Corde au cou, La
Titre original: Una lunga fila di croci
Genre: Western spaghetti
Année: 1969
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Sergio Garrone
Casting:
Anthony Steffen, William Berger, Mario Brega, Riccardo Garrone, Nicoletta Machiavelli, Mariangela Giordano...
Aka: Une longue file de croix / Django und Sartana, die tödlichen zwei/ Hanging for Django/ No Room to Die/ Noose for Django/ Una larga fila de cruces
 

A la frontière du Mexique, des "marchands d'esclaves" exploitent les pauvres paysans mexicains ; sans pitié, ils assassinent ceux qui se rebellent. Une jeune femme tente en vain de secourir ces malheureux. Un chasseur de primes s'associe avec un prédicateur pour mettre fin au trafic de main d'œuvre auquel se livre un notable du pays. Ensemble, ils décident d'affronter les trafiquants...

 

 

On considère en général qu'il y a eu trois grand Sergio dans l'histoire du western spaghetti : Leone, Sollima et Corbucci. Mais dans l'ombre des géants, une multitude de tacherons œuvrèrent à la chaîne, réalisant parfois quelques agréables surprises. Parmi eux, on trouve Sergio Garrone, réalisateur, producteur et scénariste italien qui s'est surtout illustré dans deux genres complètement différents : le western spaghetti et la nazisploitation. Evidemment, c'est plutôt cette dernière partie de sa carrière qui a retenu l'attention, au point de le discréditer aux yeux de certains, qui virent en lui un Bruno Mattei de seconde zone.
Il faut avouer que le réalisateur nous avait offert deux titres bien malsains et glauques, devenus depuis mythiques pour certains pervers : "L'enfer des femmes / Roses rouges pour le führer (1977) et SS Experiment Camp / Le camp des filles perdues (1977)". Pourtant, il serait dommage de réduire Garrone à un simple faiseur de séries Z sado-maso, alors qu'il réalisa pas moins de six westerns (et deux scénarii) : "Tire si tu veux vivre" (1967), "3 croix pour ne pas mourir" (1968), La horde des salopards (1969), Une longue file de croix (1969), "Abattez Django le premier" (1971), et "Sabata règle ses comptes" (1971). Parmi cette liste émerge une petite merveille intitulée La horde des salopards, western dont émanent quelques embruns fantasmagoriques qui en font une belle réussite. D'ailleurs, la plus part de ses westerns récoltent en général une bonne réputation auprès des aficionados du genre.

 

 

Si les westerns de Garrone sont toujours basés sur le thème de la vengeance, la particularité de La corde au cou est d'introduire dans son script un petit côté social : l'exploitation des paysans mexicains par une nouvelle espèce d'esclavagistes (américains) sans foi ni loi, un thème qui malheureusement aujourd'hui est toujours d'actualité. Le héros serait-il le nouveau visage de la lutte des classes ? C'est peut-être un peu exagéré d'essayer d'approfondir le contenu politique de ce film ; après tout, nous sommes dans un film de Sergio Garrone, pas chez Damiano Damiani ! Si l'ensemble souffre des clichés et défauts inhérents au réalisateur et au genre (raccourcis hasardeux, flashback gratuit, seconds rôles accessoires), on retrouve aussi avec plaisir des contre-plongées fantaisistes et des cadrages improbables, sans parler des gros plans de visages, où la gueule "délavée" d'Antony Steffen fait merveille. Le fait que ce vieux briscard de Joe d'Amato, alias Aristide Massaccesi, soit derrière la caméra n'y est sûrement pas étranger.

 

 

Le cinéma italien a utilisé un nombre incalculable d'expatriés venus des quatre coins du monde. C'est le cas dans cette production, où les deux acteurs principaux sont des exilés. Anthony Steffen, alias Antonio De Teffè (1929-2004), est un acteur brésilien né à Rome (dans l'ambassade du Brésil, cela ne s'invente pas). Acteur de seconds rôles, c'est grâce au genre qu'il devient une vraie vedette. Il tourne dans vingt-sept westerns de 1966 à 1975, dans lesquels il fait merveille sous ses faux airs de Clint Eastwood neurasthénique. Par la suite, il se recycle dans le poliziottesco et le giallo, avant de quitter le métier en 1989.
L'Autrichien William Berger (1928-1993) est lui plus éclectique (il tournera avec Jess Franco, Claude Chabrol ou Tobe Hooper) mais restera attaché au genre (une vingtaine de productions) qui l'a fait connaitre et lui permit d'enrichir son talent, via de nombreux rôles pittoresques. Pour ceux qui ne connaissaient pas la belle Nicoletta Machiavelli (Navajo Joe), c'est l'occasion de découvrir cette magnifique et méconnue actrice qui jouera dans quarante films, de 1965 à 1983. Malheureusement elle arrêtera sa carrière pour rejoindre le gourou Osho ; depuis on est sans nouvelle. Le méchant est joué par le propre frère du réalisateur, Riccardo Garrone, une reconversion surprenante pour un acteur habitué aux comédies ; il apparaîtra dans près de cent-vingt films. A noter aussi la présence d'une petite bombe italienne dans le casting, Mariangela Giordano. Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais la gueuse a une filmographie bien remplie. On a pu l'apercevoir dans "Le manoir de la terreur" en maman incestueuse à la poitrine accueillante, et surtout dans "Malabimba", dans le rôle d'une nonne chaude comme la braise ! Messieurs, à vos DVD !

 

 

Avec ses deux chasseurs de primes comme personnages principaux, le film de Garrone fut souvent comparé à Et pour quelques dollars de plus. Cependant, Garrone est assez roublard pour faire oublier toute comparaison. Loin de plagier son illustre modèle, le cinéaste impose son propre style et réalise l'un de ses meilleurs films. Comme c'était souvent le cas à l'époque, où les films étaient tournés à la chaîne, Garrone n'a pas pu compter sur de gros moyens. Comme beaucoup de ses compatriotes, il a donc réalisé l'ensemble dans la campagne italienne, ne pouvant même pas se payer le voyage jusqu'à Alméria. Ce qui donne au film une ambiance particulièrement cafardeuse et glaciale, le tout renforcé par de petits détails comme la buée sortant de la bouche des personnages.
On est bien loin des cowboys écrasés par le soleil au milieu du désert ; l'ambiance ressemble plus au Django de Corbucci, la boue en moins, mais le désespoir en plus. Pas étonnant, dans de telles conditions, que la cupidité devienne la préoccupation majeure des protagonistes, sauf de la belle Maya (quoique !). Cette exception va bien sûr attirer les convoitises.
Comme beaucoup de héros dans les films de Garrone, le personnage de Steffen semble lui aussi obnubilé par le besoin de s'enrichir, mais il cache au plus profond de lui une soif encore plus insatiable de vengeance. Beaucoup ont d'ailleurs reproché au réalisateur italien le côté moralisateur de ses westerns, ce qui est drôle lorsque l'on sait la tournure que prit ensuite sa carrière ! De nouveau, la performance de William Berger est ahurissante malgré son personnage à l'allure improbable ; on a l'impression de voir Nino Ferrer habillé en Amish. Influence latine oblige, son personnage est armé d'un drôle de fusil qui ressemble à une gatling (mitrailleuse à plusieurs canons) mais qui paraît n'être tout au plus qu'un gadget qui ne tire qu'un coup à la fois ! Face à lui, Anthony Steffen semble encore plus monolithique que jamais, et même la présence de la ravissante Nicoletta Machiavelli ne parvient pas à le décrisper (ce qui est compréhensible).

 

 

La corde au cou peut être considérée comme une sorte de brouillon du chef-d'oeuvre de Garrone, La horde de salopards. Plusieurs pistes seront ainsi exploitées par le duo acteur /réalisateur. C'est sûrement le meilleur film du réalisateur. En effet, malgré une fin de carrière discutable, Sergio Garrone méritait mieux que le dédain et l'opprobre qui le frappa ; et les six westerns qu'il réalisa, même s'ils ne sont pas tous réussis, méritent amplement une réhabilitation.

Comme souvent à l'époque, il était coutumier de modifier le titre du film pour afficher le nom d'un personnage connu, même s'il n'apparaissait pas dans le film. Ainsi, parmi les nombreux titres utilisés pour le marché anglo-saxon, le film de Garrone fut rebaptisé "Hanging for Django" ou "Noose for Django", faisant apparaître le nom de Django sûrement du fait de la présence d'Anthony Steffen. Mais les Allemands, grands spécialistes du retitrage sauvage, firent encore mieux en introduisant non seulement le nom de Django, mais aussi celui de Sartana, qui fut interprété par William Berger dans "Sartana dans la vallée des vautours".

 

 

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