Nuit des morts vivants, La
Titre original: Night of the living dead
Genre: Zombie , Horreur
Année: 1968
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: George A. Romero
Casting:
Duane Jones, Judith O'Dea, Karl Hardman, Marylin Eastman, Keith Wayne, Judith Ridley, Kyra Schon, Russell Streiner...
 

Comme chaque année, Barbara (Judith O'Dea) et Johnny vont fleurir la tombe de leur défunt père. Malheureusement pour eux, cette année ne sera pas tout à fait un moment de recueillement comme les autres puisque soudainement, à la nuit tombante, un homme à la démarche singulière s'approche lentement d'eux pour tenter de les mordre. Johnny, après avoir taquiné sa soeur "Ils sont venus te chercher Barbara !", en fera les frais tandis que Barbara terrorisée s'enfuira comme elle pourra, trouvant alors refuge dans une maison isolée. Elle sera alors rejointe par Ben (Duane Jones), qui prendra les choses en main, tandis que d'autres fugitifs arriveront également. Ils apprennent alors par la radio qu'à cause des radiations, le phénomène semble se généraliser à tout le pays, faisant que les morts sortent de leurs tombes pour s'attaquer aux vivants...
On semble avoir tout dit sur ce film phare tourné à l'époque pour un budget dérisoire de 114 000 dollars (et qui en a rapporté 20 millions !), avec ses maquillages un peu cheap, sa façon quasi-documentaire en temps réel de filmer, ce en noir et blanc, rendant ainsi hommage à ses prédécesseurs en même temps qu'atténuant ce manque de moyens justement. C'est du reste là tout le génie de Romero que d'avoir su contourner toutes les contraintes budgétaires, pour livrer au final ce qui reste une référence au sein du genre, ce, encore aujourd'hui, puisque moult variations ont été pondues pour le meilleur et pour le pire, et qu'à ce jour non seulement il reste moderne, mais qui plus est a généré ce qu'on a appelé une trilogie d'abord ("Zombie" / "Le Jour des morts vivants"), puis un récent quatrième opus, à savoir l'inégale série B "Land of the dead".

 

 

Là où George A. Romero a frappé fort, c'est qu'il a réussi à faire non seulement de son film une oeuvre de référence, tout en éclipsant presque tous les films précédents mettant en scène des zombies, comme si celui-ci était le premier, ce qu'il n'est évidemment pas.
Pour mémoire, on rappellera tout de même que Jacques Tourneur avait signé un magnifique "I walked with a zombie" (alias Vaudou) en 1943, et même si d'autres ont existé auparavant, je pense notamment à "White zombie" avec Bela Lugosi en 1932, puis plus tardivement le très bon "L'Invasion des Morts-Vivants" de John Gilling qui ne précèdent que de deux ans cette "Nuit des morts-vivants" qui a kidnappé quelque peu la première place du royaume des zombies au sein du cinématographe et ce, aux dépends des autres.
Une remarque que je me suis toujours faite à propos des "zombies référentiels", c'est que là où Romero les avait extirpés de leur contexte originel, à savoir Haïti, Lucio Fulci les y a replacés avec son "Zombi 2", rendant non seulement hommage ainsi à Tourneur, mais qui plus est si l'on regarde bien, et puisque je m'apprête à parler d'ici peu de cet "Enfer des zombies" l'ayant juste revu, c'est qu'au lieu de se voir comme une suite officieuse de "Zombie", le deuxième opus génial de Romero, il peut tranquillement se voir comme la préquelle de cette "Nuit des morts-vivants", puisque Fulci les amène de Haïti aux Etats-Unis via le pont de Brooklin si bien qu'on pourrait les retrouver au petit matin au sein du cimetière dans lequel commence cette fabuleuse "Nuit des morts-vivants" où ils "viendraient chercher Barbara", et si cela était fait aujourd'hui, je parierais sur un "Zombie, the beginning" en lieu et place du chef-d'oeuvre qu'est "L'enfer des zombies".

 

 

Je reviens tout de même au film qui nous préoccupe pour dire néanmoins combien celui-ci mérite sa place au panthéon du genre, et sa popularité n'a rien d'usurpée. Nous avons affaire ici à un film foncièrement pessimiste sur l'être humain et si l'on se penche trop près, on se fera autant croquer par l'homme que par le mort-vivant. Le conflit qui sous-tend une majeure partie du film et qui oppose Ben "le courageux" à Cooper "le lâche" (Karl Hardman) est à cet égard assez révélateur de la dualité humaine et de l'enfer que représente l'autre au sein d'une cohabitation contrainte. Les deux hommes s'affronteront tout du long, "le courageux" voulant rester dans le salon afin d'affronter ses assaillants, et "le lâche" voulant se retrancher dans la cave. Ce dernier aurait eu raison au final, mais il se fera pourtant tuer à bout portant, ce, froidement, sans aucun état d'âme, étant jugé "nuisible" par celui qui est censé être le bon, voire même le héros du film, celui qui fait face. Héros du film qui se fera tuer à la fin, dans ce qui ressemblera à un fait divers raciste aux résonances quotidiennes.

D'un seul coup d'un seul, George A. Romero nous renvoie à une réalité brutale, l'une des grandes forces à ce jour encore du film, dans laquelle le noir, dans sa différence serait assimilé par l'ignare du Sud, au mort-vivant et serait exécuté dès lors sans distinction aucune. Il faut noter qu'ailleurs, c'est également ce choix réaliste que fait le metteur en scène voulant contourner les limites de son budget dérisoire, tournant alors de longues séquences étouffantes à l'intérieur, aventureuses à l'extérieur, qui fait également la modernité de cette oeuvre, la faisant ressembler étrangement - ce beaucoup plus que dans son récent "Land of the dead", rabâchage de qualité mais lourdement asséné - à ce que pourrait être une scène de fait divers filmée par un cinéaste amateur captant du haut d'un HLM un policier molestant démesurément et injustement l'étranger issu d'un monde différent, oubliant par la même dans un même temps, qu'ils viennent de la même classe sociale.

 

 

Cette thématique est ici plus existentielle qu'elle ne le sera par la suite, et c'est même à Jean-Paul Sartre et son "Huis-clos" qu'on pensera le plus souvent, car comme dans l'univers de l'écrivain, les hommes ne pourront jamais vivre en harmonie les uns les autres, "l'enfer, étant justement et originellement les autres"... et si Romero étendra son propos de façon plus manifestement militantiste au fur et à mesure des opus à venir, opposant l'être humain à la société et ses structures, c'est à l'opposé, en 1968, ce côté pris à la volée qui fait toute la force de son film ainsi que sa modernité.
Et puis n'oublions tout de même pas le simple spectacle ici proposé. Le noir et blanc y est magnifique, tout en contrastes excessifs, à l'instar des éclairs musicaux qui le parcourent et qui tranchent avec les silences et autres bruits de radio ou de télévision, qui font la plupart du temps la bande sonore. On notera toutefois un brin de stagnation, voire une certaine longueur à mi-parcours, où le film se perd un tout petit peu en bavardages un brin futiles et sans forcément en rapport avec les thèmes évoqués ci-dessus, mais tout le reste, à savoir les assauts répétés de ces zombies déchaînés déployant à tout va corps et bras aux travers des fenêtres et toutes fissures à disposition de la maison, sont des moments de tension qui demeurent à ce jour encore assez incroyables.

De plus, et quand bien même, les moments gores du film seraient un peu cheap, ils n'en demeurent pas moins gravés à jamais dans la mémoire. On se souvient indéfiniment de ces moments de grâce trash où Tom (Keith Wayne) se transformera par maladresse, voulant récupérer la voiture près de la pompe à essence, en méchoui dispersé, les intestins déroulés, mangé tranquillement par la horde de zombies tout juste dérangés par la lumière du feu. Pareil pour la scène où la fille Judy (Judith Ridley), mordue au préalable, se retournera contre sa mère à coups de truelle. On sera toujours gré à George A. Romero d'avoir réussi à faire de ce spectacle là, à la fois une oeuvre fondatrice en même temps qu'un film quasi familial à ce jour, et ce depuis longtemps déjà.

 

 

Il est étonnant de constater également comment les défauts que l'on remarque à sa première vision, comme le fait que chaque zombie plombé au fusil porte une chemise blanche, passe absolument au second plan lors des visons suivantes. Peut-être qu'à l'instar d'un Lucio Fulci plus tard avec ses films comme "L'Au-delà" ou "Frayeurs", est-ce parce que tous deux ont réussi, dans ces oeuvres là, à aller directement à l'essentiel, sans discontinuer, au détriment de l'anecdotique détail, faisant alors de leurs films des ovnis intemporels.
A noter également que cette forme d'agression en huis-clos fera quasiment toute l'oeuvre de John Carpenter quelques années plus tard...

 

Note : 9/10

 

Mallox

 

A propos du film :


# On évitera l'édition colorisée que l'on trouve sur le marché en zone 2 et l'on sera inspiré si on la possède d'en ôter les couleurs qui ôtent toute la beauté plastique des contrastes nocturnes tout en agressivité. De même la version "rallongée" est hautement dispensable, n'apportant à l'oeuvre originale que longueurs dispensables, notamment dans un prélude entre Barbara et Johnny avant la scène du cimetière sans intérêt aucun.

 

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