Arche de Monsieur Servadac, L'
Titre original: Na komete
Genre: Fantastique , Animation
Année: 1970
Pays d'origine: Tchécoslovaquie
Réalisateur: Karel Zeman
Casting:
Emil Horváth, Magda Vásáryová, Frantisek Filipovský, Josef Hlinomaz...
 

Etranges films que ceux de Karel Zeman, l'un des plus grands cinéastes tchèques et assurément l'un des pionniers de l'animation du cinéma mondial. Cette Arche de Monsieur Servadac, adaptation d'un livre méconnu de Jules Verne réalisée deux ans après l'écrasement du Printemps de Prague, ne dépareille pas dans sa filmographie. Le film, d'une durée réduite (1h13), possède une histoire relativement fournie, voire à tiroirs, même si toutes ces sous-intrigues sont plutôt habilement reliées entre elles.

 

 

Au Maghreb, les colons français se préparent à entrer en guerre contre les troupes du roi déchu et ses alliés européens, ennemis de la France. Mais cette guerre sera perturbée par l'apparition d'une mystérieuse planète, dont l'attraction va attirer à elle cette partie de l'Afrique du Nord, ainsi que la Gibraltar britannique. Les deux camps belligérants vont donc se retrouver sur cette planète itinérante, peuplée de créatures préhistoriques. Dans le même temps, le lieutenant Servadac, un français, va tomber amoureux d'Angelik, belle espagnole ayant fui des trafiquants forcément mal intentionnés, et va tenter de la protéger à la fois de ses oppresseurs, de la guerre, des dangers de la planète, tout en essayant d'éviter qu'elle ne soit reprise par ses frères, partis à sa rescousse pour la ramener en Espagne.
Une intrigue très riche, donc. Trop, même. Le récit se fait plutôt brouillon, et certains pans de l'histoire disparaissent ou sont simplifiés en cours de route. Mais malgré tout, la narration reste aisée à comprendre, et surtout, ne nuit en rien au propos de Zeman, qui est d'une part de montrer l'absurdité des hommes, longtemps hostiles à faire fi des considérations politiques malgré leur changement de planète et d'autre part de promouvoir le pacifisme à travers le personnage de Servadac.
Un rêveur, un amoureux davantage intéressé par son Angelik que par ses fonctions militaires, et dont les fantaisies vont s'avérer fructueuses dans ce nouveau monde. Conséquence logique d'une planète où de toute façon tout relève de l'onirisme. Ce que Zeman s'évertue à retranscrire à l'écran. Et c'est là la grande force du film, qui donne amplement raison au qualificatif de "Méliès tchécoslovaque" attribué au réalisateur.
Le spectateur pourra ainsi s'émerveiller devant les méthodes d'animation employés (car oui, le film contient une bonne dose d'animation) : dessins animés, collages, marionnettes, tout y passe, tout se mélange magnifiquement à l'écran. On retiendra ainsi les fabuleux dinosaures sous formes de marionnettes, évidemment devinables, mais pourtant incroyablement bien utilisées. La scène nous présentant un continent perdu, une forêt sauvage, sera tout simplement magique, digne d'un Méliès ou d'un Harryhausen.

 

 

L'intégralité du film est par ailleurs photographiée sous des teintes sépias du plus bel effet, retranscrivant bien l'aridité de ce qui est (ou a été) l'Afrique du Nord. Dans la même logique, les scènes maritimes prendront elles des teintes bleutées, et le ciel, d'une façon générale, sera violacé, incorporant lorsque le scénario l'exige des planètes diverses aux couleurs et à la taille variables. Onirisme dans les images, donc, mais aussi onirisme dans les personnages, petit à petit gagnés par la fantaisie ambiante prônée par Servadac, qui donne en outre au film une tonalité humoristique burlesque fort agréable. A titre d'exemple, le commandant de la garnison française armera ses soldats avec des casseroles, dont le bruit métallique fait fuir les dinosaures peu habitués aux sons métalliques...

L'Arche de Monsieur Servadac est donc un film exemplaire. De plus, contrairement à ce que l'on aurait pu penser, les conséquences de la "normalisation" du Printemps de Prague ne sont pas visibles, et Zeman est parvenu à prôner l'entente entre deux camps antagonistes. Ceci dit, la fin, ambiguë, ne versera pas forcément dans l'optimisme. Mais le film, dans son ensemble, est en tout cas un très bel exemple de la nécessité du recours à l'imaginaire, élément d'évasion ne rimant pas forcément avec passivité... Une vraie adaptation de Jules Verne, en somme (par ailleurs la dernière des trois réalisées par Zeman).

 

 

Note : 8/10

Walter Paisley
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