Quand les colts fument... on l'appelle cimetière
Titre original: Gli fumavano le Colt... lo chiamavano Camposanto
Genre: Western spaghetti
Année: 1971
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Giuliano Carnimeo (sous le pseudonyme d'Anthony Ascott)
Casting:
Gianni Garko, William Berger, Chris Chittell, John Fordyce, Ugo Fangareggi, Raimondo Penne, Nello Pazzafini, Franco Ressel...
Aka: Bullet for a Stranger
 

Après avoir terminé leur éducation dans un pensionnat huppé de la côte est, les deux jeunes frères McIntire se rendent en diligence dans le ranch de leur père. Étonnés par l'aspect "pittoresque" des autres voyageurs, les naïfs frangins finissent par se rendre compte que la vie au Far West est très différente de celle de la Nouvelle Angleterre. De son coté, leur père invalide a envoyé à leur rencontre deux peons de ses employés, deux frères eux aussi, Sancho et Pedro, qui au premier abord ne semblent pas briller par leur esprit d'à propos. A leur arrivée en ville, les McIntire sont pris à partie par un dangereux individu qui les a bousculés, mais un mystérieux et mutique étranger de noir vêtu les tire de ce mauvais pas. Plus tard, dans le ranch paternel, alors qu'ils se rendent sur la tombe de leur mère, leur paternel leur raconte l'histoire des occupants de la tombe voisine, une femme et son jeune fils assassinés une dizaine d'années plus tôt par des bandits et dont l'époux gravement blessé fut soigné par leur défunte mère (aux McIntire), et est devenu depuis un pistolero redoutable. Le soir même, la réception donnée par leur père pour fêter leur retour est troublée par l'arrivé du "collecteur", le représentant d'un gang qui rackette tous les "rancheros" de la région...

 

 

Ce film oublié d'Anthony Ascott / Giuliano Carnimeo fait partie des perles méconnues du western spaghetti et est sans aucun doute l'un des meilleurs, pour ne pas dire le meilleur, de la veine comique (une branche assez mésestimée, souvent à juste titre) du genre. Car ici, l'équilibre entre western et comédie est parfait. Cette réussite, on l'attribuera en partie à la mise en scène de Carnimeo (efficace), mais surtout au scénario de ce bon vieux Enzo Barboni. Oui, vous avez bien lu, Enzo Barboni alias E. B. Clucher. Si de son coté Ascott / Carnimeo, à tort ou à raison, n'est pas réputé être l'un des meilleurs réalisateurs de "spagh", c'est peu dire que Barboni / Clucher n'a pas bonne presse parmi les cinéphiles. Souvent considéré comme le fossoyeur, rien que ça, du western italien, en lui ayant fait prendre le virage funeste de la comédie bouffonne, le pygmalion du duo Hill-Spencer aurait pour seul crédit d'avoir introduit le "slapstick" dans les films de cow-boys. Ce qui est d'ailleurs faux puisque la longue introduction du western parodique (et tchèque) de Lipský Jo Limonade (1964) est un modèle de slapstick. Mais si par la suite la carrière de Barboni se résumera à écrire et réaliser des "véhicules" de plus en plus consternants pour Hill et Spencer, en duo ou séparément, il a su à ses débuts faire autre chose que de filmer des "tartes dans la gueule". Après une longue carrière de directeur photo, son premier film est le très sympathique Ciakmull, et le premier des "Trinita" (tourné peu avant Quand les colts fument... on l'appelle cimetière), s'il n'est sans doute pas un sommet de finesse dans l'humour, reste une comédie enlevée et très efficace.

 

 

Dans Quand les colts fument... on l'appelle cimetière le côté slapstick est, soyez rassurés, très limité, avec une seule scène de bagarre à la fin du second tiers du film, une scène d'ailleurs plutôt bien foutue. Car si le film est réussi, et si son humour fait mouche, c'est grâce à l'efficacité d'un scénario reposant sur la caractérisation des personnages principaux (trois duos, en fait) et sur leurs interactions entre eux, c'est-à-dire au sein de chaque duo et entre les duos. Nous avons donc le duo des peons, comiques bouffons dans le bon sens du terme ; celui naïf des frères McIntire, sans doute le moins intéressant mais le moteur de l'intrigue ; et enfin celui plus grave des deux héros pistoleros, ou plutôt du héros et de l'antihéros, les seuls à ne pas être frères et en même temps très semblables. D'une certaine manière, le duo Garko / Berger rappelle celui de Hill et Spencer, mais débarrassé de ses éléments grotesques qui ont été répartis dans les deux autres duos du film. Par ailleurs, contrairement aux deux duos mineurs (l'un des gags récurrents du film est l'incapacité des McIntire à distinguer les deux frères peons), chacun des héros a une personnalité propre, et quelle personnalité ! Celle du personnage joué par William Berger est sans aucun doute l'une des plus originales et réussies de tous les westerns.

 

 

L'interprétation est aussi pour beaucoup dans la réussite du film. En particulier celle des deux vedettes, Garko et Berger, qui amènent leur mythologie propre tout en étant décalés par rapport à celle-ci. J'aime bien cette dernière phrase, ça fait critique pro de quotidiens nationaux. Pardon ? C'est pompeux et obscur à la fois ? C'est ce que je viens d'écrire : ça fait critique pro de quotidiens nationaux. Traduit en langage intelligible : dès que l'on voit le personnage de Garko, on se dit "Ah, il va nous refaire Sartana" ! Et en effet, il y a du Sartana dans "Cimetière", pistolero sombre et manipulateur, mais aussi son opposé car il est positif et sans cynisme. De même, le personnage de Berger reprend certaines des caractéristiques du Banjo de "Sabata", tout en étant très différent. Bref, si Garko est excellent dans un rôle qui lui va comme un gant, Berger (la classe fait homme), lui, écrase tout le reste de la distribution de son talent en tueur à gages fils d'un noble autrichien et d'une prostituée et, pour reprendre ses termes, "tenant surtout de sa mère".

Enfin, la musique de Bruno Nicolaï, aux accents (forcément) très "morriconiens" (on pense en particulier à "Pour quelques dollars de plus", est des plus réussies et accompagne parfaitement l'action. Cas assez rare pour un western spagh', il ne s'agit pas d'une coproduction tournée en Espagne ; les terres arides de l'Andalousie sont donc ici remplacées par les verdoyantes collines des Apennins. Les scènes finales se déroulent d'ailleurs dans les ruines d'un monastère baroque qui semble avoir été détruit par un bombardement aérien. Et donc, pas d'acteurs espagnols, même pour jouer des mexicains. A la place, on reconnaîtra un habitué des rôles de second couteau, des péplums aux poliziottesco, en passant donc par les "spaghetti westerns", à la trogne caractéristique : Nello Pazzafini, dans le rôle court mais saisissant de Cobra Ramirez.

 

 

Notons que ce métrage n'a jamais connu les honneurs d'une édition DVD dans l'hexagone (ni même de VHS), et qu'il est cité dans "Le retour des 101 nanars" de cette imposture de François Forestier, ce qui prouve bien, si ma modeste critique ne vous a pas convaincu, qu'il s'agit d'un excellent film.

Sigtuna

 

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