Un nommé Sledge
Titre original: A Man Called Sledge
Genre: Western spaghetti , Western
Année: 1970
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Vic Morrow, Dino de Laurentis & Giorgio Gentili
Casting:
James Garner, Dennis Weaver, John Marley, Claude Akins, Laura Antonelli, Wayde Preston, Tony Young, Bruno Corazzari, Ken Clark, Laura Betti, Luciano Rossi, Fausto Tozzi, Riccardo Garrone, Franco Giornelli, Stephen Zacharias, Angelo Infanti...
 

Après que Luther Sledge (James Garner), bandit notoire et chef de bande, perde Mallory (Tony Young), son coéquipier, tué à bout portant dans un bar car soupçonné à tort d'avoir triché au poker, un vieil homme (John Marley) lui parle d'une diligence transportant une cargaison d'or pour une somme de 300.000 dollars. Ce pactole serait caché au cœur d'une prison, dans son caveau. Sledge se met en tête de piller cet or, allant à l'encontre des exhortations de son amie Ria (Laura Antonelli). Après avoir réuni son habituelle bande et planifié le hold-up dans une forteresse bien gardée, il se laisser enfermer comme prisonnier, déclenche une émeute pour faire diversion et exécute le plan...

 

 

Drôle de projet que voici ! Né d'une envie personnelle et d'un scénario coécrit par l'acteur Vic Morrow, ce en collaboration avec Frank Kowalski qui s'associera ensuite fréquemment avec Sam Peckinpah pour superviser certains de ses scénarios et/ou dialogues pour des films tels que "Un nommé Cable Hogue", "Junior Bonner" ou "Tueur d'élite", A Man Called Sledge est l'occasion d'une rencontre, voire d'une fusion entre deux mondes : celui du western spaghetti alors en vogue et celui du western américain traditionnel à l'agonie, malmené par certains cinéastes le démystifiant avec force et vigueur.
"La horde sauvage" a d'un côté révolutionné le genre l'année précédente, redistribuant les cartes, mitraillant ainsi la légende si chère à John Ford, tandis qu'en Italie, il fut perverti au préalable par Leone, Corbucci et quelques autres, ce, grâce à des personnages aux contours sans foi ni loi, issus paradoxalement du cinéma américain et plus particulièrement de Bob Aldrich ("Vera Cruz" sonna en son temps la fin de l'héroïsme et de la bonne conscience, mettant en avant des personnages plus avides de richesses que de bonnes actions). C'est finalement tous ces va-et-vient, au sein desquels chacun semble vouloir reprendre son dû, que l'on retrouve à la fois à l'écran et, on le préjuge forcément, en coulisses...

 

 

Pour que le projet aboutisse, le tout étant produit par un Dino de Laurentis souhaitant surfer sur la vague spagh' ayant alors le vent en poupe, une version transalpine du scénario fut donc écrite par Massimo D'Avak (Qui l'a vue mourir?, Au pays de l'exorcisme, Le Parfum de la Dame en Noir...). Logique, puisque l'équipe technique italienne y est fortement impliquée outre que la production ne soit en rien américaine. On assiste en quelque sorte à un mélange, tout du moins sur le papier, de deux cinémas ayant frayé les mêmes sentiers et déserts et qui, enfin, se croisent.

A cet égard, le plus étonnant demeure le choix des acteurs américains qui sont à l'unanimité des figures télévisuelles du genre : James Garner, outre le fait qu'il ait joué chez Sturges ("Sept secondes en enfer"), reste pour beaucoup le héros de la série "Maverick". Dennis Weaver, quant à lui, fut durant 290 épisodes un indissociable de la série "Gunsmoke" avec James Arness. A leurs côtés, et dans des rôles plus secondaires (on peut voir également, dans leur disparition rapide à l'écran, la fin brutale de la légende américaine, ce qu'avait déjà pratiqué Leone avec son préambule dans "Il était une fois dans l'Ouest"), on trouve aussi les vieux briscards que sont Wayde Preston avec au compteur, entre 1957 et 1960, 67 épisodes en tant que Christopher Colt dans la série "Colt .45", en plus de Tony Young, héros en 1961 des 12 épisodes de "Gunslinger".
On peut rajouter à cette liste, aussi bien comme second couteau emblématique que comme vétéran du genre, Claude Akins qui, de "Rawhide" au "Virginien", en passant par "Rio Bravo", a en 1970 déjà vu passer des caravanes de toutes les couleurs.

Certains d'entre-eux ont, avant-même le tournage de ce "nommé Sledge", déjà fréquenté le genre spagh' (on retrouve Wayde Preston dans Cinq gâchettes d'or, "L'évadé de Yuma" ou encore dans "Sartana dans la vallée des vautours" aux côtés de William Berger). Idem pour Ken Clark, non cité avant et dont Un nommé Sledge signe quasiment le trépas westernien et cinématographique (tout en trépassant lui aussi très vite !), ce après une incursion très moyenne avec "Arizona Bill" de Mario Bava et, surtout, moult rôles secondaires dans le genre en question. Bien entendu, on le connaît mieux en combattant de litchis au sirop dans Attack of the Giant Leeches et pour avoir côtoyé deux gros musclés à Cinecitta (Mark Forest et Dan Vadis) sous de drôles de noms : Kubilai, Sayan ou Kabol. A noter tout de même pour le bisseux sexué qui sommeille en chacun de nous que ce dernier sortait tout juste du tournage de "Tarzana, sexe sauvage" avec Femi Benussi dans le rôle-titre.

 

 

Quant aux acteurs italiens, voire allemands (Steffen Zacharias / "On l'appelle Trinita"), associés le plus souvent au genre (en tout cas, à l'époque), ils sont ici réduits à faire de la figuration (main-d’oeuvre moins coûteuse) et semblent présents comme garants de l'appartenance du film à un genre roulant aussi bien qu'une locomotive lancée à toute allure sur des rails fraîchement construits. Ainsi, Un nommé Sledge est aussi l'occasion de jouer tout du long au petit jeu de la physionomie et l'on y croise moult figures du bis italien passées ou à venir : Bruno Corazzari (La mort était au rendez-vous, Le chat noir) intègre l'équipe comme spécialiste des coffres-forts, Riccardo Garrone (I due pericoli pubblici, Mais qu'est-ce que je viens foutre au milieu de cette révolution?), Fausto Tozzi (Duel au couteau) et Angelo Infanti, tous les trois en prisonniers. L'apparition la plus drôle (et quasi hallucinante) est celle de Luciano Rossi, n'ayant comme dialogues que le cri du loup dans sa cellule.

Par rapport aux noms tapis dans l'ombre, on reconnaît Giorgio Gentili, assistant réalisateur qui semble s'être ici acquitté seul de quelques séquences. On rappelle en passant qu'il assistera peu après Lucio Fulci sur Le venin de la peur (dont Luigi Kuveiller sera le chef op', tout comme dans Un nommé Sledge) et Obsédé malgré lui dans lequel on retrouvera du reste Laura Antonelli ici également convoquée. Idem pour la collaboration qu'on se doit de mentionner "active" de la part de Dino de Laurentis, responsable de la réalisation de nombreuses scènes d'intérieurs.

Comme vous vous en doutez à lire ces énumérations éparses et a priori sans fin, il est difficile de bien jauger ce qu'a pour sa part réalisé l'excellent Vic Morrow dont ce n'est pas la première mise en scène. On lui doit, outre la réalisation de sept épisodes de la série "Combat !" entre 1965 et 1966 et dans laquelle il campait le premier rôle, "Deathwatch", une collaboration avec Jean Genet en 1966. Ceci étant et quoi qu'il en soit exactement, ces considérations de prime abord uniquement liées au casting font également office de résultat final...

 

 

Dans l'ensemble, techniquement bien fichu, A Man Called Sledge est un western très solidement réalisé. Les gunfights y sont efficaces, l'utilisation des décors, en extérieurs ou en intérieurs, également, les péripéties s'enchaînent de façon rythmée autant que dynamique, les acteurs y livrent, avec conviction et charisme, des prestations convaincantes, solides elles aussi (mention spéciale à James Garner, fort bien secondé par Dennis Weaver et John Marley, excellent en vieux roublard au rêve d'or inaccessible), mais il est difficile d'adhérer aux méandres d'un scénario pour le moins hasardeux : dès son générique (deux personnages avançant lentement dans des étendues enneigées), "Sledge" part sur la traces du Grand Silence, souhaitant probablement lui cligner de l’oeil tandis que Morrow semble crier son amour pour le film de Corbucci avant de bifurquer soudainement avec le meurtre dans un saloon du coéquipier de Sledge, lequel est tué pour une partie de cartes gagnée à l'arrache (à noter que notre héros est à ce moment crucial dans la chambre de la belle Laura Antonelli, en train de la rudoyer pour tirer son coup). On s'attend, vu le speech fait par Sledge au bar juste avant ("Je ne comprendrai jamais qu'on puisse tuer un homme, comme ça, sans raison...") à un récit de vengeance et l'on voit celle-ci assouvie rapidement : Sledge, s'apercevant du meurtre (un tir dans le dos), se voit contraint de tuer les deux renégats qui, de toute manière, le menaçaient à son tour. Et à partir de là, le deuil n'ayant même pas eu le temps de se faire, débarque un vieil homme en la personne de John Marley, lui contant l'histoire de ce coffre gardé par une garnison de quarante hommes aux abords d'une prison et d'un bagne.

 

 

Jusque là, les transitions ne choquent pas encore plus que cela ; après tout, l'Ouest est sauvage et sans pitié, les hommes sont habitués aux morts et se doivent d'avancer pour ne pas mourir. Néanmoins, la plus grande partie du film va dès lors se concentrer sur la formation d'une bande faite pour la plupart de vieux amis de Sledge, des gens de confiance, exerçant depuis belle lurette avec lui ; puis de l'élaboration d'un plan à la fois coriace (alambiqué comme une partie d'échecs), difficile et dangereux à réaliser. C'est du reste leur belle solidarité qui fera, malgré que certains d'entre eux mourront en cours de route, que leur plan sera un succès.

Et puis, A Man Called Sledge s'enlise d'un seul coup d'un seul dans une dernière partie invraisemblable, notamment au regard des caractères qui nous ont été exposés depuis le début. Après avoir risqué autant de dangers et frôler d'aussi prêt la mort, ils se mettent à jouer au poker, en pleine nature, leur part du butin. A partir de là, nous voilà repartis pour une dernière ligne droite ressemblant davantage à une rallonge plutôt qu'à une extension logique des situations et enjeux jusque là illustrés. C'est peut-être là que Vic Morrow et De Laurentis comptaient s'inscrire dans le western typiquement italien de l'époque : soif de l'or, noirceur humaine, violence et sadisme associés... Seulement, l'impression que cela donne (outre que ça ne tienne pas debout) est que (tout comme le chaos ayant eu cours juste avant dans la prison pour perpétrer le hold-up est plus le fait d'une relecture Peckinpaïenne qu'italienne) l'on pense plus à des classiques américains tels que "Le Trésor de la Sierra Madre" de Huston qu'à n'importe quel spagh' en bonne et due forme ("Le bon, la brute et le truand" comme Cinq hommes armés).

Il en est de même pour la partition de Gianni Ferrio, qui tente de tirer le film vers l'al dente et qui, malgré l'indéniable talent du compositeur, n'y parvient pas complètement, contribuant même à la "bâtardisation" concrétisée d'un tel projet. Idem pour le titre qui lorgne plus, en voulant jouer deux cartes à la fois, vers "A Man Called Horse" que les "On l'appelle machin-chose".

 

 

En cela, outre que Un nommé Sledge (appelé parfois "Un homme nommé Sledge") se classe donc à sa vision plus facilement dans le western américain puisant dans le western spaghetti que son contraire, il demeure un film vigoureux, toujours en action, mais pâtissant d'inégalités scénaristiques trop grosses pour que cela ne s'en ressente pas au final.
Un curieux mélange pour un pari à demi-réussi.


Mallox

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