Mort a souri à l'assassin, La
Titre original: La morte ha sorriso all'assassino
Genre: Nécrophilie , Horreur , Thriller , Gothique , Giallo
Année: 1973
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Aristide Massacesi (Joe D'Amato)
Casting:
Ewa Aulin, Klaus Kinski, Luciano Rossi, Angela Bo, Giacomo Rossi-Stuart, Sergio Doria, Attilio Dottesio, Marco Mariani...
Aka: Death Smiled at Murder / Sette strani cadaveri
 

Nous sommes en 1973 et Aristide Massacesi a déjà quelques films à son actif ("More Sexy Canterbury Tales" / "Planque-toi minable, Trinita arrive !"), mais n'a pas encore choisi le pseudonyme de Joe D'Amato pour exercer ses talents d'artisan manipulateur de cadavres et de chair à saucisses, talents que l'on trouvera déjà ici présents, mais là où la complaisance n'était encore que penchant, elle deviendra malheureusement vite procédé qui fera quasiment toute la renommée du bonhomme. Dommage car à voir ce Death smiled at murder, on est en droit de nourrir des regrets quant aux choix et à l'issue de carrière du "bouffe à tout" notoire qui livre pourtant ici un fort bon film, sans doute son meilleur, un thriller horrifique solide et atypique, alambiqué et prenant, risqué mais équilibré et surtout sensoriel et envoûtant. Ses qualités semblent tellement évidentes qu'on peut même se demander si c'est le même cinéaste qui livrera plus tard les ‘Erotico-Barbaque Parties' comme on enfile les perles. Mais de quoi retourne t-il ?

 

 

Si le film revêt par de nombreux aspects l'apparence du Giallo, c'est pourtant sur une idée fantastique que repose le script. La Morte ha sorriso all'assassino est centré sur le personnage de Greta (Ewa Aulin) qui nous est d'abord présentée par un flash-back la mettant en scène aux côtés de son jeune frère bossu, Franz (Luciano Rossi) et dans lequel par le biais d'images fragmentées on apprend leur relation incestueuse. De même, elle se souvient de l'accident de calèche qui coûta la vie au cocher , la rendant amnésique dans un même temps.
Un couple est témoin du drame et l'a recueille tout d'abord dans sa maison où elle recouvrera assez de mémoire pour retrouver son prénom. De là, elle atterrira dans la clinique spécialisée du Docteur Sturges, qui la prendra en charge. L'homme est amateur de femmes à n'en pas douter et c'est avec le regard avide qu'il regarde ses patientes se déshabiller. Mais il n'est pas le seul, d'autres yeux semblent habiter les lieux aux travers des murs et rideaux. Sturges comprendra que la jeune femme est singulière et détient même un mystérieux secret dont la clé semble être le médaillon qu'elle porte. Mystérieux secret sans doute en relation avec un pouvoir de vie ou de résurrection qui aura pour conséquences de remettre le médecin à ses recherches scientifiques en même temps que de déclencher une véritable hantise chez les autres patientes, générant chez elles à la fois hallucinations, paranoïa, passion et violence. Tout ceci ne pourrait finalement rester que mysticisme, mais voilà qu'un tueur invisible commence à égrapper victime sur victime au sein de la clinique devenue sanglante. Sturges payera également de sa vie, et l'on cherchera comme lui le mystère tapi derrière tout ceci.

 

 

C'est à un thriller gothique saupoudré d'éléments giallesques (les meurtres mystérieux, une lame de rasoir en guise d'ustensile assassin) auquel nous avons affaire... et si Death smiled at murder fait penser par moments aux Insatisfaites poupées du Docteur Hitchcock, c'est sans doute de par la présence de Klaus Kinski en charge d'une clinique qui n'est pas sans faire penser non plus au film de Fernando di Leo. Pour le reste le premier mot qui viendra en bouche sera "Original" devant cet essai pas mal transformé dans lequel on sacrifiera souvent le script au profit des personnages et de l'ambiance : caractéristique assez typique du cinéma transalpin d'alors.


Là où D'Amato innove de façon risquée, c'est dans sa manière de filmer puis de structurer son film comme un rêve éveillé, explorant en quelque sorte la métaphysique de la résurrection tout en l'intégrant au modèle giallesque, ce qui vous en conviendrez n'est pas une mince affaire ni un mince défi pour son réalisateur. Pourtant Aristide Massacesi se dépasse allègrement, et conjugue avec bonheur horreur et thriller filmés au rasoir, parvenant à maintenir un rythme régulier mais planant qui emmène le spectateur vers le rêve éveillé. Un rêve harmonieux et gracieux où tout est étonnant car, lorsque les séquences en action font partie du domaine du rêve ou de l'apparition hallucinatoire elles semblent tout à fait réelles, palpables, tandis qu'à contrario les scènes réelles paraissent appartenir au domaine du rêve. Le thème est passionnant et le faux rythme soutenu sans faille. Pour raccorder les tranches d'histoires ici mises en scène parfois dans le désordre, D'Amato avec intelligence nous offre des intermèdes courts, efficaces mais aussi propres aux deux genres qu'il tente de mélanger, le giallo et le fantastique gothique horrifique. Ainsi nous avons droit au domaine d'expérimentation du docteur Sturges dans les sous-sols caverneux de la clinique, et dans lequel les animaux servent de cobayes (Mais pas seulement d'animaux puisque des morts frais y sont froidement conservés) avec une ambiance flirtant avec le gothisme. D'autres scènes mettant en scène Kinski dans son labo, les éprouvettes à la main, contribuent également à la belle atmosphère, nocturne, inquiétante, dotée d'une belle photographie due à son metteur en scène qui, on le rappellera, s'il ne fut pas un bon metteur en scène au regard de sa carrière, demeura malgré tout un très bon chef opérateur. Il ponctue aussi par des scènes d'humour avec cette simulation de noyade dans une baignoire finissant en baisouille lesbienne.

 

 

Joe D'Amato remporte également la partie c'est dans les scènes dites "chocs", horrifiques comme giallesques. Soit, les apparitions spectrales de Luciano Rossi sont peu convaincantes. Le plus souvent l'air hébété, les yeux écarquillés, il semble se demander ce qu'il fait là et était mieux employé dans La mort caresse à minuit filmé par Luciano Ercoli l'année précédente. Ailleurs c'est bien meilleur heureusement. On passera rapidement sur l'accident de calèche aux accents gores et avec son conducteur éventré pour le coup, les tripes saillantes, pour dire combien certaines séquences sont tout à fait remarquables. On retiendra surtout un 'emmurement' d'une personne vivante au sein des sous-sols de pierres, aux accents très beaux et très glauques, filmé parfois en plan suggestif, sans doute du point de vue du véritable tueur en série qui hante l'établissement, parti pris qui double l'intérêt sans jamais le dédoubler ou le disperser. Ailleurs il y a une séquence encore plus stupéfiante dans laquelle l'une des patientes pense être poursuivie par le spectre qui semble hanter les lieux, puis se sentant menacée, traverse un parc, avant que nous voyons surgir les lunettes d'un fusil pointé sur elle, le plan abandonnant le cauchemar éveillé pour laisser place à la réalité brutale, et nous avons droit à une longue séquence de toute beauté savamment filmée entre rêve et réalité, proche même de l'onirisme, ceci en passant, toujours en adéquation avec l'ambiance qu'a su maîtriser puis distiller son réalisateur qui pourrait passer pour le coup pour un petit maître.

Que dire d'autre de cette réussite dont le principal défaut finalement est d'être un peu fourre-tout ? Qu'il renvoie quelque part dans ses excès et débordements sanglants à ses films postérieurs, sauf comme dit au début de cette critique qu'ils ne sont encore là qu'un penchant mais pas un argument de vente et du coup s'intègrent parfaitement. De même de par le côté putride de son histoire et l'ambiance choisie, proche du conte nécrophile, on sera tenté de le rapprocher de Buio Omega. La Morte ha sorriso all'assassino reste un film autant original, relativement maîtrisé, inquiétant et également envoûtant dans ses meilleurs moments.

 

 

Une autre chose notable et loin d'être négligeable comme toujours, c'est la formidable partition de Berto Pisano qui ne serait pas loin de détrôner ici son Morricone, gardant néanmoins un style propre et passant par tous les registres possibles. Du lounge érotique bien balancé aux stridences schizophrènes et menaçantes, du riff ponctuel inspiré et faisant raccord aux mélodies romantiques et fantomatiques, sa contribution est complète, harmonieuse avec le sujet du film, les séquences en jeu et le traitement romantique et éthéré, brillamment infligé par son auteur. Ah tiens j'ai dit auteur pour un Joe D'Amato ? Pourquoi pas après tout... Quoi qu'il en soit, celui-ci aura livré au minimum un assez beau patchwork au sein de sa généreuse et rugueuse filmographie. Pour finir, les acteurs hormis une ou deux failles ici ou là (Luciano Rossi donc par exemple), ont, même quand ils jouent à peine, un charisme qui porte le film et qui ne se dément jamais. Ce ne sont ni Klaus Kinski, personnage intriguant s'il en est, ni Ewa Aulin parfaite ici dans tous les registres, qui viendront contredire cela.

Mallox
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