El Chuncho
Titre original: El Chuncho, quién sabe ?
Genre: Western spaghetti
Année: 1966
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Damiano Damiani
Casting:
Gian Maria Volontè, Lou Castel, Martine Beswick, Klaus Kinski...
 

Selon Giulio Petroni, le réalisateur de La Mort était au rendez-vous et de Tepepa : Trois pour un Massacre, Franco Solinas, le scénariste de El Chuncho, était un communiste militant (cf. Mad Movies hors-série "L'Age d'or du cinéma italien"). Et ce n'est pas peu dire que cela s'en ressent ! Le film de Damiano Damiani est en effet une sorte de petite fresque consacrée à la gloire des révolutionnaires mexicains, à la condamnation des soldats gouvernementaux et à la critique de l'ingérence des américains à coup de dollars et d'infiltration.
Le film nous présente donc un groupe de révolutionnaires dirigé par un certain Chuncho (Gian Maria Volontè), accompagné notamment de son frère, un religieux (Klaus Kinski) et d'une femme forte (Martine Beswick), dont le but est de voler des armes et de les amener au Général Elías, chef des rebelles. A eux viendra très vite se greffer un américain qu'ils appelleront Niño (Lou Castel) et dont la tête est mise à prix dans son pays. Mais cet américain est froid, très froid, et, bien qu'accompagnant les révolutionnaires dans leurs aventures, il deviendra très vite clair que ses intentions sont plutôt louches. Habillé à la mode bourgeoise de son pays, il refuse de toucher à l'alcool, aux femmes, et il ne se dit intéressé que par l'argent récolté par la vente des armes.

 

 

Évidemment, le vrai objectif de ce personnage sera très vite deviné par le spectateur, et illustrera tout à fait les propos communistes du scénariste. Ainsi, il évoquera le besoin vital d'instruire les masses et de les armer pour qu'elles puissent elles-mêmes assurer leur défense, de même que la pérennité idéologique du mouvement. Les paysans pauvres et sédentaires, pourtant loin des combattants sur leurs chevaux, seront ainsi inclus dans le récit et même glorifiés verbalement par le personnage de Chuncho, n'empêchant pas malgré tout le réalisateur d'ironiser quelque peu sur le manque de connaissances de ces paysans, incapables de se servir des fusils.
Une touche comique qui n'est pas la seule, dans un film qui cherche à rendre les révolutionnaires sympathiques en en faisant des hommes proches du peuple. Chuncho est un rigolard, un bon vivant au look débraillé qui ne rechigne pas à prendre du plaisir en chemin, sans pour autant abandonner tout à fait son sens de la morale : il comprend l'amour d'un de ses hommes pour une femme, il soutient ses amis, il possède un certain sens de l'honneur. Comme beaucoup de ces hommes, d'ailleurs, moins charismatiques mais qui constituent un groupe fraternel. Et même le grand chef, le Général Elías, apparaîtra comme sympathique : c'est un chef intègre, qui respecte ses paroles tout en sachant se montrer radical. Quand aux riches propriétaires fonciers (car cette révolution est avant tout agraire, époque Zapatiste de l'intrigue oblige) et aux membres du gouvernement, ils seront au contraire guindés, dictatoriaux, méprisables et intolérants. A une exception près.

 

 

Car le film possède tout de même le grand avantage de ne pas sombrer dans l'idéalisme total. Déjà, il présente quelques paradoxes internes au mouvement révolutionnaire, qui ne sont imputables qu'aux personnalités des personnages principaux, et qui rendent encore plus facile la tâche d'éventuels traîtres. C'est le cas notamment par rapport au pouvoir de l'argent. Car ces révolutionnaires seront parfois amenés à considérer leur intérêt financier personnel avant la cause révolutionnaire.
A ce titre, l'américain Niño marque un point en faisant remarquer que tout en se disant révolutionnaires, ils vendent les armes volées au Général Elías, et qu'ils ne les lui donnent pas. Même chose lorsque Chuncho désirera rester un peu dans un village pour y faire la fête et accessoirement défendre les paysans : Niño poussera les hommes de Chuncho à déserter et à aller au plus vite vendre les armes, laissant les habitants sans protection. Quand aux propriétaires terriens, l'un d'entre eux se révélera plutôt digne au moment de tomber dans les mains de révolutionnaires qui, de leurs côtés, ne respecteront pas leurs engagements concernant la femme du malheureux, qui comme l'avait promis Chuncho devait être laissée libre.

 

 

Tout n'est donc pas rouge au pays de la Révolution, et Damiani (ou plutôt son scénariste Solinas) mettent en garde leurs spectateurs - dont certains n'en ont sûrement rien à carrer - contre les penchants humains et le désir aveugle de revanche, contraire à l'idéal révolutionnaire et à son application.
Tout ceci donne un film pour le moins excellent, qui à en plus le grand mérite de ne jamais faire retomber un rythme soutenu. Toute la première partie nous présente ainsi le groupe de Chuncho faisant la chasse aux armes au milieu de riches civils qui seront épargnés (voir l'excellente séquence du train en guise d'introduction), ou au milieu de militaires, qui eux ne le seront pas. C'est très limpide, et Chuncho et ses hommes prennent du plaisir en même temps qu'ils en donnent au spectateur, imposant une bonne humeur certaine, encore entretenue par le côté "folk mexicain" de l'ensemble, à base de jeu d'acteurs excellents et dynamiques, qui font la part belle aux accents hispaniques quelque peu chantants des dialogues. Même dans la seconde partie du film, quand le discours prendra le pas sur l'action, le rythme ne baissera pas et le film restera très plaisant à suivre, ne serait-ce que parce que ces propos sont en parfaite harmonie avec le côté ludique de l'intrigue.
En définitive, El Chuncho est un western hautement recommandé, tant pour les gauchistes que les autres.

 

 

Note : 8/10

 

Walter Paisley
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