Mystérieux château des Carpates, Le
Titre original: Tajemství hradu v Karpatech
Genre: Comédie , Fantastique
Année: 1981
Pays d'origine: Tchécoslovaquie
Réalisateur: Oldrich Lipský
Casting:
Michal Docolomanský, Milos Kopecký, Jan Hartl, Vlastimil Brodský, Rudolf Hrusínský, Evelyna Steimarová, Augustín Kubán, Jaroslava Kretschmerová...
Aka: The Mysterious Castle in the Carpathians
 

27 octobre 1897 (çà, c'est de la précision) - un mystérieux fumeur de cigare regarde ce qui ressemble fortement à la version steampunk d'un écran de télévision. Sur cet écran apparaissent deux randonneurs arpentant une colline boisée. Il s'agit du comte Teleke de Tölökö (prononcez Stéléké de Steuleukeu) et de son majordome Ignace. Alors que le comte s'extasie sur le pittoresque du paysage, et en particulier sur le château en ruines qui domine la colline de sa sinistre silhouette, Ignace découvre un homme évanoui gisant sous les feuilles mortes. L'arrivée de la carriole de l'instituteur local permet de rapatrier le blessé jusqu'au village de Garouville. Là, le blessé, qui est en fait le garde forestier du coin, est confié au bon soin de sa fiancée fille du bourgmestre et unique aubergiste de Garouville. On conte alors on comte, et sans compter, la sinistre légende du château hanté et abandonné de Garouville. Teleke de Tölökö se promet donc de visiter ce mystérieux château une fois qu'il en saura plus sur la mésaventure du garde forestier. Mais celui-ci, une fois réveillé, refuse de parler, prétextant une amnésie. Le comte apprend alors que le château en ruines est une ancienne propriété de la famille des Gortz de Gortz, ce qui réveille en lui un douloureux souvenir...

 

 

Vous l'avez sans doute deviné (si ce n'est à la lecture du résumé du premier quart d'heure, du moins à celle de la fiche technique), ce Mystérieux château des Carpates, librement adapté d'un roman particulièrement mélodramatique de Jules Verne (lui-même intitulé "Le château des Carpates") est une comédie. Une comédie flirtant avec le fantastique, Jules Verne oblige. Et forcément une comédie particulièrement enlevée et drôle, car on la doit au génial duo Lipský – Brdecka. Ce qui est beaucoup moins drôle, c'est que ce métrage sera leur dernière oeuvre commune (le scénariste George Brdecka décèdera l'année suivante) et l'ante pénultième film d'Oldrich Lipský (qui disparaîtra cinq ans plus tard). Mais foin de tristesse et de nostalgie, sachons apprécier à sa juste valeur ce qui constitue (hélas) involontairement leurs testament cinématographique. Enfin, peut être pas si involontairement que ça si on en juge par l'épilogue en séquence animée, réalisé par Jan Svankmajer dans un style à mi chemin entre celui de Karel Zeman (un de ses modèles), et celui de Terry Gilliam (un de ses épigones) période Monty Python, dont l'humour noir et l'aspect mélancolique quasi morbide est en décalage avec le reste du film.

 

 

Quand on évoque une adaptation tchèque de Jules Verne on pense forcément à Karel Zeman, (L'arche de Monsieur Servadac entre autres), mais pour ce film-ci son influence est loin d'être flagrante, car l'esthétique (ici en décors réels), et surtout le ton et l'humour, sont totalement différents. Alors que Zeman traitait avec sérieux son matériau de base (l'oeuvre de Jules Verne), l'humour reposant sur les inventions visuelles et une poésie naïve, ces "canailloux" iconoclastes de Lipský et Brdecka n'hésitent pas, eux, à se moquer des aspects caricaturaux de cette littérature populaire, celle des "feuilletonistes" de la fin du 19e siècle, lui faisant subir un traitement équivalent à celui qu'ils infligèrent aux westerns "classiques" dans leur génial Jo Limonade. Bref, comparé aux films de Zeman, la poésie y perd mais l'humour y gagne (énormément). Dans le genre passage à la moulinette de l'humour iconoclaste d'oeuvres ou d'auteurs devenus des classiques du fantastique, ce Mystérieux château des Carpates se trouve dix coudées au-dessus des très surestimés Bal des vampires et "Frankenstein Junior" (ce que Hollywood a pourtant fait de mieux dans le genre semi-parodique) qui, à tout prendre, génèrent plus de bâillements que de sourires.

 

 

Il ne faudrait pas négliger l'apport de Jan Svankmajer, responsable comme écrit ci-dessus de la séquence animée finale, mais surtout de la conception "esthétique" de la plupart des inventions du professeur Orfanik, en particulier son bras mécanique, donnant une pointe de poésie surréaliste au film sans être décalé par rapport au reste des décors très "rétro-futuristes". Je ne vous ferais pas l'affront de vous présenter le grand Svankmajer, mais il est bon de rappeler que sa carrière n'a pas commencé avec Alice mais vingt-cinq ans plus tôt, et qu'elle faillit s'achever au début des années 70 quand il fut pour des raisons politiques mis à l'écart des studios, avant qu'Oldrich Lipský lui permette de revenir en 1978 en lui confiant la conception des effets spéciaux d'Adèle n'a pas encore dîné. En matière de décors saluons ceux, reconstitués en studio, de l'intérieur du château du baron Gortz de Gortz, mais aussi l'utilisation des extérieurs slovaques, en particulier des ruines du château de Cachtice où vécut Erzsébet Báthory (avant d'y être emmurée vivante) et qui fut au 20ème siècle le siège de nombreux tournages, à commencer par celui du Nosferatu de Murnau.

 

 

Mais saluons surtout l'interprétation, à la fois en nuances et en décalage parodique, de l'ensemble du casting. Si le talent comique immense de Milos Kopecký (Le Baron de Crac, Monsieur, vous êtes veuve, Comment noyer le Dr Mracek ou la fin des ondins en Bohême et j'en passe) n'était à l'époque plus à démontrer (il faut le voir, dans le rôle du méchant millionnaire, glisser "mezzo voce" entre deux tirades complètement allumées qu'il a des doutes sur la santé mentale de son second), force est de constater que ses "jeunes" partenaires arrivent à lui tenir la dragée haute. En particulier le héros, Michal Docolomanský, qui réalisa lui-même ses "performances" vocales, mais aussi Jan Hartl qui interprète le garde forestier. Parmi les acteurs plus expérimentés, les aficionados de Jiri Menzel et du cinéma tchèque "sérieux" auront reconnu Vlastimil Brodský dans le rôle du majordome Ignace et Rudolf Hrušínský dans celui du savant fou. Notons que Rudolf Hrušínský appartient à une lignée ancienne d'acteurs de théâtre. Fils de Rudolf Hrušínský, il est lui-même le père et le grand père d'un, enfin plutôt de deux, Rudolf Hrušínský.

 

 

Sigtuna

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