashikawa, Toshiyuki Tanigawa, Miki Hayashi, Akitaka Kimata...
 

Après un aussi bref que fulgurant montage de clichés photographiques portant un regard tout aussi critique que préventif sur l'urbanisation/modernisation du Japon, la campagne s'impose, apportant ses sempiternelles bourrasques de vent et son infini pouvoir de séduction.

 

 

Le constat, lui, demeure sans appel : adieu l'effervescence humaine, bonjour le vide abyssal d'un lieu désertique.
Sur les restes d'une route sinueuse, deux voitures se suivent. L'on découvrira tout d'abord la première, où trois garçons en détiennent un autre, puis le visage de la seconde : trois femmes et, les yeux bandés comme le premier, une détenue. Un cortège "original".
Le silence s'installant, une croix de crucifixion fait soudainement son entrée dans le champ. L'arrêt des moteurs parlera au nom du scénario : elle n'est pas là par hasard. Petit à petit, l'équipée prendra possession des lieux, et à force de taquineries et autres persécutions puériles, les détenus se retrouveront nus. Tout d'abord inconnus, ils deviendront par la suite amants. Ne l'étaient-ils pas avant que le film commence ?

 

 

Quoiqu’il en soit, l'autorité qui plane sur eux paraît des plus dérisoires ; puis, qui est ce "boss", ce mystérieux démiurge, maître de leurs tristes bourreaux ? Ses ordres sont d'ailleurs tout aussi abstrait que son personnage : leitmotivs au début, échos à la toute fin ; Hoshi doit baiser les femmes, Hoshi doit être le boss. Wakamatsu nous le rappellera tout au long du film : retiré du monde "civilisé", l’homme gagne à nouveau ses pulsions originelles. Méditons.
L'année 1969, pour Wakamatsu, laisse transparaître des goûts plus "expérimentaux", pour des oeuvres à mi-chemin entre un contemplatif déchu et une immersion paralysante digne d'un film de Jodorowsky. L’ensemble tient alors parfois plus de l'ordre du conceptuel que de l'intrigue narrative au sens strict du terme ("Running in Madness, Dying in Love", pour n’en citer qu’un, est de cette trempe là). Doté de huit acteurs pour pas moins de quinze personnages et d'un lieu unique, "La Vierge violente" se présente à son tour tel un huis-clos en "plein-air". Le Japon y est sauvage, inconnu et indomptable, à un tel point que seul le cinémascope de Wakamatsu, tant il suinte le naturel, semble avoir pu en tirer partie.
Avec une hallucination à mi-parcours, où se confrontent rêve et fantasme, Hoshi étant alors muni d'une queue bleu/verte ("c'est un chien", nous dira-t-on), l'on sera régulièrement amené à se demander où se trouve l'ancrage au réel dans "La Vierge violente" ? Peut-être dans ces nombreux plans s'attardant sur le paysage, le ciel ; autant de temps morts raisonnant comme l'espace rythmique même du film. Ou alors dans l'asservissement des tortionnaires, esclaves d'une instance supérieure invisible certes, mais qui peut voir à l'aide de jumelles et d'un fusil à lunette. Koji Wakamatsu tire alors à grands coups de boulets rouges sur la pègre et sa hiérarchie débilisante, un système qu'il connaît bien, et agrémente son film d'un univers pré "Salò" et d'une atmosphère sadienne rarement vue au cinéma. L'on se demandera d'ailleurs s’il n'est pas l'un des seuls réalisateurs auprès duquel l'adaptation d'un des ouvrages du Marquis de Sade aurait pu se révéler possible.

 

 

L'une des scènes les plus drôles du film est celle où Hoshi baise avec les prostituées du Boss. La caméra est ainsi posée près du feu (le spectateur se retrouvant dès lors aux côtés des membres du clan) et capte un plan à la durée si longue qu'elle en devient, plus qu'ironique, franchement moqueuse. La musique - d'"ascenseur" - renforcera cette impression. Bref, Wakamatsu s'esclaffe de la lambda-attitude d'un gang qui s'ennuie et d'un univers mafieux peut-être pas si passionnant que ça. Une chose est sûre, la mafia de son cinéma est à l'opposé, pour ne pas dire aux antipodes, de celle d'un Coppola ou d'un Scorsese.
"La Vierge violente"... une perle. Comment ça, encore ?

 

 

The Hard

 

En rapport avec le film :

 

# Koji Wakamatsu - Le cinéaste de la révolte

 

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