Cynique, l'infâme, le violent, Le
Titre original: Il Cinico, l'infame, il violento
Genre: Poliziesco
Année: 1977
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Umberto Lenzi
Casting:
Maurizio Merli, Tomas Milian, John Saxon, Renzo Palmer, Robert Hundar, Riccardo Garrone, Marco Guglielmi, Rosario Borelli, Guido Alberti, Salvatore Billa, Franco Marino, Ennio Antonelli, Fortunato Arena, Bruno Corazzari, Gabriella Giorgelli, Fulvio Mingozzi...
 

On peut d'ores et déjà considérer qu'Umberto Lenzi est l'un des plus vieux briscards du Poliziottesco, en même temps que l'un de ses plus prolifiques représentants (même si Fernando Di Leo lui est supérieur - mais c'est une autre histoire). Le Cynique, l'infâme, le violent commence à donner des signes de distanciation vis-à-vis d'une société italienne en pleine mutation et de fait, on pourra se montrer surpris que ce dernier livre un film relativement dénué du miroir social souvent conspué et catalogué "fascisant", qui faisait pour beaucoup la saveur de ses œuvres antérieures au sein du même genre. Pour mémoire et dans l'ordre on rappellera qu'il avait déjà tourné "La Guerre des gangs" (Milano Rovente), La Rançon de la peur (Milano Odia: la polizia non può sparare), "Un flic hors la loi", Bracelets de sang, Opération casseurs ou encore Le Truand sort de sa planque. Autant qu'une continuité dans son incursion au sein du Poliziotteschi, Le Cynique, l'infâme, le violent marque aussi la troisième collaboration entre le réalisateur et notre blond moustachu réac préféré, l'ineffable Maurizio Merli, qui reprend ici le personnage du commissaire Tanzi déjà présent l'année d'avant dans Brigade spéciale.

 


On y retrouve un Tanzi qui vient juste de démissionner des forces de l'ordre et qui tente de se reconvertir comme écrivain de romans policiers (on pourra facilement voir dans le personnage de Merli une sorte d'alter ego du réalisateur qui, avant la carrière de cinéaste, exerçait ce même métier avec un résultat semble-t-il peu fructueux). Il aurait même pu couler des jours paisibles consacrés à l'exercice de l'écriture avant que son passé ne vienne le rattraper en la personne du Chinois. Ce dernier, campé avec une sobriété inhabituelle et surtout pas mal de malice par Tomas Milian, n'a en effet de cesse que de se venger.
Tout juste évadé parviendra-t-il à faire en sorte que notre héros conservateur se prenne une bonne bastos comme il le mérite. Manque de bol, ses hommes de main sont quelque peu manchots et c'est à bout portant que l'un d'entre eux confondra cœur, poumon et épaule. Et puis, un Tanzi plus cérébral reste tout de même un Tanzi, à savoir robuste et toujours d'aplomb, quand bien même plombé, pour remonter la pente, puis la filière et remettre un peu d'ordre dans une anarchie, qu'elle tende à le viser ou non. Une filière qui le mènera tout droit à Rome au sein d'un racket de protection dont le grand manitou est Frank Di Maggio, pour qui le Chinois officie.
Di Maggio est remarquablement (et surtout savoureusement) campé par le formidable John Saxon, qui n'est pas loin de voler en quelques plans la vedette à nos deux amis ici-omniprésents, Milian et Merli. Il faut le voir, après avoir attaché un traître en l'écartelant entre deux branches d'arbre, s'exercer au golf en toute décontraction, voire un flegme britannique, et faire un "trois coups" d'affilé et bien ajusté en plein dans la tête du pauvre bougre. D'autant plus que ce dernier n'en aura hélas pas fini puisque Di Maggio le fera ensuite bouffer par ses deux gros dogues allemands.
Vous comprendrez qu'avec de telles scènes, le film se fasse par moments délicieusement sadique. La composition de John Saxon est un régal et dépasse même celle livrée dans le pourtant bonnard Opération casseurs dans lequel, il est vrai, il restait quelque peu couvert, campant un industriel ambitieux.

 

 

Si Le Cynique, l'infâme, le violent ne possède pas la même fureur sauvage contagieuse que La Rançon de la peur, s'il ne possède pas non plus le côté brouillon épidermique de la peinture romaine crépusculaire tapie dans une société en pleine décrépitude de Brigade spéciale, et si l'interactivité et les rencontres entre Milian et Merli qui en faisaient pour beaucoup le prix sont un peu moins présentes et mémorables, le plaisir est ailleurs.

Ce qui étonne en premier lieu, c'est tout d'abord un scénario un peu plus élaboré et moins bordélique qu'à l'accoutumée. En effet, dispensé des rencontres aléatoires hors contexte qui n'étaient finalement là que comme prétextes à des règlements de comptes, dispersant les films de leur centre d'intérêt principal aux dépens des caractères mis en jeu, le film gagne ailleurs en homogénéité. On le doit au prolifique, talentueux et quasi incontournable Ernesto Gastaldi. Celui-ci avait déjà élaboré celui de La Rançon de la peur et, disons le tout net, remplace ici assez avantageusement les livraisons de ses confrères, que ce soit Vincenzo Mannino, Franco Enna ou encore le pourtant estimable Dardano Sacchetti (toutefois coscénariste ici encore). Ajoutons que, comme souvent, Lenzi lui-même vient y mettre son grain de sel avisé de vieux conteur du genre.

D'ailleurs pour en revenir au réalisateur, c'est bien son style sec, nerveux, ultra violent et parfois brouillon qui parvenait le plus souvent à en transcender les défauts, dépotant de l'action à tout va, distillant des scènes d'action d'une sauvagerie loin des standards lissés.

 


Lenzi marque ici des points là où ne l'attendait pas. Sa mise en scène est sans doute l'une des plus maîtrisées qu'il ait jamais livrées, avec des raccords d'une fluidité qu'aucun n'aurait pu soupçonner. Les scènes s'accumulent avec un sens du rythme sans faille, dans un spectacle qui tient en haleine sans pour autant dénuer ses personnages d'humour.

Au-delà de la finaude prestation de John Saxon évoquée plus haut, l'absolue nonchalance de Milian fait des étincelles tandis que le jeu très "mâle", pondéré mais rageur de Merli contraste merveilleusement avec la suavité de ses ennemis. Un peu à l'instar d'un John Wayne, rien que de le voir enlever ses bandages, comme un simple pansement, amuse et il est difficile de ne pas voir un brin d'ironie là-dedans avec un acteur aimant jouer avec sa propre image.

Du coup, si la fin semble un peu expédiée et capilotractée, Lenzi fait se succéder par ailleurs les morceaux de bravoure avec, comme point d'orgue, une étonnante scène se situant dans l'enceinte d'un établissement aux mains de Di Maggio ; une séquence dans laquelle Merli, assisté d'un compère, pénètre à l'aide de lunettes lui permettant de voir les faisceaux d'alarme invisibles. Lenzi fait ici preuve en quelques minutes d'une véritable science du timing.

 

 

Difficile de ne pas évoquer non plus la formidable partition de Franco Micalizzi qui n'a rien à envier aux meilleures livraisons d'un Lalo Schifrin, auxquelles elle peut parfois faire penser, qui lui confère un somptueux cachet en plus de contribuer à soutenir le rythme d'un ensemble déjà solide.

N'oublions pas les seconds rôles, les fidèles au poste : Claudio Undari (Le Clan des pourris), Bruno Corazzari (Le Tueur à l'orchidée), Guido Alberti (La Rançon de la peur/ Bracelet de sang/ Opération casseurs) et rendons hommage à la très belle Gabriella Lepori (Brigade spéciale) dont ce sera ici le dernier rôle au cinéma. Une fois n'est pas coutume, cette dernière n'est ici pas trop délaissée, ni même rangée au rang des potiches habituelles, pour un film dit "d'hommes".

 

Bref, Le cynique, l'infâme, le violent est un brillant et fort bon polar, l'une des dernières contributions au genre d'Umberto Lenzi avant la réussite de Échec au gang, puis un chant du cygne assez faiblard (avec à peine un pied dans le genre qui nous concerne ici) avec "Corléone à Brooklyn". Après quoi le réalisateur s'en ira buter du crocodile, et vendre des billets d'avion à des zombies. Toujours est-il qu'il livre ici l'un de ses tous meilleurs films, du moins celui dans lequel il démontre sa plus grande maîtrise pour la mise en scène. Comme quoi toute règle a ses exceptions, même si avec des bobines telles que Paranoïa et Il coltello di ghiaccio, Lenzi laissait déjà entrevoir ses capacités à maîtriser pleinement son sujet et sa mise en scène. Et comme celui-ci - qui, soit, n'est pas un giallo mais un pur poliziesco - s'avère encore meilleur, il serait dommage d'y bouder son plaisir.

 

 

 

Mallox

 

 

En rapport avec le film :

 

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