Le Blindman, pistolero aveugle, est censé escorter 50 jeunes filles au Texas, où les attendent leurs futurs maris. Mais au moment de prendre en charge sa cargaison un peu particulière, il découvre que son associé l'a doublé et a revendu les donzelles à Domingo, un bandidos mexicain épaulé par son frère et sa soeur. Le Blindman va donc partir pour le Mexique, afin de récupérer ce qui lui revient.
Alors certes, cette co-production italo-américaine compte au casting le Beatle Ringo Starr, dont le nom a indubitablement constitué un plus pour la distribution du film. Mais malgré tout, "Blindman" n'en constitue pas moins un film très bis de part la forme et le fond, et Ringo Starr, du reste, n'y apparaît que dans un rôle secondaire, à savoir celui de Candy, frère du grand bandit Domingo. Un romantique violent essayant de s'attirer par la force les faveurs de l'une des 50 jeunes femmes à sa disposition. Mais le rôle du héros est réservé à Tony Anthony, crédité en outre du titre de co-scénariste et de producteur. C'est dire que Ringo Starr ou pas Ringo Starr, il s'en moque, le Anthony, et avec son réalisateur Ferdinando Baldi il se livre à un film totalement hors-normes, marchant sur les pas des "Zatoichi" asiatiques en reprenant le concept d'un héros aveugle et en anticipant l'essor d'un genre bien particulier : le Women In Prison.
Car les 50 femmes que doit retrouver le Blindman ne sont ni plus ni moins considérées que comme du bétail par leurs gêoliers, et bien des ingrédients du WIP sont ici présents : nudité contrainte en public, viols, châtiments corporels... Evidemment, Baldi n'est pas aussi insistant que le premier Jess Franco venu, mais tout de même les racines sont là. Et à vrai dire, le film est encore moins regardant sur la condition féminine que ces prisonnières ne se rebellent pas d'elles-mêmes, et que parmi elles ne se trouvent aucune héroïne, si ce n'est pour la dulcinée de Ringo Starr, sans identité propre mais tout le temps éloignée du reste du troupeau.
Le Blindman apparaîtra autant comme un berger tentant de reprendre ses têtes de bétail que comme un libérateur, puisqu'il ne soucie guère lui non plus de ces femmes, qui n'ont pratiquement aucun dialogue de tout le film et qui suivent le mouvement, passivement, exception faite d'une scène où le héros consent à leur accorder 30 secondes de vengeance contre leur ex-geôlière, la soeur de Domingo, digne des gardiennes de prisons pour femmes, qui sera accrochée à un poteau, à poil, juste pour l'humiliation (sa mort sera toute autre mais non moins chargée d'érotisme). Nous sommes loin du film consensuel misant sur la présence d'une star. D'autant plus que le reste du film se démarque par sa violence permanente et complaisante : outre les violences sur les femmes, on compte ainsi un important nombre de fusillades (dont une avec mitrailleuse), de bagarres, voire de tortures, comme dans cette fin qui vient mettre le clou final à cet étalage jubilatoire. La mise en scène de Baldi est très sèche et colle à merveille à l'action, de même que l'atmosphère générale, sale et étouffante.
Et le scénario, dans tout cela ? Et bien à partir du moment où les 50 femmes sont superbement dénuées de toute caractérisation et de tout intérêt, il ne vise rien d'autre que de permettre à l'érotisme et à la violence de figurer à l'écran. La cécité du Blindman tend parfois à être source d'éléments comiques (près de la fin, dans une séquence à suspense, le héros, crapahutant à quatre pattes, se heurte la tête à une barrière), et elle sera également gérée au petit bonheur la chance, Baldi ne se souciant guère du réalisme. Il ne faudra donc pas s'étonner si on voit le personnage de Tony Anthony être capable de tirer sur le clocher d'une église dans une scène tout en dégommant par maladresse la décoration de sa chambre d'hôtel dans la scène d'après. C'est ce mélange entre le héros classique du western spaghetti et ce côté gaffeur digne de l'Inspecteur Clouseau des Panthères Roses qui fera toute sa personnalité. Il sera tout de même certaines fois aidé par un Général mexicain en permanence hilare, ou même encore par son cheval complice (!), histoire que l'intrigue puisse progresser jusqu'à son dénouement...
Blindman est un excellent western spaghetti dont les défauts scénaristiques (qui sautent aux yeux) seront amplement compensés par un jusqu'au-boutisme rarement égalé dans le genre westernien. Le héros aveugle, en plus de loucher si je puis dire sur les Zatoichi, peut également faire penser au final du "Django" de Corbucci, qui présentait lui aussi un héros handicapé. Le concept est donc exploité de façon radicale (il n'existe à ma connaissance aucun pistolero aveugle et manchot pour venir détrôner le Blindman) avec une volonté d'utiliser l'absurdité du postulat pour livrer un film passant à côté de toutes les conventions hollywoodiennes. Ringo Starr se plie volontiers au jeu, lui qui du reste avait déjà prouvé ses capacités d'auto-dérision dans les années 60 avec les Beatles, et qui plus tard épousera une actrice reconnue du cinéma bis : Barbara Bach.
Note : 7/10
Walter Paisley
En rapport avec le film :
# La fiche dvd Wild Side du film "Blindman, le justicier aveugle"