Identités
Genre: Fantastique , Anthologie
Année: 2009
Pays d'origine: France
Editeur: Editions Glyphe
Collection: Imaginaires
Auteur: Anthologie dirigée par Lucie Chenu
 

Alors voilà bien une anthologie que j'attendais depuis fort longtemps et avec grande impatience ! Plusieurs raisons à cela : Elle paraît aux éditions Glyphe, maison d'édition qui n'a de cesse de m'étonner et de forcer mon admiration depuis la création de leur collection "Imaginaires", elle est dirigée par Lucie Chenu, auteur et anthologiste que je respecte et admire aussi profondément pour son travail, et elle aborde en plus de cela un thème passionnant, à la fois intemporel et cruellement d'actualité, la notion d'identité.

Qui sommes-nous ? Qu'est-ce qui nous définit réellement en tant qu'individu ? Notre éducation ? Nos actes ? Notre rapport à autrui ? Notre mémoire ? Notre religion ? Notre couleur de peau ? Nos origines sociales ? Vaste question...

Et c'est justement celle-ci que pose Lucie Chenu dans son anthologie, mais aussi dans sa très belle préface, une préface remplie de justesse et d'émotion sur un sujet que l'on sent très sensible chez l'auteur. Une belle introduction dans une anthologie aux multiples voix, exprimant toutes à leur manière ces questions d'identités, ces points de ruptures, ces fêlures, ces rejets, ces exclusions, ces bribes de souvenirs, ces drames mais aussi ces espoirs qui font que nous sommes humains, que nous existons, malgré nos différences et nos divergences.

Lucie Chenu à appelé toutes les belles plumes qui ont répondu présentes pour cette ambitieuse anthologie à s'exprimer sur cette délicate notion d'identité et surtout sur le rapport à l'Autre, celui qui nous aime, qui nous aide à avancer et à grandir, mais aussi celui qui nous méprise, qui nous juge, qui nous insulte et qui nous rabaisse, volontairement ou non. Les tons et les genres sont multiples mais la cohérence est là, le tout sonne particulièrement juste et l'ouvrage nous bouscule, nous heurte, nous émeut, nous travaille au corps, nous choque aussi peut-être, nous fait grincer des dents, plus d'une fois, mais une chose est sûre, il ne nous laisse jamais indifférent. Le ton est donné pour une anthologie engagée et pleine d'humanité, qui laisse la place aussi bien à la tristesse qu'à l'espoir, témoin d'un monde, d'un temps, et d'une société où il n'est pas si évident d'être soi, d'être en accord avec soi-même et avec ceux qui nous entourent...


Pour orchestrer ce ballet polyphonique, Lucie Chenu a choisi de découper son anthologie en trois parties : "Identités Meurti(è)res", "Identités Miroirs, Identité mémoire" et "Miroirs brisés, puzzles éclatés". La première partie va principalement aborder les thèmes de l'exclusion, de l'intégration, de la colonisation ou de la ségrégation, le thème des blessures jamais refermées ou de celles qui au contraire se creusent avec le temps. Le ton est donné d'entrée de jeu avec une chanson de Jean-Pierre Andrevon et une nouvelle coup de poing de Jess Kaan : on nous aura assez prévenu pourtant, cette anthologie va faire mal !! Malheureusement pour vous comme pour moi, je dois vous dire à ce stade que je n'aurais jamais le loisir de vous parler ici de chaque nouvelle, la place me fait cruellement défaut. Et je le regrette sincèrement, surtout vis à vis de tous ces auteurs qui nous livrent ici, tous sans exception, de superbes textes. Car ce n'est pas moins de 26 nouvelles qui figurent au sommaire d'Identités ! Des textes d'auteurs confirmés comme Jérôme Noirez, Jean Michel Calvez, Orson Scott Card, Alain le Bussy, Jess Kaan ou Estelle Valls de Gomis qui côtoient des plumes moins connues mais non moins talentueuses telles que Ludovic Lavaissière, Michèle Sébal, Léo Lamarche ou Antoine Lencou. Ah Lucie chenu ne se moque pas de ses lecteurs, ca c'est le moins qu'on puisse dire ! Et toujours est-il que cette première partie dérange. Le ton n'est pas forcément des plus politiquement correct et les sujets abordés sont troublants et douloureusement évocateurs : déportation, colonisation, pogrom, racisme ou génocides. Tout cela revu au travers du prisme de l'imaginaire, certes, mais que l'on parle de fées aux ailes coupées, d'extraterrestres en mal d'intégration ou de déportés gitans envoyés aux camps de la mort, la douleur et le souvenir sont là, bien présents dans les esprits de chacun.

C'est donc considérablement remués que nous abordons la seconde partie de l'anthologie, celle qui comme son nom l'indique va nous parler de la mémoire et des souvenirs. Ceux qui nous créent et nous définissent, ceux que l'on voudrait avoir la force d'oublier comme ceux que l'on chérit plus que tout. Une très belle partie, finalement plus classique que la première, mais qui comporte de petites perles comme les nouvelles de Michèle Sébal, Lionel Davoust et celle, cruellement hilarante de Sylvie Miller et Philippe Ward.

On termine ce voyage par une troisième partie plus énigmatique, personnellement ma préférée, qui nous offre un troublant parcours aux confins de la folie, dans ces petites zones fragiles, ces points de rupture, ces moments où l'on se sent prêt à craquer et à commettre l'irréparable. Folie, dépression, haine, maladie, pulsions meurtrières, autant de zones d'ombres qui nous rendent humains, trop humains... Les nouvelles de Sophie Dabat, de Ludovic Lavaissière et de Léo Lamarche sont de petits bijoux, mais elles ne sont pas les seules, croyez-moi sur parole !


La place me manque pour vous dire toutes les émotions qu'a suscité chez moi cette anthologie. J'ai pleuré, véritablement, avec Léo Lamarche et j'ai de suite appelé l'une de mes deux grand-mères, juste pour parler dix minutes avec elle et pour échanger quelques menues anecdotes, des petites choses toutes simples, et j'ai pensé très fort à mon autre grand-mère, celle qui comme la grand-mère de l'héroïne m'a déjà oubliée à cause de cette foutue maladie... J'ai ri jaune avec Michèle Sébal et Sylvie Miller, j'ai frémis d'horreur avec Jean Michel Calvez ou Jérôme Noirez, j'ai grincé des dents avec Carl Louvier ou Jess Kaan et j'ai été emporté par la prose et les Freaks de Ludovic Lavaissière. Aucun texte ne m'a laissé de marbre, et je m'excuse auprès de tous les auteurs dont je ne peux pas parler ici, il ya tant de choses à dire sur chacun des textes ici présents que j'aurais pu en noircir de pleines pages. Alors je ne dirais qu'une seule chose pour conclure, qui s'adresse donc tout autant à l'anthologiste qui a eu le courage d'oser cette anthologie poil à gratter qui dérange et met du baume au cœur tout à la fois et qui a su réunir tous les talents ici présents, qu'aux auteurs qui composent cette fresque pour nous, qui nous distillent tous ces sentiments de haine et d'amour au fil des pages et de leurs univers respectifs : Cette anthologie est un bijou, un hymne à la tolérance, un miscellanées des meilleures plumes à l'heure actuelle dans l'imaginaire et un véritable brûlot contes les exactions, passées présentes et à venir. De la littérature de haut vol, de la littérature qui n'a pas peur d'hurler ce qu'elle a dire, qu'elle qu'en soit la forme, quitte à choquer les bien-pensants, et qui sait en même temps nous faire rêver, aimer et réfléchir. Merci madame Chenu, merci à tous les auteurs...


Note : 10/10

Chaperon Rouge

 

A propos de ce livre :

 

- Site de l'éditeur : http://www.editions-glyphe.com/

- Lire un extrait de l'anthologie "Identités"

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