chevalier mystérieux, Le
Titre original: Il cavaliere misterioso
Genre: Aventures , Cape et épées
Année: 1948
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Riccardo Freda
Casting:
Vittorio Gassman, Yvonne Sanson, Gianna Maria Canale, Maria Mercader, Alessandra Mamis, Hans Hinrich...
 

Un document diplomatique, faisant état de l'adhésion de la République de Venise à une alliance contre la Russie, a été transmis à une société secrète panslave. L'auteur de cette indélicatesse n'est autre que le propre frère de Giacomo Casanova, lequel promet à la Dogaresse de retrouver le document en échange de la grâce du coupable. De multiples péripéties, au cours desquelles le célèbre aventurier vénitien ne manquera pas de conquérir le cœur de belles et ténébreuses dames, conduiront Casanova jusqu'à la cour de Catherine de Russie, où le document a été transmis. Pour parvenir à ses fins, Casanova n'hésitera pas à séduire l'impératrice. Le retour à Venise sera toutefois des plus mouvementés : poursuivi par les Cosaques, Casanova verra mourir auprès de lui la seule femme qu'il ait jamais véritablement aimé, Elisabeth, et qui l'avait puissamment aidé à accomplir sa mission. C'est avec beaucoup de mélancolie que le libertin, pris pour la première fois au piège de l'amour, tentera de remettre le document à la Dogaresse...

 

 

Sorti en janvier 1950 à Nice, puis en mai à Paris, ce film très librement inspiré des "Mémoires" de Casanova n'avait guère attiré l'attention des critiques français, alors accaparés par le néoréalisme. Il fallut attendre le tout début des années 60 pour que fût redécouvert, grâce à l'opiniâtreté de quelques cinéphiles particulièrement curieux, ce délicieux chef-d'oeuvre du cinéma italien, et que fût prise en considération l'oeuvre singulièrement féconde de Riccardo Freda. Cette redécouverte fut consacrée par la publication, au printemps de 1963, d'un numéro spécial de la revue "Présence du cinéma" dirigée par Michel Mourlet, revue qui avait déjà révélé au public français des cinéastes aussi méconnus, à l'époque, que l'américain Raoul Walsh ou l'italien Vittorio Cottafavi.


C'est en Egypte, où il naquit, que Riccardo Freda devait contracter, envers le cinéma d'aventures, une passion qui n'allait jamais l'abandonner (et c'est également dans ce genre qu'il livra ses meilleurs films) : "Les arabes, c'était le spectacle dans le spectacle. Ce qui m'impressionnait, c'était leur participation au film. Lorsque le vilain, par exemple, agissait contre le héros c'était un vacarme épouvantable, des cris, des hurlements pour aviser les héros et le mettre en alerte. (...) Lorsque, par hasard, le vilain réussissait à le frapper, alors ils allaient tout droit au-dessous de l'écran, crachaient sur l'écran et montraient le poing. Tout cela évidemment vu par un enfant, a sûrement fait naître chez moi le désir de faire des films qui pouvaient passionner la foule." racontait le réalisateur.


Homme de grande culture, Riccardo Freda a pratiqué la sculpture avant d'embrasser la carrière cinématographique, au début des années 30. Après avoir travaillé comme scénariste, puis fondé sa propre société de production en 1940, il réalise en 1942 son premier film, Don César de Bazan, avec Gino Cervi dans le rôle-titre. Puisant son inspiration dans l'histoire, la légende ou la littérature (il adaptera avec bonheur des auteurs aussi divers que Victor Hugo, Dante, Pouchkine, Tolstoï ou Casanova), Riccardo Freda va signer des films d'une étonnante finesse cinématographique, dont ce Chevalier mystérieux pourrait presque être l'étendard et où la fantaisie s'appuie toujours sur un sens dramatique et visuel exceptionnel. Parmi ses autres réussites, il convient de citer "L'Aigle noir" (1946), "Theodora, impératrice de Byzance" (1953), "Le château des amants maudits" (Béatrice cenci, 1956), "La charge des cosaques" (1958), L'effroyable secret du Docteur Hichcock (1962), Sept épées pour le roi (1962).

 

 

Ignoré ou méprisé en Italie même, Freda trouvera en France sa plus authentique notoriété. Il y tournera "Les deux orphelines" (1965), film qui comporte l'un des plus jolis duels de toute l'histoire du cinéma, puis, en 1966, un succulent "Roger-la-honte" scénarisé par Jean-Louis Bory.
Lorsqu'il tourne Le chevalier mystérieux, le cinéaste est déjà complètement indifférent aux modes de son époque, et même, allons plus loin, en grand romantique, celui-ci méprise quasiment tout le siècle dans lequel il évolue pourtant. "Le chevalier mystérieux" n'en n'est qu'une preuve parmi d'autres, ébouriffant festival d'aventures autant mouvementées que romantiques, porté par un Vittorio Gassman décoiffant, qui imprime l'écran déjà d'une verve peu commune et dont c'est ici l'un des ses "premiers premiers" rôles au cinéma ; c'est un film appartenant à la partie immergée de l'iceberg cinématographique italien qui ne cesse d'être redécouvert puis réhabilité au fil des ans. Ce film est la preuve même de l'existence d'un cinéma populaire qui, pour avoir rarement les honneurs des festivals, en tout cas en son temps (Freda a eu l'honneur d'un Festival cet été 2010 à la cinémathèque française), n'en plonge pas moins ses racines dans les traditions nationales.

 

 

Le chevalier mystérieux est également la preuve que Freda fût vraiment et sans doute aussi le plus probant apôtre d'un cinéma résolument héroïque et épique à jamais perdu. Un cinéma qui n'a que faire du réalisme, lequel se voit considéré, d'une manière générale, comme la pire forme d'expression artistique. Pas étonnant donc que Freda, absolument en décalage fusionnel avec son époque, fût si longtemps méprisé, voire tout bêtement ignoré. A cet égard, "Le chevalier mystérieux" constitue peut-être la plus enthousiasmante illustration des idées et de la vision de son réalisateur. Quitte à me répéter, on y trouve un Gassman étincelant, dans une œuvre au sein de laquelle la fantaisie le dispute à la malice, ce qui ne l'empêche pourtant pas d'offrir une évocation extrêmement convaincante en même temps que très vivante du siècle des Lumières.


C'est finalement, et en toute logique, lorsqu'il cédera le plus aux modes en cours ("Maciste en enfer", pour le pur péplum de commande, "Quand l'heure de la vengeance sonnera", pour le western, Liz et Helen, L'iguane à la langue de feu, pour le giallo...) qu'il accomplira ses travaux les moins accomplis et réussis. Quoiqu'il en soit, tombé à ce jour dans un oubli quasi total et ne bénéficiant en France d'aucune édition dvd, cette excellence datant de 1948 se doit à nouveau d'être montrée au public afin d'être redécouverte et jugée à sa juste valeur. Et qu'on arrête de nous faire chier à se branler à la queue leu leu, sur le net, sur la qualité, par exemple, d'éditions de films de Dario Argento lorsqu'un tel film, d'un tel auteur au moins tout aussi passionnant, n'en dispose d'aucune. Là devrait se trouver le véritable combat à mener et le vrai scandale à révéler puis à éradiquer !

 

 

Mallox

 

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