Froid baiser de la mort, Le
Titre original: Il terzo occhio
Genre: Thriller , Drame , Macabre , Gothique , Nécrophilie
Année: 1966
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Mino Guerrini
Casting:
Franco Nero, Gioia Pascal, Erika Blanc, Olga Solbelli, Marina Meucci, Richard Hillock...
Aka: Third Eye / Das 3. Auge
 

Le Comte Alberti habite un manoir retiré au coeur de la campagne italienne. Face à ce domaine aux murs décrépis, aux pièces sombres et sinistres, témoignant d'une lente et inexorable déchéance, Mino attend le retour de Laura, sa fiancée, partie cueillir un bouquet de fleurs. Ce jeune homme à l'air triste et inquiet vit dans cette vaste demeure en compagnie de sa mère, comtesse, veuve et femme aigrie, et de Marta, la gouvernante.
Toutes deux voient d'un mauvais oeil l'annonce du futur mariage de Mino avec Laura. Sous le joug d'une mère possessive et d'une domestique jalouse (amoureuse de son maître), le comte apparaît comme un être faible, fragilisé par plusieurs années d'une domination matriarcale, et ne parvenant plus à supporter le poids de l'héritage familial.
Le salut de Mino consisterait à suivre Laura, l'épouser, et fuir cet endroit à l'atmosphère délétère. Mais la Comtesse Alberti tente de dissuader son fils d'abandonner ses terres, et sa mère ; tandis que pendant ce temps, Marta essaie de discréditer Mino aux yeux de Laura. Cette dernière finit par s'en aller, troublée, sans même prévenir son fiancé. Laura quitte le domaine familial au volant de sa voiture, ignorant que la gouvernante a saboté les freins.
Apprenant son départ, Mino prend lui aussi son véhicule et file rejoindre sa promise. Alors qu'il va finalement la rattraper, il assiste impuissant à l'accident. Les freins ayant lâché, la voiture de Laura quitte la route. Après une chute dans un fossé, le véhicule termine sa course dans un lac. La jeune femme périt noyée.

 

 

Dans le même temps, la complicité forcée entre la Comtesse Alberti et Marta n'aura pas duré. Sentant la convoitise de la gouvernante envers son fils, la vieille femme s'en prend violemment à sa domestique. L'altercation prend fin lorsque Marta pousse la maîtresse des lieux dans les escaliers. La chute n'étant pas fatale, la gouvernante achève la comtesse en l'étranglant.
Lorsque Mino regagne le manoir, le coeur brisé, c'est pour apprendre le décès de sa mère par le médecin légiste. Une mort accidentelle, selon le rapport, qui donne à Marta l'occasion de prendre définitivement Mino sous son emprise, et de régner enfin sur le domaine des Alberti.
Toujours sous le choc, Mino se réfugie dans sa passion pour la taxidermie. Mais il ne se contente pas d'empailler quelques animaux. Quelque part, dans une chambre aux volets clos, le corps embaumé de Laura repose sur un lit...

 

 

Durant sa carrière s'échelonnant sur une vingtaine d'années environ, pour à peu près autant de réalisations, Mino Guerrini n'a pas laissé de souvenir impérissable en dehors de son pays natal. En France, une dizaine de ses films ont connu une distribution en salles, les plus renommés n'étant hélas pas les meilleurs, puisque l'on se rappelle plus de ses comédies "militaires" avec Jacques Dufilho que de certaines de ses oeuvres datant des années 60. Pourtant, ce metteur en scène s'était distingué en tant que scénariste en participant à l'écriture du célèbre "La fille qui en savait trop", de Mario Bava. Est-ce sa collaboration à ce classique du thriller transalpin qui entraînera par la suite la classification de "Il terzo occhio" en tant que giallo, difficile de l'affirmer ! Mais, une fois encore, à trop vouloir codifier un film, on commet irrémédiablement des erreurs, et en réalité "Le froid baiser de la mort" (titre du film lors de son exploitation dans les salles françaises, en 1971) n'est pas un giallo.
Le cadre choisi (un manoir lugubre) et l'utilisation du noir et blanc confèrent à cette oeuvre un cachet gothique indéniable, renforcé de surcroît par la passion exacerbée du héros pour la taxidermie. De plus, l'étude des caractères reprend certains archétypes du genre, comme la mère "araignée", et la gouvernante intrigante. Le film peut se diviser en trois parties. La première plante le décor, introduit les personnages principaux et développe leurs traits de caractère. Elle se conclut par la mort de la fiancée et de la mère de Mino. La deuxième partie débute dans un night-club. On sort provisoirement de l'atmosphère étouffante du huis-clos, pour mieux y replonger par la suite. Mino ramène une stripteaseuse chez lui et l'invite jusqu'au lit où repose le corps embaumé de Laura. La scène est parfaitement exécutée : rideaux laissant planer une menace, cadavre dissimulé sous les couvertures... Mino ne peut atteindre l'orgasme qu'en présence du corps de sa défunte fiancée. Pour que l'acte soit parfait, il doit aussi la regarder, et la montrer à sa conquête d'un soir. La fille crie, inévitablement, et le Comte Alberti, au plus fort de sa démence, étrangle sa victime. Il récidivera plus tard avec une prostituée. Mais il faut se débarrasser des cadavres. Soudain, Mino se sent vulnérable. Cette partie du film, qui atteint son intensité dans l'horreur, assied également la main mise de Marta sur le jeune comte. La domestique se transforme en maîtresse des lieux, et le maître en esclave.

 

 

Dans la troisième et dernière partie, le plan apparemment infaillible de Marta est contrarié par un événement inattendu : l'arrivée inopinée de Daniela, la soeur jumelle de Laura, venue rapatrier le corps de cette dernière pour qu'elle repose dans le caveau familial. L'angoisse monte alors d'un cran car on devine que Marta va devoir réagir. D'un autre côté, la folie de Mino atteint son paroxysme. Il croit que Laura est revenue le chercher. Malheureusement, Mino Guerrini commet l'erreur d'abandonner une deuxième fois le cadre inquiétant de son décor, pour livrer un final tarabiscoté et peu crédible. C'est regrettable, car on a le sentiment d'avoir échappé de peu à un film parfaitement maîtrisé.
D'autant plus dommage que l'on avait, jusqu'à ce dernier quart d'heure décevant, une intrigue prenante, un thriller mâtiné de drame et d'horreur, dans lequel Guerrini avait participé également à l'écriture, aidé par d'autres plumes, dont celle d'un des spécialistes de la série B, Piero Regnoli (également réalisateur du sympathique "Des filles pour un vampire"). Incarnant Mino, Franco Nero livre une composition très honorable, dans un rôle qui n'est pas sans rappeler par moments le Norman Bates de "Psychose". Quant à l'atmosphère du film, par son côté gothique et ses relents de nécrophilie, elle évoque parfois "L'effroyable secret du docteur Hichcock", de Riccardo Freda. "Le froid baiser de la mort" sera l'objet d'un remake en 1979, qui n'est autre que le "Blue Holocaust" de Joe D'Amato, ce dernier reprenant en effet la trame du film de Guerrini dans les grandes lignes (mais dans un style bien différent, à dominante de macabre et de gore).

 

 

Franco Nero, qui en cette même année tournait dans "Django" et "Le temps du massacre", se montre donc à la fois touchant et inquiétant dans ce rôle de jeune noble plongé dans la névrose à cause d'une mère possessive et d'une gouvernante machiavélique. Personnage dominé par les femmes, il a pour partenaires des actrices toutes talentueuses, chacune dans leur registre. Gioia Pascal, qui joue la gouvernante, est magistrale, et l'on regrette qu'il s'agisse là de son unique incursion dans le cinéma. La Comtesse Alberti est incarnée par Olga Solbelli, qui fit une belle carrière dans les années 40 et 50. Durant les années 60, on la verra dans quelques péplums, notamment, ainsi que dans "Le moulin des supplices". Enfin, dans un double rôle, Erika Blanc tire également très bien son épingle du jeu, apportant la touche d'innocence et de beauté au sein de ce manoir lugubre. L'italienne était déjà apparue dans un film gothique l'année précédente, "La vengeance de Lady Morgan", avant de poursuivre avec "Opération Peur", de Mario Bava, la même année que "Il terzio occhio".
Malgré son final raté, "Le froid baiser de la mort" reste une oeuvre intéressante parvenant à distiller un parfum d'angoisse, et d'horreur, mais aussi de mélancolie, aidé en cela par la très belle partition musicale de Francesco De Masi ("Un ange pour Satan", "Les nuits de l'épouvante", "L'arma, l'ora, il movente", "L'éventreur de New-York"...). C'est un film qu'il serait bon de réhabiliter par le biais du DVD, et à voir ainsi (pourquoi pas) en double programme avec "Blue Holocaust".

 

 

Flint


En rapport avec le film :

 

# "Le froid baiser de la mort" a fait partie de la programmation de la 16ème édition de L'Etrange Festival, qui s'est déroulée à Paris du 3 au 12 septembre 2010. Le film a été diffusé le 11 septembre à 21h45.

 

# La critique de "Blue Holocaust"

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