Belle Starr Story
Titre original: Il mio corpo per un poker
Genre: Western spaghetti
Année: 1968
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Lina Wertmüller & Piero Cristofani (Nathan Wich)
Casting:
Elsa Martinelli, George Eastman, Robert Wood, Don Harrisson, Bruno Corazzari, Wladimir Medar...
Aka: Belle Starr / L'Histoire de Belle Starr / Cet homme qui va mourir / The Belle Starr Story / Bel Star
 

Dans un saloon, Belle Starr, une belle femme rousse aux allures de Caballero, joue une partie de poker très serrée contre Larry Blackie, le terrible hors-la-loi de la région. Alors qu'elle a quasiment tout perdu, le brigand propose de risquer tous ses gains contre une nuit d'amour avec elle. Belle Starr accepte et n'hésite pas à perdre pour succomber à la tentation. Au cours de leur nuit passée ensemble, Larry Blackie apprend que Belle Starr est une criminelle comme lui. Dès lors, les deux bandits deviennent tour à tour amants belliqueux et concurrents...

 

 

Tourné en Yougoslavie, de par ses magnifiques décors naturels, Il mio corpo per un poker pourrait presque se voir comme un écho déviant du superbe "La Rivière de nos amours" d'André de Toth (décors idylliques, romantisme brutal, genre emprunté), film qui, soit dit en passant, lança l'ex-mannequin Elsa Martinelli au cinéma.

La paternité de Il mio corpo per un poker a longtemps été sujette à caution. Nathan Wich, pseudonyme de Piero Cristofani, fut durant trois décennies officiellement crédité comme seul réalisateur tandis que Lina Wertmüller revendiqua à plusieurs reprises la réalisation du film, notamment à la télévision italienne lors de quelques émissions.
Le temps passant, grâce à une interview-carrière accordée par Robert Woods aux Etats-Unis pour la sortie d'un dvd, on sut enfin que Piero Cristofani avait commencé le film mais, devant le mécontentement entêté de l'actrice principale, Lina Wertmüller fut appelée pour le remplacer. Celle-ci était déjà une réalisatrice confirmée avec quatre films à son actif, signant ceux-ci parfois sous le pseudonyme masculin de George Brown. C'est du reste sous ce nom qu'elle écrivit le script de Il mio corpo per un poker en collaboration toutefois avec le sieur Piero Cristofani.

 

 

On rappellera que Belle Starr est un personnage ayant réellement existé et que Il mio corpo per un poker fait partie de la douzaine de films mettant en scène ce personnage historique singulier. Si le plus connu du lot, comme le souligne Alain Petit dans le bonus du dvd qui vient de sortir chez Artus Films, reste "La Reine des rebelles" (Belle Starr, 1941) dans lequel Gene Tierney donnait la réplique à Randolph Scott et Dana Andrews, les exploits de cette femme de l'Ouest qui trouva un destin fatal à l'âge de 41 ans en se faisant tirer dans le dos, furent illustrés à l'écran dès 1928 avec "La belle insurgée" (Court-Martial) de George B. Seitz. On retrouvera ensuite Belle Starr plus ou moins mise en avant dans "Au coeur de l'Arizona" (Heart of Arizona, 1938), "La Femme aux revolvers" (Montana Belle, 1952) , "Zachariah" (1971) ou encore dans "Le Gang des frères James" de Walter Hill pour ne citer que ceux-ci.

Cette femme a en tout cas offert un terrain propice aux interprétations cinématographiques. Lina Wertmüller s'en empare ici pour faire oeuvre féministe. En ressort un western très atypique, notamment si on le classe dans le genre westerns spaghetti : Belle Starr Story ne possède quasiment aucun élément spécifique d'un genre ayant en 1968 le vent en poupe. Pas de sadisme outre-mesure, hormis une séance de torture avec l'arrivée dans le dernier tiers de l'agent Pinkerton campé par Bruno Corazzari (La Mort était au rendez-vous, Le Grand silence, Un homme nommé Sledge, 4 de l'apocalypse pour rester dans le genre qui nous préoccupe), peu d'action dans l'ensemble, une grande partie du film consistant en un jeu du chat et de la souris entre Elsa Martinelli et George Eastman. Chacun tentera d'y garder son intérêt, sexuel comme pécuniaire, sans réellement y parvenir. C'est par ailleurs de ces rapports ambivalents, ambigus et somme toute compliqués, que Lina Wertmüller tire le meilleur de son film.

 

 

A ce niveau, il est dommage de constater que la psychologie de l'héroïne s'articule de manière trop artificielle sur un événement passé : la mort brutale de Cole Harvey, son ex-amant, (campé par Robert Wood, vu dans Le Corsaire des 7 mers (chroniqué ici), et surtout dans de nombreux westerns en début de carrière, puis pas mal de Jess Franco par la suite...), un élément qui semble justifier et même expliquer trop de ses actes au présent, sans que le spectateur y ait forcément accès. Elsa Martinelli (Et mourir de plaisir, Perversion Story,...) joue plutôt bien le jeu du sadomasochisme, réussissant à imposer un peu de présence à l'écran sans pour autant être renversante (sinon de beauté par moments).

C'est grâce à la maligne et malicieuse présence de George Eastman que le film trouve son équilibre et que Belle Starr se révèle au spectateur comme à elle-même. Cette dernière n'est pas habituée à ce qu'un homme puisse déceler ses intentions et envies, ce qui ne cessera à la fois de l'interpeler mais aussi de la façonner et même de lui redonner foi en autrui, avec la part de romantisme que cela suppose. George Eastman lui donne une répartie impériale, instillant une saveur et un humour sans lesquels Belle Starr Story ne vaudrait pas forcément tripette. Un acteur que l'on ne présente plus mais dont on rappellera qu'il commença lui aussi sa carrière dans le genre western, en totalisant en tout et pour tout une quinzaine et en ayant scénarisé certains : "Méfie toi Ben, Charlie veut ta peau" mais aussi et surtout le très estimé Keoma.

 

 

Belle Starr Story n'est pas tout à fait l'unique représentant du western transalpin et féminin, tout comme il n'est pas le seul à s'adonner au féminisme. On peut en citer une petite poignée d'autres tels que "Lola Colt" (Black Tigress, 1967) avec l'actrice Lola Falana ou "Jarretière Colt" (Giarrettiera Colt, 1968) avec la somptueuse Nicoletta Machiavelli. On peut également, même s'il n'est pas cité dans l'interview dudit dvd sortant chez Artus Films, le rapprocher de l'excellent Far West Story, à la fois pour le rôle qu'y tenait Susan George, laquelle s'émancipait dans la douleur et dans un Ouest très sauvage, mais aussi de par les rapports vachards entre Tomas Milian et celle-ci. Des rapports que l'on retrouve ici, avec toutefois moins de panache.

Quoi qu'il en soit, le résultat a beau sortir des sentiers battus, Lina Wertmüller fera mieux dès son film suivant, le savoureux "Mimi métallo blessé dans son honneur", trouvant alors sa vraie mesure et offrant dès lors à Giancarlo Giannini une succession de rôles assez inoubliables ("Film d'amour et d'anarchie", "Vers un destin insolite, sur les flots bleus de l'été",...).

 

 

En l'état, Il mio corpo per un poker demeure un film intéressant mais qui a du mal à trouver son rythme et son équilibre (les aventures de Belle Starr et de Larry Blackie n'ont ni le souffle, ni le vent de folie grotesque et décontracté de Sonny et Jed pour ne citer qu'eux).
Du coup, les péripéties s'enchainent de manière un peu molle sans que la ballade dans l'Ouest ou le portrait de femme semblent complets. Il manque à ce Belle Starr un esprit d'autodérision qui lui aurait peut-être apporté la vivacité nécessaire pour qu'il s'en trouve vraiment réussi. D'autant que de prime abord et sans l'humour et la distanciation dont fait preuve Eastman, on pourrait trouver que notre héroïne est assujettie au machisme de ce dernier. Un vrai paradoxe pour un féminisme se voulant indépendant.

Pour l'anecdote et pour finir d'énumérer la singularité de certaines présences au casting, on signalera que c'est le très rare et le très français Charles Dumont (il composera en 1971 la musique de "Trafic" de Jacques Tati, puis celle de "Les Gourmandines" (1973) et de "Le Plumard en folie" (1974)) qui est l'auteur de la partition de Il mio corpo per un poker. Un élément supplémentaire qui, l'auteur-compositeur "ne regrettant rien", atteste de la démarche originale de cet étrange western que l'on pourra trouver un peu trop stagnant, manquant d'aspérités, comme légèrement asphyxié de l'intérieur.

 

 

Mallox



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