Il s'agit du troisième film de Ivan Reitman, après "Orientation" en 1968, mettant en scène les sports universitaires de façon comiques, puis "Foxy Lady" une autre comédie indépendante qui eut son petit succès en 1971. Je n'ai pas eu l'honneur de les visionner, mais à la vision "des Filles Cannibales", j'avoue rester sur la mauvaise impression que m'a toujours laissée son réalisateur. Soit, celui-ci par son côté "Cheap" demeura plus sympathique que certaines mongoleries poussives à venir ("Arrête de ramer, t'es sur le sable") ou les Loukoums bien connus que sont la série des "S.O.S Fantômes", "Un flic à la maternelle", "Junior" ou encore le pitoyable "Evolution", mais enfin pas de quoi fouetter un anthropophage non plus.
Le film met en scène un couple, (Eugene Levy et Andrea Martin) qui s'apprête à partir en vacances, mais se retrouve en panne de voiture en plein milieu d'une bourgade enneigée et paumée du nom de Farnhamville. Ils se retrouvent contraints de louer une chambre d'hôtel pour la nuit, et font la rencontre d'une vieille dame qui leur conte une improbable histoire locale. En effet, dans un hôtel restaurant des environs, habiteraient une sorte de révérend maléfique servi par trois jeunes femmes amatrices de chair humaine. Tout ça n'est que fadaises se dit le couple qui presqu'aussitôt se met en tête d'aller visiter le mystérieux restaurant. Ils seront accueillis on ne peut plus courtoisement et seront même invités par le prêtre à dîner, puis à rester dormir en attendant la remise en état du véhicule. Comme dirait l'autre, on a toujours tort de ne pas écouter ses aînés et de les prendre pour de vieilles peaux séniles puisque la légende aussi farfelue leur semblera t-elle, se révélera réelle et d'actualité...
David Cronenberg a dit un jour que "Frissons" était le premier film d'horreur canadien, ce n'est certes pas "Cannibal Girls" qui viendra contredire cela. Pour précision Ivan Reitman travaillera également sur "Shivers" en 1975, mais comme co-producteur. En effet, si le postulat de départ est prometteur niveau horrifique, il recèle finalement très peu de scènes de genre ou de scènes gores. Le comique prend rapidement l'ascendant sur l'horreur et quand ce dernier surgit par petits éclairs (au chocolat ha ha !), il est vite fait (pas trop) bien fait, contrebalancé par un pendant comique très inégal, jouant sur la répétitivité et le grotesque, et de surcroît, comme je l'ai laissé entendre, reste très décousu sur le plan narratif et surtout pas très bien film filmé (En passant, bonjour à la perche et au bras du perchiste sans cesse convoqué). On accouche finalement d'une succession de scenettes qui font ressembler le film d'avantage à un épisode du "Saturday Night Live" (dont certaines vedettes partageront plus tard l'affiche avec le metteur en scène), ou bien de ce que pourront tourner les ZAZ. Malheureusement Reitman étant semble t-il peu doué, ces références peuvent être facilement nivelées vers le bas pour ce film qui malgré son titre, laisse sur sa faim à tout niveau.
Nous avons bien trois jeunes et jolies filles (Randall Carpenter, Bonnie Neilson, Mira Pawluk) sous le joug d'un pseudo révérend comte évoquant Dracula, et alors qu'on attendra de l'érotisme, celui-ci ne se montrera que très furtivement. Peut-être pourrons-nous dénombrer tout au plus, deux scènes dénudées dans lesquelles on apercevra deux seins et demi, dont le demi, je le précise également, sera montré en fondu psychédélique avec le mal en action, ce, dans l'un des seul dérapages vraiment délirant du film. On regrettera donc, qu'en plus de l'horreur, l'érotisme se fasse vraiment secondaire ici, tout comme ces trois actrices ne sont pas assez présentes et généreusement offertes, et qui du reste ne feront pas grande carrière ensuite, voire aucune.
Ajoutons au casting l'espèce de prêtre Draculesque campé par Ronald Ulrich pourtant assez décontracté et doté d'une certaine prestance, mais qui lui aussi ne tournera plus rien ensuite. Pour résumer, l'on dira que le film n'a pas porté chance à ses acteurs secondaires. Car pour Eugene Levy, ici méconnaissable avec une coupe Afro et une moustache à la Franck Zappa, on le reverra en revanche souvent ensuite, jusqu'à sévir encore à ce jour, au sein par exemple, de la série des "American Pie". Je ne nommerai pas les autres inconsistances de sa filmographie, elles sont trop nombreuses. Ailleurs je retiendrai pour ma part surtout la présence de Andrea Martin, qu'on apercevra l'année suivante dans l'excellent "Black Christmas" de Bob Clark (puis dans son remake en 2006). Par contre, l'on peut dire qu'elle est ici exploitée au rang de cruche finie avec des expressions hagardes mais de bon aloi, tout comme son imbécile de mari et sa tronche improbable.
C'est donc peut-être là qu'un léger charme opère. Le couple semble avoir pris un sérieux coup dans le Q.I et finit par faire sourire et même rire (une fois ou deux, faut pas pousser), tant leur crédulité d'Hippy attardés encore sous l'emprise de l'esprit "Peace and Love", contraste avec ce qui les attend, et que nous attendons aussi, un peu trop longtemps, flirtant trop souvent avec l'ennui, voire même parfois une profonde lassitude. Il faut également signaler que le préambule dure presque 20 bonnes minutes sur un film qui n'en fait que 76 mais c'est à contrario grâce à sa courte durée, que l'on pourra toutefois parvenir sans trop d'efforts à son terme. Sinon quoi, on pourra aussi aisément lâcher l'affaire. D'ailleurs, tout comme le pendant érotique et horrifique du film, le pendant comique s'il est plus présent, fonctionne assez peu. On a bien un domestique toujours en arrière plan, avec une tête de cro(c)-magnon anthropophage qui ne cesse de roter et péter, ou quelques plans sympathiques autour d'une table où tout ce beau monde semble se régaler, en plus de suggérer qu'une femme cannibale qui ripaille, fait un peu moins attention à son apparence, et demeure moins portée sur la serviette. C'est malheureusement à peu près tout ce qu'a à offrir le film, c'est vous le conviendrez, assez peu.
Pour résumer donc, disons que "Cannibal Girls" ne tient aucune de ses promesses. Il n'ose pas le gore, il élude l'érotisme, et pratique un humour scato le plus souvent lourdingue, reste donc quelques scènes à sauver, mais pas plus. Finalement, il annonce tous les défauts de la carrière à venir de Ivan Reitman.
Note : 5/10
Mallox