1835, Sir Charles Walker décide de partir à la recherche de son frère disparu, à Saint Cristobal, une île des Caraïbes, dans laquelle une plantation est dirigée de main de fer par sa belle-soeur Lady Susan, maîtresse d'un fouet qu'on surnomme "le serpent noir", que les esclaves tâtent régulièrement entre tortures et autres humiliations. Sitôt arrivé Charles Walker va vite prendre conscience des horreurs pratiquées sans relâche sur les nègres et va vivre des aventures très mouvementées en même temps qu'une prise de conscience politique va naître...
Le générique est à peine commencé qu'on se dit qu'on tient là un excellent film. De ceux qui tiennent leurs promesses de bout en bout, de ceux qui ne trompent pas. Cela ne se démentira jamais. Sur 80 minutes Russ Meyer déroule un très bon scénario avec un sens du rythme qu'on lui reconnaît bien, et livre l'une de ses meilleures pellicules, ce qui n'est pas rien puisqu'on connaît le talent de ce metteur en scène trop souvent simplement relégué à un univers kitch à tendance gros lolos. Point ou peu de gros lolos justement dans ce film, et qui viendrait s'en plaindre dès lors que ça tient en haleine, ça dépayse à fond les bananes, c'est rempli d'humour, ça nous livre sa petite réflexion historique et politique tout en points de vue excessifs pour une délectation supérieure, et au final on repart avec le sentiment d'avoir voyagé gratis - ou presque - dans l'un des meilleurs pires club de vacances qui soit.
Comme d'habitude, et d'entrée de jeu la partition musicale est excellente, tout comme les abords de l'île où va se jouer le drame sont splendides. On la doit à William Loose qui a déjà collaboré avec Russ Meyer sur "Megavixens", composé celles de The Big Bird Cage, "Trader Hornee", "Vie intime du Dr. Jekyll", mais aussi oeuvré sur celle de La nuit des morts-vivants. Une voix off nous rappelle alors dès la fin du générique le contexte colonialiste de l'époque et du lieu, le ton est mordant, la suite le sera tout autant.
On fait rapidement la connaissance de Charles Walker qui arrive "calèché" par l'un des nègres maisons, savourant le sourire en coin l'absolue splendeur des paysages alentours, mais avec donc cette motivation première, celle de retrouver son frère dont il demeure sans nouvelles. D'un plan à l'autre on passe aux détenteurs de cet endroit à priori paradisiaque, à savoir en première place, Lady Susan, l'épouse du frère disparu, toujours semble t-il le fouet à portée de main, en train d'invectiver des esclaves déjà exténués, ce dans un langage peu châtié (ce qu'elle ne cessera jamais tout au long du film et les insultes à l'encontre de ses congénères ne cesseront de fuser, comme une préparation au fouet, langue de vipère et venin noir toujours au coin des lèvres sont constamment au rendez-vous à en faire mal aux ouïes).
De là on fait également la connaissance du gardien sadique de la plantation (l'excellent Joxer Tierney plus que jamais le nez piqué au vers "Island of the Ghouls" de Perter Sasdy, mais qui m'avait traumatisé enfant dans le grand "Trop tard pour les héros" de Robert Aldrich - et donc toujours un grand plaisir pour moi que de le voir - une vraie gueule, un vrai talent), et l'on fait également la connaissance du Juda noir local en la personne du très sadique, ordurier et manipulateur Capitaine Raymond Daladier (Bernard Boston - peu de films à son actif), qui s'apprête à faire fusiller l'un des esclaves qui tentait de s'évader. D'ailleurs cette scène servira d'entrée en matière et l'esclave les deux pieds dans la mer n'aura que deux alternatives, avancer vers le large ou l'attend un aileron de requin ou bien se faire tirer dessus à bout portant.
Le sang sera versé, les esclaves seront divisés entre les partisans de la paix et ceux de la rébellion armée, la question restera pour le moment en suspend mais durant ce temps, Sir Charles tout meurtri des abominations dont il fut un peu plus tôt le témoin, aura le temps de séduire tout d'abord la domestique qu'on lui a mis à disposition (ce qui s'appelle épouser la cause anti-esclavagiste !) puis oh surprise, Lady Susan (formidable Anouska Hempel : Les Cicatrices de Dracula, et dans un rôle à faire rougir Ilsa !), ce qui laisse alors tout augurer ou devenir possible. Et si la colonisation et ses dérives (si elle n'en est pas une à la base) n'étaient finalement qu'histoire de sexe ?
D'ailleurs ils seront surpris dans leurs ébats par Herbert (mon ami Joxer Tierney) qui viendra les châtier violemment, assommant le bel étalon et violentant la femme serpent pour la ramener dans le droit chemin de la chrétienté et de l'autorité. Ils seront sauvés in-extremis par un semi-sauvage tout droit venu de La Planète des singes et que Sir Charles reconnaîtra comme étant son frangin, dans des retrouvailles ressemblant à celles justement de James Franciscus et Charlton Heston dans Le Secret de la planète des singes tant le dialogue semble impossible. Le grand frère (joué en passant par David Prowse, le futur Dark Vador) semble bien trop lobo pour cela, et semble même être revenu au temps des cavernes.
D'ailleurs les choses vont vite se corser et Russ Meyer accélère encore la cadence. Les limites et capacités d'acceptation de chacun sont franchies dès lors qu'un des chefs des esclaves (et au préalable partisan de concessions et de paix) se blesse, se coupant la moitié de la cuisse avec une machette, et que les dirigeants l'obligeront à travailler. Notre Ilsa des Caraïbes, passionnées de rapports sado-masochistes semble t-il en plus d'être restée sur sa faim la veille au soir, est de mauvais poil. Elle sortira le fouet et ce sera la fois de trop car dès lors, la moitié pacifiste ou "acceptante" des esclaves, dépassée par tant de haine et d'injustice, se mutera en un escadron de la mort, adepte la vengeance. Peu après des signes avant-coureurs se feront d'ailleurs pressentir. Lady Susan voulant prendre son bain, trouvera en guise d'éponge un serpent des plus coriace. Qu'on se le dise, "les dits petits nègres" n'ont plus rien à perdre...
La vengeance sera superbe ! Entre les sbires du tyrannique Daladier, retrouvés pendus en série (et avec lesquels l'ami Pierrafeu Walker s'amusera béatement à les faire se balancer), un gardien torturé puis crucifié (comme l'un des esclave auparavant) à la grille du domaine, un despote découpé en petites rondelles avec rage et violence mais précision (pas si simple), et même le domestique de Lady Susan se met alors à se foutre de sa poire, se torchant la gueule hilare pour se vautrer dans les luxueux fauteuils de la châtelaine...
Bref, c'est vif, drôle, pertinent, sans temps mort, et pas mal de scènes cultes interviennent encore alors. Et même si Sir Charles Walker parvient à défaire ses liens pour remettre un peu d'ordre et de justice au sein de cette anarchie du tout vengeresque, où le dit "sauvage" est finalement devenu sauvage à l'instar de ses geôliers, le pauvre n'y pourra plus grand-chose. D'ailleurs en passant son frère chopera sa femelle légitime afin de lui en mettre un dernier p'tit coup ! la chienne finira empalée... euh pas tout à fait en fait, elle finirait même comme la pucelle la plus célèbre de l'histoire... Excellent.
Mallox